PDG de l'année - Les Affaires: «Un leader sait transformer les bonnes intentions en résultats» - Michael E. Roach, pdg du Groupe CGI


Édition du 07 Décembre 2013

PDG de l'année - Les Affaires: «Un leader sait transformer les bonnes intentions en résultats» - Michael E. Roach, pdg du Groupe CGI


Édition du 07 Décembre 2013

Par Marie-Claude Morin

Michael E. Roach, pdg du Groupe CGI [Photo : Daphné Caron]

C'était à l'été 2012. CGI annonçait une nouvelle structure organisationnelle chez Logica. Dirigeants et employés apprenaient qui resterait et comment fonctionnerait l'entreprise britannique dans le giron de la société de Montréal. Rien là de bien étonnant... jusqu'à ce que Michael Roach nous précise que cette annonce a eu lieu deux semaines avant que CGI ne devienne officiellement propriétaire de Logica.

«Nous voulions que tout le monde soit prêt dès le lendemain de la transaction», raconte le pdg lors d'une rencontre dans ses bureaux. Convaincu que «chaque jour perdu fait reculer encore plus», le dirigeant a obtenu de la direction et du conseil d'administration de Logica de devancer l'annonce. «C'est très rare», admet-il en riant.

L'anecdote n'étonnera pas ceux qui connaissent Michael Roach, arrivé chez CGI en 1998 avec l'acquisition de Bell Sygma, une filiale de Bell Canada qu'il présidait. Sur toutes les lèvres - dont les siennes - les mots «exécution», «discipline» et «résultats» reviennent en boucle lorsqu'il est question de celui qui occupe le fauteuil de pdg depuis 2006.

Jean-René Halde, pdg de la Banque de développement du Canada (BDC), a l'occasion de le côtoyer à titre de président du conseil d'administration du Conference Board du Canada, dont M. Roach fait partie. «Michael Roach a l'excellente habileté de voir l'ensemble d'une situation tout en étant capable d'être extrêmement rigoureux dans le suivi des choses, dans l'exécution.» Une combinaison qui n'est pas donnée à tous, ajoute M. Halde.

Membre du jury qui a désigné Michael Roach pdg de l'année 2013, Christian Godin apprécie que le dirigeant de 61 ans ait su tenir ses promesses. «Il a été capable de prévoir où serait son entreprise après l'intégration de Logica malgré tous les changements à traverser et les vents contraires en Europe, au Canada et aux États-Unis», dit le vice-président principal chez Montrusco Bolton.

Mais attention, ce n'est pas parce que Michael Roach est rigoureux qu'il est austère. Il est même plutôt détendu dans la salle de conférence attenante à son bureau, poursuivant sa discussion avec nous sans le moindre signe d'impatience lorsque le sablier est écoulé. Tout au long de l'entrevue - sauf lorsqu'il est question de l'Obamacare - il éclate volontiers de rire, poussant même quelques blagues.

De quoi donner raison à Paule Doré, dirigeante de CGI de 1990 à 2009 et administratrice depuis 1995 : «Michael a un grand sens de l'humour et un esprit très aiguisé. Oh oui !» C'est là une des nombreuses façons de constater «l'intelligence supérieure» de l'homme.

Jean-René Halde connaît aussi ce Michael Roach qui, comme les céréales populaires, sait avoir deux côtés bien distincts. «Cinq minutes avant la réunion, il prend un café, rit, jase, raconte son dernier voyage. Quand on s'assoit, il devient l'administrateur très à son affaire, qui a lu ses dossiers.» Un homme très sympathique, bref. «C'est cliché de dire ça, mais c'est vrai», s'excuse presque le patron de la BDC.

Communiquer, une force à ne pas négliger

Paule Doré parle avec enthousiasme des talents de communicateur de Michael Roach. Capable de synthétiser des choses très complexes, il a le sens de la formule sans tomber dans la frime. «C'est un excellent communicateur, ce qui est important tant à l'interne qu'avec les clients et les actionnaires.»

Le dirigeant a eu l'occasion de mettre ces compétences à l'oeuvre durant la dernière année. Pour faire connaître la philosophie et le mode de fonctionnement de CGI aux équipes de Logica, il a emménagé six semaines dans les bureaux de Londres.

Il a d'abord tenu à «rencontrer face à face dès le départ» les dirigeants syndicaux. «Nous avons été très transparents quant à ce que nous voulions faire et comment nous comptions le faire.» Ses vis-à-vis, dit-il, étaient très disposés à travailler avec CGI, ce qui a permis d'accélérer la réorganisation.

Il a aussi enchaîné les réunions avec les dirigeants. Quelque 2 500 au total, rencontrés par groupes de 300 ou 400. Pendant deux jours, ils ont eu un cours CGI 101, donné par Michael Roach, Serge Godin et David Anderson, chef des finances. «Il faut parler rapidement aux dirigeants locaux, parce que ce sont eux qui connaissent le mieux les employés.» Dans l'industrie des services-conseils, on ne signe pas un chèque de 2,7 G$ pour acheter des immeubles et des ordinateurs, mais bien pour s'adjoindre le savoir-faire des employés et leurs relations avec les clients.

Or, l'homme est bien placé pour le savoir : les employés s'inquiètent de leur situation personnelle avant de s'enthousiasmer pour l'organisation. «Je n'hésite pas à leur dire que je suis passé par là, que je sais ce qu'ils vivent», dit le père de deux filles, âgées de 32 et 34 ans. Son objectif : que tous les employés se sentent les bienvenus chez CGI.

