Profession : épicier retraité

Publié le 10/12/2011 à 00:00, mis à jour le 14/12/2011 à 14:09

Profession : épicier retraité

Publié le 10/12/2011 à 00:00, mis à jour le 14/12/2011 à 14:09

R.V. - Les gens vous ont-ils toujours suivi à travers cette évolution ?

P.H.L. - Il faut être crédible auprès des gens qui nous entourent. Ce qui crée la crédibilité, c'est le succès. Les équipes se sentent alors gagnantes. Et les équipes qui se sentent gagnantes sont des équipes performantes, prêtes à vous soutenir. On se fait des alliés. Ça a été le cas chez Metro.

R.V. - Dans les années 1970-1980, l'essentiel du secteur de l'alimentation au Québec était dirigé par des Québécois. Était-il important pour vous de conserver ici la propriété d'une importante chaîne d'alimentation ?

P.H.L. - C'est important dans l'alimentation comme ailleurs. Je pense qu'il faut garder au Québec nos entreprises et nos sièges sociaux. Car c'est avec ça qu'on bâtit à long terme et qu'on développe toutes sortes d'infrastructures commerciales et industrielles, entre autres pour les jeunes, pour qu'ils voient des réalisations dans leur entourage. Oui, pour moi, c'était important de conserver Metro au Québec.

R.V. - Pourtant, à l'époque, la rumeur disait que Pierre Lessard se préparait à vendre Metro...

P.H.L. - C'est ce que certains marchands disaient, mais jamais on n'a pensé à vendre. Au contraire, ma vision, comme celle de mes équipes, était de bâtir Metro. Il y a eu des périodes de doutes, par exemple lorsque Loblaw a acheté Provigo en devenant un concurrent plus gros que nous. On s'est alors dit qu'il fallait absolument croître hors Québec. Ça a pris environ sept ans. Malgré tout, durant toutes ces années, on a continué à grandir au Québec en augmentant nos ventes et nos profits. L'occasion s'est finalement présentée en 1999 : on a acheté 41 magasins Loeb en Ontario, dans la région d'Ottawa, avant d'acheter A & P Canada et ses 250 magasins en 2005. Vendre ? Non, ça ne nous a pas effleuré l'esprit.

R.V. - Un jour, je vous ai suivi pendant que vous visitiez un des magasins Dominion que vous aviez acheté en Ontario. Je vous revois discutant avec les gérants. Vous preniez des notes en parlant directement avec les gens. Vous sentez-vous comme chez vous, dans un supermarché ?

P.H.L. - Un de mes hobbys, quand j'ai le temps, c'est d'aller visiter des magasins. Parfois, les fins de semaine, je me rends dans un nouveau magasin Metro ou même chez un concurrent. J'aime parler aux gérants des départements pour savoir comment vont les ventes, quels sont les ratios et, le cas échéant, pour leur dire que leur département est beau. Ça me passionne et je pense que ça rend ces gens heureux de voir qu'on s'intéresse à ce qu'ils font. En réalité, c'est là que ça se passe. L'action est dans les magasins. On a beau bâtir les meilleures stratégies, si on n'est pas prêts quand le consommateur entre dans un supermarché, il n'est pas heureux et il ne reviendra peut-être pas.

«SI VOUS NE GAGNEZ PAS, VOTRE ÉQUIPE NE CROIT PLUS EN VOUS» - Pierre H. Lessard, ex-pdg de Metro

Le passage du flambeau à une nouvelle équipe n'a pas été chose facile pour l'ex-pdg. La transition s'est faite cependant de façon harmonieuse grâce à une bonne préparation.

RENÉ VÉZINA - Au fil du temps, votre façon de diriger a évolué. Dans les dernières années, avant de laisser la direction de Metro, comment avez-vous exercé votre leadership ?

PIERRE H. LESSARD - Dans les dernières années, avec l'acquisition d'A & P Canada, mon leadership est devenu plus partagé. Il faut comprendre que j'approchais de ma retraite de président et chef de la direction. C'était donc le moment de faire confiance aux équipes et de leur lancer des défis importants. On a formé un groupe de travail et mes équipes m'ont dit qu'elles étaient capables de relever le défi. Je leur ai répondu : «Excellent ! Je me fie à vous, maintenant, livrez la marchandise.» À mesure que ça avançait, il fallait que je m'éloigne un peu, moi qui étais pourtant du genre à se mêler directement des affaires. Mais lorsqu'on est aux commandes d'une entreprise de cette taille, il faut absolument faire confiance aux équipes. Il faut se dire : «Les gens que j'ai formés et avec qui j'ai travaillé sont de bons gestionnaires. C'est le moment pour eux de le prouver.»

R.V. - Metro, c'est un peu votre bébé. Ça n'a pas été difficile de passer le relais ?

P.H.L. - Disons que ce n'est pas facile. Surtout qu'ils font les choses d'une certaine façon... Vous les regardez et vous vous dites : «Hum, moi je n'agirais pas comme ça, il me semble qu'ils devraient faire autrement.» Mais sans être présents au jour le jour, on est quand même là pour échanger des idées avec eux continuellement. Peut-être pas sur place, en Ontario, mais on peut, par exemple, discuter des plans d'action. À un moment donné, il faut donner de la latitude pour voir si les équipes sont prêtes. Et comme vous avez pu le constater, elles l'étaient. L'entreprise a continué de grandir. Et lorsque le moment est venu de me retirer, je pense que la succession s'est faite de façon harmonieuse. Éric Laflèche est entré en poste il y a trois ans et demi. Le changement a été assez facile. Plusieurs avaient des doutes, et je dois dire qu'ils ont été surpris, moi le premier, mais ça s'est très bien passé.

R.V. - Comment affirmiez-vous votre leadership ?

P.H.L. - Il y a toutes sortes de définitions du leadership. Pour moi, un leader dans une entreprise, c'est quelqu'un qui la fait progresser, qui la fait croître, qui donne des résultats. Trop souvent, on définit un leader comme un grand communicateur... Mais le problème, c'est qu'il ne livre pas toujours la marchandise. Et après un certain temps, vous perdez votre crédibilité si vous ne la livrez pas. Si ça marche, vos gens vont vous suivre. Si ça ne réussit pas, ils vont arrêter d'y croire. C'est un peu comme au football : vous arrivez avec un quart-arrière fantastique, le premier choix au repêchage. On l'installe. Mais deux ou trois ans après, si l'équipe n'est toujours pas dans les séries éliminatoires, il a beau être très fin ou très bon, elle ne croit plus en lui. Il faut alors faire les changements qui s'imposent.

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