Rémi Marcoux : De la Beauce au Mexique

Publié le 12/02/2011 à 00:00, mis à jour le 16/02/2012 à 08:08

Rémi Marcoux : De la Beauce au Mexique

Publié le 12/02/2011 à 00:00, mis à jour le 16/02/2012 à 08:08

R.V. - Transcontinental compte environ 12 000 employés aujourd'hui. Comment avez-vous exercé votre leadership toutes ces années ?

R.M. - Un leader, c'est quelqu'un de responsable, qui a une vision. La mienne était de bâtir une grande entreprise. Je n'avais pas de complexes à cet égard. Je me disais que si on pouvait avoir une base solide ici, on serait capable d'exporter ce savoir-là ailleurs. Et c'est ce qu'on a fait. Notre premier investissement à l'extérieur, une décision capitale dans le développement de Transcontinental, a été de bâtir une usine à Toronto, en 1981. Aujourd'hui, l'industrie s'est consolidée, mais à l'époque, il y avait plusieurs imprimeries à l'échelle du Canada.

R.V. - Aviez-vous peur qu'ils envahissent votre marché ?

R.M. - C'est sûr que si on ne bougeait pas, les imprimeurs de l'Ontario auraient débarqué ici. Pour nous, il était donc très important de nous implanter à Toronto, parce que le pouvoir de décision et les grands détaillants étaient là. Nous avons conclu une entente avec un de nos principaux clients, ce qui nous permettait d'établir une usine sur place avec de l'équipement moderne. J'ai été le premier du pays à avoir des presses short cutoff qui utilisent 7,5 % moins de papier pour la même couverture.

R.V. - Quel avantage cela vous a-t-il procuré ?

R.M. - Je suis sorti de la récession durant laquelle les gens n'avaient pas dépensé, alors que nous avions investi considérablement dans des presses spécialisées, haute vitesse, de très bonne qualité. Et ça a été un énorme succès. On faisait de l'argent tous les mois. Cela nous a ensuite permis de nous établir dans l'Ouest. Aujourd'hui, nous possédons 65 % du marché des circulaires au Canada.

R.V. - Quel genre de leader êtes-vous ?

R.M. - Je me suis toujours senti à l'aise dans une imprimerie, à discuter avec les pressiers et à les regarder travailler. La philosophie de Transcontinental, dans le secteur de l'imprimerie, j'appelle ça la politique des jeans : " Si vous voulez faire un bon job, il faut que vous soyez près des gens et des opérations. Le matin, vous êtes dans l'usine. L'après-midi, vous faites votre travail de bureau. " Une bonne connaissance des opérations est une des clés du succès. J'ai souvent dit à mes pressiers : " Sans vous, je ne suis pas capable de faire rouler les presses. Mais vous avez besoin de moi pour que je vous fournisse de l'ouvrage. " C'est une entente à deux.

R.V. - Quels ont été vos modèles ?

R.M. - J'ai développé l'entreprise en même temps que les frères Lemaire. Bernard a acheté un moulin en difficulté pour une piastre, puis, avec les mêmes machines et les mêmes hommes, il a bâti Cascades, une réussite. Qu'est-ce qui a fait la différence ? Il était près de ses hommes et ils avaient confiance en lui. Ça a été le point de départ. En même temps, Bernard Lemaire et ses frères ont été audacieux. Ils ont investi à l'international, entre autres en France. Bombardier est une autre société que j'aime beaucoup. Laurent Beaudoin a dû prendre la succession de son beau-père, et regardez ce que Bombardier est devenue : un grand leader dans le transport en commun et l'aéronautique.

R.V. - Bien des gens disent qu'on ne reverra plus des géants de ce calibre au Québec... Peut-on avoir espoir dans la nouvelle génération d'entrepreneurs ?

R.M. - Sûrement. D'une part, les jeunes ont de bonnes formations. D'autre part, ils n'ont pas de frontières. Leur terrain de jeu, c'est le monde. Je pense qu'ils ont une vie plus équilibrée que celle qui a été la mienne ou celle de mes associés. Quand nous avons mis l'entreprise sur pied, nous y avons consacré beaucoup de temps. L'équilibre entre le travail et la famille n'était pas une priorité à cette époque.

R.V. - Qu'est-ce qui vous frapperait si vous ouvriez un album de famille et que vous regardiez défiler toutes ces photos devant vous ?

R.M. - Nos principaux dirigeants, aujourd'hui, sont des gens qui se sont développés dans l'organisation en même temps qu'ils ont fondé leur famille. J'en suis très fier. Nous avons aussi un réseau canadien d'usines et de publications. Cela me donne la satisfaction de pouvoir dire : " Nous aussi, on l'a fait et on est aussi bons que nos compétiteurs. " Je suis de la génération des années 1960, quand les Canadiens français étaient très peu engagés dans les affaires. On se disait que les Américains, eux, étaient smarts... On s'est rendu compte qu'on pouvait l'être tout autant.

R.V. - Pour conclure, qu'est-ce que vous aimeriez qu'on retienne de vous ?

R.M. - Que Rémi Marcoux a bâti une équipe, qu'il était préoccupé par le travail bien fait. Il ne courait pas après l'argent. Il croyait que, si le travail était bien fait, l'argent suivrait. Il était respectueux envers ses employés et engagé dans sa communauté. Aujourd'hui, sa famille continue de s'investir dans son entreprise. Je serais content que l'on dise ça de moi !

Nom: Rémi Marcoux

Âge: 70 ans

Biographie: Né à Saint-Elzéar-de-Beauce pendant la guerre, comptable de formation, il s'est d'abord fait valoir chez Quebecor avant de fonder Transcontinental avec Claude Dubois et André Kingsley. D'une seule imprimerie en difficulté, il a bâti une grande multinationale active dans l'impression, l'édition, le marketing direct et la distribution. Transcontinental compte aujourd'hui près de 12 000 employés au Canada, aux États-Unis et au Mexique.

À la une

Samsung impose la semaine de 6 jours à ses cadres

Mis à jour il y a 27 minutes | Catherine Charron

RHÉVEIL-MATIN. On ne sait pas si la mesure concernera aussi ses dirigeants canadiens.

Les équipes de TI ont moins la cote

Les équipes des TI sont moins engagées qu’avant dans les décisions de leurs entreprises, selon le rapport «Portrait TI».

Boeing: perte trimestrielle moins importante qu'attendu mais les livraisons affectées par les incidents

Il y a 16 minutes | AFP

Boeing a annoncé mercredi une perte de 343 millions de dollars américains au premier trimestre.