Tisser un véritable partenariat

En 1998, Michael Roach n'a pas hésité : il s'est joint à CGI même s'il aurait pu rester chez Bell, où il a oeuvré pendant 25 ans et pour qui il venait de piloter la vente de Bell Sygma. «Je ne pouvais pas dire à mes employés "c'est une transaction géniale, good bye and good luck". Si c'était assez bon pour eux, je me devais de les suivre.»

Il faut dire que les perspectives de l'acquéreur en série lui plaisaient. «Je voulais contribuer à bâtir quelque chose, pas seulement gérer.» Il aspirait à laisser un héritage aux prochaines générations. Un peu comme l'ont fait ses parents, «qui l'inspirent beaucoup».

Respectivement ouvrier et mère au foyer installés à Pembroke, sur les berges ontariennes de la rivière des Outaouais, ces derniers ont su offrir une bonne éducation à leurs cinq garçons et à leur fille. Ils leur ont permis de devenir dentiste, enseignants, agent de la GRC... et pdg d'une entreprise de 68 000 employés. «En une génération, ils ont significativement amélioré nos vies», dit celui qui s'inspire aussi de biographies comme celles de Margaret Thatcher et Bill Clinton, entre deux romans de John Grisham.

Pour concrétiser ses aspirations, le diplômé en économie et sciences politiques avait trouvé son homme en Serge Godin. «C'est probablement un des meilleurs dealmakers que j'aie jamais rencontrés. Doté, en plus, d'une très bonne vision à long terme.» Clin d'oeil du destin, le nom de jeune fille de sa mère est Godin ! Même si lui parle peu français, ses ancêtres sont en effet des Français arrivés en 1752 à Québec, où la famille a habité pendant 180 ans.

Progressivement, Michael Roach a joué un rôle grandissant chez CGI. D'abord vice-président exécutif, systèmes et services d'information, télécommunications, puis vice-président exécutif, ingénierie d'affaires et impartition, il a ensuite été président, Canada et Europe, avant d'occuper le poste de président et chef de l'exploitation pendant quatre ans, pour finalement devenir pdg en 2006. «Il a eu la sagesse de bien comprendre l'entreprise avant d'accroître ses responsabilités», dit Paule Doré, contente du fait que Serge Godin ait pris le temps de guider son poulain dans la philosophie CGI.

Michael Roach l'affirme sans ciller : lui et le fondateur travaillent vraiment comme des partenaires. «Chacun se focalise sur ses forces et nous ne faisons jamais la même chose.» Serge Godin se concentre sur les éléments stratégiques, notamment les acquisitions et les relations avec les clients. Michael Roach, lui, «transforme les bonnes intentions en résultats positifs pour toutes les parties prenantes».

Si les deux hommes divergent parfois d'opinion sur les stratégies à privilégier, ils sont à 100 % sur la même longueur d'onde quant à l'objectif à atteindre : créer de la valeur. «Nous ne sommes jamais en désaccord là-dessus !»

Courtiser sans relâche

Michael Roach se donne cinq à sept ans pour doubler la taille de CGI. La moitié de cette croissance viendra de l'interne, l'autre des acquisitions. «Nous sommes rendus plus gros, donc ce sera plus long», précise-t-il en souriant, l'air de se donne une marge de manoeuvre.

Le pdg n'entend pas privilégier le volume d'affaires au détriment de la profitabilité pour autant. Les dirigeants de Logica l'ont vite appris. «Ils étaient rémunérés selon les revenus plutôt que les profits. Maintenant, ils doivent dégager des profits.»

Leurs responsabilités ont été réparties géographiquement et leurs pouvoirs, accrus. En contrepartie, ils doivent chaque trimestre présenter leurs indicateurs de performance devant une cinquantaine de leurs pairs. À ces contrôles s'ajoutent les visites régulières de la direction et les vidéoconférences, précise le pdg en indiquant l'immense téléviseur au bout de la table.

En parallèle de la gestion quotidienne, Michael Roach collabore avec Serge Godin à l'identification de cibles potentielles. Puis à leur cour assidue. «Comme elles deviennent moins nombreuses avec la consolidation de l'industrie, il faut faire savoir qu'on est toujours prêts à discuter.» Deux ou trois fois par année, il prend contact avec les dirigeants des cibles qui l'intéressent et profite de ses voyages pour les rencontrer. Certains se font tirer l'oreille pour venir jaser stratégie autour d'un bon repas, reconnaît-il en riant. «Ils savent pourquoi j'appelle !» Peu importe, l'enjeu est trop important : il faut être là lorsque les cibles sont mûres. Comme Logica, que CGI avait rencontré pour la première fois en 2007.

La prochaine grosse acquisition, dit M. Roach, sera vraisemblablement aux États-Unis. «C'est ce qui aurait le plus de sens.» CGI y réalise des revenus de 3 G$, alors que le marché totalise «600 ou 700 G$».

Michael Roach passera donc encore plusieurs années loin des verts de golf. Pas grave, dit-il. «J'aime ce que je fais et je ne rêve pas de retraite», ajoute-t-il, même si trois de ses frères et soeur sont maintenant retraités. Tant qu'il a le temps pour quelques voyages de pêche, ça va. Guatemala, Alaska, Mexico... lui et ses copains en profitent pour décrocher. «J'adore la pêche ! C'est une bonne façon de relaxer puisqu'il faut ralentir.» Et pour pêcher, il faut être patient. Sinon, on n'exécute rien.

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