Pourquoi les équipes sont inefficaces

Publié le 20/06/2009 à 00:00

Pourquoi les équipes sont inefficaces

Publié le 20/06/2009 à 00:00

La période estivale est le moment idéal pour considérer de nouvelles idées en matière de gestion. Pour ouvrir des pistes de réflexion, voici une série d'entrevues avec des personnalités internationales du monde des affaires, réalisées par l'équipe de la Harvard Business Review.

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Depuis deux décennies, on n'en a que pour le travail d'équipe. Les leaders sont tellement persuadés que le travail d'équipe nous rend plus productifs que, lorsque surgit une nouvelle tâche exigeante, ils s'empressent de la confier à une équipe.

Pas si vite, dit J. Richard Hackman, professeur de psychologie sociale et organisationnelle à la Chaire Edgar-Pierce de l'Université Harvard et spécialiste du fonctionnement des équipes.

Harvard Business Review - Votre livre Leading Teams s'ouvre sur le jeu-questionnaire suivant : « Si plusieurs personnes collaborent à la construction d'une maison, est-ce que le travail sera probablement : a) achevé plus rapidement; b) achevé en plus de temps qu'il ne le faut normalement ou c) jamais achevé ? »

J. Richard Hackman - Cette question à choix multiple provenait d'un test destiné aux élèves de quatrième année en Ohio et la réponse évidente était censée être A, le travail sera terminé plus rapidement. Cette anecdote montre bien qu'on nous inculque dès le plus jeune âge les vertus du travail d'équipe. Les gens croient que les équipes constituent la façon la plus efficace de faire les choses. Je ne doute pas qu'une équipe puisse produire des choses extraordinaires. Mais ne comptez pas trop là-dessus. Les recherches démontrent constamment que les équipes sont sous-performantes en dépit des ressources supplémentaires à leur disposition. C'est que les problèmes de coordination et de motivation annulent les bénéfices de la collaboration.

HBR - Vous dites qu'il faut une orientation solide à toute équipe. Comment peut-elle y arriver ?

J.R.H. - Il n'y a aucune manière juste d'établir une orientation; la responsabilité peut incomber au chef de l'équipe ou à un membre de l'organisation extérieur à l'équipe, voire à l'équipe elle-même dans le cas d'un partenariat ou d'un conseil d'administration. Mais peu importe la manière, établir une orientation est exigeant parce que cela implique l'exercice d'une autorité.

Un leader possédant une maturité émotionnelle est en mesure d'affronter toute situation difficile lorsqu'il établit une orientation d'équipe claire et exigeante. Mais en agissant de la sorte, il se bute parfois à une résistance si intense qu'elle peut menacer son poste.

HBR - Quelles sont les principales faussetés à propos des équipes ?

J.R.H. - Les gens croient généralement que plus les équipes fonctionnent harmonieusement, plus elles sont efficaces et productives. Mais dans une étude que nous avons menée sur les orchestres symphoniques, nous avons découvert que les orchestres composés de musiciens bougons jouaient un peu mieux ensemble que les orchestres où tous les musiciens étaient heureux. C'est parce que le lien de cause à effet est l'inverse de ce que croient la plupart des gens : c'est quand nous avons accompli quelque chose de bien ensemble que nous ressentons de la satisfaction, et non l'inverse. En d'autres mots, l'humeur des membres de l'orchestre après un spectacle est plus révélateur de leur performance que leur humeur avant de monter sur scène.

Une autre fausseté veut que les grandes équipes soient plus efficaces que les petites parce qu'elles disposent ainsi d'un plus vaste éventail de ressources.

Une collègue et moi avons déjà observé, au cours de nos recherches, qu'au fur et à mesure que l'équipe s'agrandit, le nombre de liens à gérer entre les membres s'accroît à un rythme exponentiel. Ma règle d'or consiste à ne pas excéder les deux chiffres. Les grandes équipes finissent habituellement par faire perdre du temps à tout le monde.

Cependant, la perception erronée la plus répandue à propos des équipes est peutêtre celle voulant que les relations entre les membres d'une équipe deviennent si conviviales qu'ils finiraient par accepter les faiblesses des uns et des autres, ce qui nuirait au rendement global. Je n'ai jamais trouvé l'ombre d'une preuve pouvant étayer cette prémisse.

HBR - S'il faut qu'une équipe soit soudée pour atteindre son meilleur rendement, comment empêcher qu'elle sombre dans la complaisance ?

J.R.H. - C'est ici qu'intervient celui que j'appelle le déviant. Chaque équipe doit compter dans ses rangs un déviant, quelqu'un qui peut aider l'équipe à secouer sa propension à vouloir trop d'homogénéité, ce qui peut réprimer la créativité et l'apprentissage.

Les déviants sont ceux qui prennent du recul et disent : « Une minute ! Pourquoi faisons-nous cela au fond ? Pourquoi ne pas reprendre le problème à l'envers ? » Le déviant élargit le champ des idées et cela génère beaucoup plus de solutions originales.

HBR - Qu'est-ce qui rend une équipe efficace et comment un chef d'équipe peut-il en améliorer le rendement ?

J.R.H. - Une bonne équipe satisfera ses clients internes et externes, deviendra une unité de plus en plus solide au fil du temps et soutiendra le développement des compétences chez ses membres.

Mais même le meilleur leader ne suffit pas à assurer l'efficacité d'une équipe. Tout ce qu'on peut faire est d'élargir le potentiel d'une équipe. Et même cela ne garantira pas au leader qu'il sera en mesure de former une équipe magique. Les équipes sont jusqu'à un certain point maîtresses de leurs destinées, et ce, bien plus tôt que ne s'en rendent compte la plupart des chefs d'équipe.

En 1990, j'ai colligé un ensemble d'études réalisées par des collègues qui avaient analysé le fonctionnement d'équipes effectuant diverses tâches dans 27 organisations. Ces études nous ont permis d'apprendre que les événements qui surviennent lors de la première rencontre du groupe influeront beaucoup sur son fonctionnement tout au long de son existence. En fait, les premières minutes de vie de tout système social sont les plus importantes, parce qu'elles définissent l'orientation du groupe, la nature des relations entre le leader de l'équipe et le groupe et les règles de conduite.

S'il y a une chose que les leaders peuvent faire pour accroître le potentiel d'une équipe, c'est d'assumer leur propre excentricité. Ne tentez pas d'imiter un modèle de leadership, car il n'y a pas qu'un style qui convienne pour diriger une équipe.

Il y a plusieurs manières de créer les conditions essentielles à un fonctionnement efficace.

( CV )

Nom : J. Richard Hackman

Fonction : Professeur

Université : Harvard

Docteur en psychologie sociale, M. Hackman a réalisé de nombreux travaux de recherche sur les dynamiques du travail d'équipe et sur le leadership. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont le célèbre Leading Teams, paru en 2004.

Rédactrice en chef de la Harvard Business Review

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