Trois solutions pour relancer la formation professionnelle et technique

Publié le 15/05/2010 à 00:00

Trois solutions pour relancer la formation professionnelle et technique

Publié le 15/05/2010 à 00:00

Voici les trois solutions suggèrées par les experts interrogés par notre équipe

1- Revaloriser les programmes: " Quand t'es pas bon à l'école, tu t'en vas dans une technique "

À la Commission scolaire de Montréal (CSDM), on se réjouit d'un sondage qui montre que 6 parents sur 10 seraient contents si leurs adolescents voulaient se diriger vers une formation professionnelle.

C'est sûr, disent experts et intervenants. C'est un peu comme les fabuleux résultats des sondages sur l'environnement et autres voeux pieux.

Dans les faits, il y a unanimité sur un point : les parents sont les pires ennemis des formations techniques. Leurs préjugés à leur égard sont titanesques. "Les parents perçoivent ces formations comme un échec majeur ", dit Josée Bouchard, présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec.

Cette image négative, les jeunes l'intègrent, bien sûr. " Pour eux, les techniques sont pour ceux qui ne sont pas bons à l'école, ajoute Josée Bouchard. C'est bien différent en Europe : les jeunes côtoient plus tôt les métiers et ne les perçoivent pas comme des avenues perdantes. Toutes les sociétés ont besoin d'électriciens, de plombiers ou de soudeurs. "

La société n'a pas fait beaucoup d'efforts pour promouvoir les métiers, dit Simon Prévost, président des Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), même si " le gouvernement s'est réveillé récemment ", et qu'il a mis en place une série de mesures pour renverser la tendance.

Depuis quelques années, les initiatives pullulent : pièces de théâtre, vidéos, sites Web, foires et salons, tout y passe. Même la pub télé, à heure de grande écoute, où l'on voit un ado affirmant haut et fort qu'il veut devenir plombier, sous le regard attendri de ses parents compréhensifs.

Le MEQ, de son côté, organise chaque année, depuis 2004, des Portes ouvertes des manufacturiers, qui permettent à des milliers de jeunes du secondaire ainsi qu'à des raccrocheurs de visiter une entreprise de leur région.

" Le défi le plus important est de convaincre le parent que la formation professionnelle conduit leur enfant vers des métiers intéressants et bien payés ", dit Jean Blouin, conseiller pédagogique à la formation professionnelle de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB), qui offre 34 programmes. Il organise un Salon itinérant qui se déplace dans les écoles secondaires.

Pour éviter l'influence négative des pairs pendant un salon itinérant, la CSMB a créé un site Web qui propose des visites industrielles virtuelles. " L'élève peut regarder ces capsules chez lui sans se faire dire par ses amis : "T'es fou. Ça a l'air tellement plate la soudure" ", explique Jean Blouin.

2- Mieux informer les jeunes: " Que fait un technicien en logistique de transport ? "

" Pour les orienteurs, l'horticulture est un emploi saisonnier, donc précaire. Cela fait fuir nombre d'élèves. Résultat : l'industrie connaît une pénurie sévère. "

Andrée Hélie, coordonnatrice au Département d'horticulture du Collège Montmorency, à Laval, ne sait plus comment l'expliquer aux orienteurs des niveaux secondaires : au pire, son secteur connaît un creux de trois mois; et aucun si vous travaillez dans les municipalités. " Le nombre d'heures travaillées sur l'année est le même que pour l'ensemble des travailleurs ", dit-elle.

Les orienteurs donnent aux élèves des informations au sujet du marché du travail et, à l'aide de différents tests, les conseillent. S'ils sont pour la plupart compétents, ils sont responsables d'un nombre considérable d'élèves, et il leur arrive d'être victimes de préjugés ou de diffuser de fausses informations.

Ainsi, après les attentats de septembre 2001, plusieurs orienteurs déconseillaient aux élèves de s'orienter en aéronautique, ce qui a fait chuter les inscriptions à l'École nationale d'aérotechnique de Saint-Hubert. La crise dans le secteur n'a pas duré, mais la pénurie de main-d'oeuvre, elle, se fait encore sentir dans un des secteurs névralgiques de la métropole. Les départs à la retraite laissent 1 400 postes à combler annuellement.

