Entrevue: Daniel Pink, auteur et ex-rédacteur de discours d'Al Gore

Publié le 06/08/2011 à 00:00

Entrevue: Daniel Pink, auteur et ex-rédacteur de discours d'Al Gore

Publié le 06/08/2011 à 00:00

Par Diane Bérard

L'américain Daniel Pink est l'auteur de quatre best-sellers, dont Drive: The Surprising Truth About What Motivates Us est le plus récent. Tous ses ouvrages traitent des transformations de notre relation avec le travail. Daniel Pink a rédigé les discours du vice-président Al Gore de 1995 à 1997. Je l'ai rencontré à New York récemment.

Diane Bérard - La nature humaine a-t-elle changé au point où ce qui motivait nos grands-parents et nos parents ne nous atteint plus ?

Daniel Pink - Ce ne sont pas les gens qui ont changé, mais leur travail. Les tâches répétitives et mécaniques ont presque disparu, mais combien de firmes emploient encore la stratégie de la carotte et du bâton ? On tente de motiver les employés du 21e siècle à l'aide de récompenses datant des siècles précédents.

d.b. - Quelles sont les "carottes" du 21e siècle ?

d.p. - Il y en a trois. D'abord, un niveau élevé d'autonomie. Nous voulons contrôler notre tâche, le moment et la façon dont nous nous en acquittons ainsi que choisir les gens avec qui nous travaillons. Ensuite, nous aspirons tous à nous améliorer. Pour y arriver, nous avons besoin de feedback régulier et constructif. Enfin, nous sommes en quête de sens, d'un but.

d.b. - Tous les employeurs ne devraient pas avoir trop de mal à souscrire à ces facteurs, non ?

d.p. - Vous vous trompez. Creusez un peu et vous verrez qu'ils posent tous des défis de gestion. Prenons, par exemple, le désir de s'améliorer. Il est question de développer les compétences que nous valorisons, qui ne sont pas nécessairement celles que notre employeur recherche. Combien de patrons acceptent qu'un employé suive un cours dont le contenu n'est pas immédiatement applicable à court terme ? Or, l'employé peut ressentir le besoin de se "mettre à jour" ou de se tenir au courant des tendances, tout simplement. Pareille formation ne développe aucune nouvelle compétence et ne donne pas de rendement de l'investissement qui soit mesurable.

D.B. - En quoi étudier les productions artistiques permet-il de comprendre comment tirer le meilleur de ses employés ?

d.p. - Il a été démontré que les oeuvres qu'un artiste réalise par choix présentent un contenu créatif plus élevé que celles qui sont produites à la suite d'une commande. Pourtant, dans le premier cas, il n'y a aucune motivation financière, ce qui n'empêche pas l'artiste d'y investir le meilleur de lui-même. Transposons cela au travail : quelle proportion de nos réalisations est issue de projets personnels, de bonnes idées, d'éclairs de génie ? Très peu. Pourtant, comme les artistes, ce sont ceux-là qui nous motivent le plus et pour lesquels nous sommes prêts à nous dépasser. Imaginez ce que les entreprises gagneraient si elles laissaient leur personnel consacrer 20 % de leur temps à des "projets professionnels personnels". Saviez-vous que la messagerie Gmail est un de ces projets ?

D.B. - Certains gestionnaires m'ont avoué en avoir marre de devoir traiter les employés créatifs comme s'ils étaient de porcelaine.

d.P. - Vraiment ? Je dirais plutôt qu'on traite les "créatifs" comme s'ils étaient faits en brique ! En passant, les "créatifs" ne constituent plus une catégorie marginale ni une élite. Désormais, la plupart de nos tâches requièrent de la créativité.

d.b. - Vous affirmez que la mission d'une entreprise est secondaire. Le véritable facteur de motivation pour les employés serait la finalité de l'entreprise qui l'emploie. Quelle est la différence ?

d.p. - Les entreprises trouvent leur mission après avoir enfermé les membres du comité de direction dans un lieu isolé pendant plusieurs jours. Cela n'a rien d'un processus naturel. À l'opposé, découvrir la finalité d'une entreprise est fort simple, celle-ci émerge naturellement. Demandez-vous qui serait lésé si l'entreprise cessait ses activités ? Pour qui et pourquoi sommes-nous là ? Quelle est notre contribution au monde ? Par exemple, la mission d'une société pharmaceutique se résume à fabriquer des médicaments. Sa finalité, elle, consiste à améliorer la santé des gens.

D.B. - Vous mettez les gestionnaires au défi de parler moins du "comment" et davantage du "pourquoi" à leurs employés.

d.p. - Qu'est-ce qui vous motive le plus : qu'on vous dicte la méthode pour accomplir une tâche ou qu'on vous explique l'importance que vous la fassiez et quel en sera l'impact ? Les processus et les normes sont incontournables. Mais on peut facilement réduire de moitié les échanges portant sur les méthodes de travail et doubler ceux qui sont liés à la finalité des tâches. Je mets vos lecteurs au défi de s'y essayer pendant une semaine. Les entreprises doivent intégrer le "pourquoi" dans les conversations entre les individus aussi bien qu'à l'échelle de l'organisation.

d.b. - L'autonomie constitue un facteur important de motivation. Comment mesure-t-on le niveau d'autonomie dont on jouit ou celui que l'on accorde à nos employés ?

d.p. - Ce petit test en quatre questions devrait vous éclairer. Pour chaque question, accordez une note de 1 à 10. Question un : de quel degré d'autonomie jouissez-vous dans la gestion de votre temps ? Question deux : de vos tâches ? Question trois : par rapport à votre équipe ? à vos collègues ? au choix de ceux-ci ? Question quatre : relativement à vos techniques de travail ? Surtout, ne faites pas le total, examinez le score de chaque question séparément. Regardez les notes les plus faibles, c'est probablement cela dont votre employé se plaint à son conjoint, à ses amis ou... sur Facebook ! Et je peux vous affirmer que les patrons surestiment systématiquement le degré d'autonomie qu'ils croient accorder à leurs employés. Les résultats de mon petit test les surprennent tout le temps.

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