Les techniques forestières sont un autre bon exemple : l'image d'une industrie en crise ne correspond pas à la réalité. Le programme technique collégial ne conduit pas les finissants à scier du bois dans des clairières, mais plutôt à gérer de manière avant-gardiste et durable la forêt, une ressource qui n'est pas près de s'épuiser. Le bois dans son ensemble a si mauvaise presse que même le programme d'ébénisterie, très populaire il y a quelques années, est en difficulté.

Les techniques métallurgiques ou minières n'ont pas la cote non plus. Les images peu glamour d'ouvriers remontant péniblement à la surface après un dur quart de travail n'ont rien à voir avec le travail d'un technicien minier. " Il y a une mauvaise perception ", dit Daniel Nadreau, directeur des ressources humaines de la mine Mont-Wright d'Arcelor-Mittal, près de Fermont. " On croit à tort que ce sont des emplois physiquement difficiles. Les jeunes ne voient pas le haut niveau technologique du travail dans les mines. "

Outre les préjugés défavorables, il y a aussi un manque d'information. " Il y a des programmes méconnus, dont le titre n'évoque absolument rien aux jeunes, souligne Caroline Hamel, responsable du service de placement au Cégep de Trois-Rivières. On sait ce que fait une infirmière, un plombier... Mais qu'est-ce que la technique de logistique du transport ? " (non, cela ne prépare pas les futurs parents à transporter leurs enfants d'une activité sportive à l'autre. Il s'agit de négocier, d'organiser ou de superviser les déplacements de marchandises de toutes sortes, ici comme à l'étranger.) " Quel jeune s'inscrira si on ne lui explique pas ce que c'est ? demande Mme Hamel. Pourtant les taux de placement sont de 100%. "

L'information est donc primordiale. Pour la plupart des intervenants, il faut la diffuser là où les jeunes se trouvent, soit sur le Web et sur les réseaux sociaux. " Ce sont des outils incontournables pour les rejoindre ", dit Andrée Hélie. Encore faut-il savoir comment.

3- Commencer à enseigner plus tôt : " À 16 ans, on les a déjà perdus "

Pour accéder à la plupart des diplômes d'études professionnelles (DEP), l'étudiant doit avoir terminé le secondaire cinq, parfois le secondaire quatre ou encore, avoir 16 ans et prouver, grâce à un test général d'aptitudes, qu'il a les connaissances nécessaires pour réussir son cours professionnel.

Toutefois, pour bien des jeunes, se rendre là par le secteur général est un parcours du combattant. " Lorsqu'ils ont enfin accès à une formation technique, plusieurs d'entre eux sont dégoutés et ont déjà abandonné. À 16 ans, on les a déjà perdus ", dit Jean-René Sauvageau, directeur des centres locaux d'emplois (CLE) de Shawinigan-Grand-Mère.

Pour Simon Prévost, président des Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), il faut aiguiller les élèves dès le début du secondaire, avant qu'ils ne décrochent. " Les options techniques arrivent un peu tard. Les jeunes quittent l'école, avant de raccrocher à 22 ans, si on a de la chance. Socialement, c'est néfaste. "

Cela dit, Québec réagit. " Cela fait longtemps qu'on parle d'aller chercher les élèves plus jeunes ", explique Jean Blouin, conseiller à la formation professionnelle de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. " Avant, on sentait moins l'urgence. Maintenant, tout le monde travaille dans ce sens-là. " Il faut détecter les décrocheurs potentiels le plus tôt possible, soit avant la troisième année du secondaire, moment où ils sont le plus à risque.

Un changement bien accueilli

Depuis l'an dernier, Québec a introduit l'accès-DEP, un programme préparatoire accessible dès l'âge de 15 ans ou dès le secondaire deux. " Ce sont des jeunes qui ont déjà décidé qu'ils voulaient une formation professionnelle. On adapte les cours. C'est très nouveau ", dit Jean Blouin. Les cours réguliers - français, anglais, mathématiques ou sciences - sont enseignés trois jours par semaine. Les deux autres jours sont consacrés à des stages en milieu de travail.

Le programme de formation dure de un à trois ans et donne un certificat dans un des 131 métiers semi-spécialisés reconnus par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

" C'est un pas dans la bonne direction ", dit André Labrecque, conseiller d'orientation à l'Académie des Estacades, à Trois-Rivières, qui salue cette nouvelle ouverture et cet assouplissement des règles.

Des projets de sensibilisation se dessinent aussi pour le niveau primaire, comme dans certains pays européens. Mais le Québec n'en est pas encore là, dit Jean Blouin. " Il y a une grande résistance de la part des parents. "

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