Entrevue n°322: Frank Delalande, fondateur, Vénétis


Édition du 06 Mai 2017

Entrevue n°322: Frank Delalande, fondateur, Vénétis


Édition du 06 Mai 2017

Par Diane Bérard

Vénétis est un regroupement français qui permet à des employeurs qui ont des besoins de ­main-d’œuvre à temps partiel de se partager les salariés. Son fondateur, ­Franck ­Delalande, sera conférencier au ­Sommet international de la confiance dans les organ

L'entrevue n° 322

Vénétis est un regroupement français qui permet à des employeurs qui ont des besoins de main-d'oeuvre à temps partiel de se partager les salariés. Son fondateur, Franck Delalande, sera conférencier au Sommet international de la confiance dans les organisations, les 9 et 10 mai prochains, à Montréal.

Diane Bérard - Vénétis est une solution d'affaires contre la précarité en emploi. Expliquez-nous.

Franck Delalande - C'est un groupement d'employeurs qui ont des besoins de ressources humaines durables, mais à temps partiel. Nos membres ont besoin d'un comptable deux jours par semaine toutes les semaines de l'année, par exemple. Ils trouvent des candidats pour ces postes, mais ceux-ci partent dès qu'ils trouvent un emploi à temps plein. Le processus de recrutement est toujours à recommencer.

D.B. - S'agit-il d'une première ?

F.D. - Il existait déjà des regroupements d'agriculteurs. Ceux-ci se partageaient la main-d'oeuvre d'une saison à une autre. Vénétis est le premier regroupement d'employeurs multisectoriel.

D.B. - Quelles valeurs ont inspiré la fondation de votre organisation ?

F.D. - Nous voulions permettre aux personnes d'avoir accès à un revenu décent. Sans un emploi à temps plein, plusieurs portes vous sont fermées. Vous aurez de la difficulté à obtenir un prêt, par exemple. Grâce à Vénétis, 150 travailleurs ont désormais accès à un emploi à durée indéterminée plutôt qu'à un emploi à durée déterminée.

D.B. - Vos membres fondateurs se connaissaient déjà. Ce lien de confiance était-il nécessaire ?

F.B. - Les 16 chefs d'entreprise qui ont fondé Vénétis avaient monté un club d'entraide au sein duquel ils partageaient leur quotidien d'entrepreneur. Quelque chose de fort les unit. Ils partagent des valeurs communes. C'est essentiel au succès de la formule Vénétis, qui repose sur la responsabilité solidaire.

Si notre groupement perd de l'argent, il reste solidaire.

D.B. - C'est votre regroupement qui embauche les salariés et non les entreprises elles-mêmes. Expliquez-nous.

F.D. - En effet, les salariés sont des employés à temps plein de Vénétis. C'est elle qui les paie. Nos salariés sont mis à la disposition des entreprises adhérentes. Chaque organisation est facturée en fonction du nombre d'heures qu'elle utilise. C'est beaucoup plus simple ainsi.

D.B. - Avoir plusieurs employeurs à la fois doit poser un défi pour les salariés...

F.B. - Le temps partagé est une autre façon de travailler. Il faut être organisé. Toutefois, c'est plus qu'une question d'organisation. Il s'agit d'appréhender le travail différemment et de vivre l'emploi autrement. Les candidats peuvent apprécier le dynamisme et la variété des tâches. Et puis, travailler pour plusieurs employeurs permet de prendre du recul. De comparer les façons de faire d'une entreprise à une autre. Et de développer de nouvelles compétences.

D.B. - Offrez-vous du soutien aux salariés ?

F.D. - Oui. Nous faisons des rencontres régulièrement pour valider leur expérience. Et nous organisons de la formation pour nous assurer que nos salariés demeurent employables.

D.B. - Vous misez sur la flexi-sécurité pour satisfaire à la fois les employés et les entreprises. De quoi s'agit-il ?

F.D. - Nos membres s'engagent de façon durable à prendre l'employé x jours par semaine. Ça, c'est le volet sécurité. Les employeurs peuvent toutefois mettre fin à un contrat en donnant trois mois de préavis. Ça, c'est le volet flexiblité. Comme le salarié est un employé de Vénétis, la fin du contrat de l'entreprise ne marque pas la fin de son emploi. Vénétis cherchera à le replacer dans une autre organisation. Il continuera de recevoir son salaire pendant la période de recherche. Nous tenterons de replacer le salarié chez un de nos membres ou chez une organisation extérieure. Nous jouissons d'un bon réseau. Si nous ne trouvons rien, alors seulement nous enclenchons le processus de licenciement.

D.B. - Quels types de compétences vos organisations membres cherchent-elles ?

F.D. - Elles ont besoin de métiers traditionnels, la comptabilité et les ressources humaines, par exemple. Nos membres font aussi face à des défis contemporains. Ils veulent exporter, par exemple, et cherchent des spécialistes qui les aideront à se structurer pour de nouveaux marchés. Nous avons aussi beaucoup de demandes pour des spécialistes du numérique : création de sites de vente en ligne, communication numérique.

D.B. - Quelles sont les conditions de succès pour un groupement comme le vôtre ?

F.D. - La proximité humaine et géographique. Les membres doivent se connaître et se faire confiance. Et ils doivent être situés à proximité. Nous essayons de ne pas demander aux salariés de faire des dizaines de kilomètres pour aller travailler. Nous nous sommes donc développés à Vannes, une municipalité de 50 000 habitants, à Lorient (50 000 habitants) et à Nantes (350 000 habitants).

D.B. - Plus des trois quarts (80 %) de vos salariés sont des femmes. Pourquoi ?

F.D. - Les raisons sont multiples. D'abord, il y a peut-être la nature des postes offerts. Plusieurs d'entre eux sont administratifs : ressources humaines, assurance qualité, sécurité, environnement, etc. Il y a aussi les critères de sélection. Si nous avons le choix entre un homme et une femme aussi qualifiés l'un que l'autre, nous choisissons la femme. Nous constatons que les femmes sont plus adaptables que les hommes. Or, il faut une grande capacité d'adaptation pour satisfaire plusieurs employeurs à la fois.

D.B. - Votre offre rencontre une barrière sociétale. Laquelle ?

F.D. - La société française est encore très macho. La norme veut que l'homme ait le poste le plus prestigieux du couple, ce qui est associé à un seul employeur. Pourtant, notre offre est plus sûre pour le salarié et plus en phase avec le nouveau marché du travail. Plus sûre parce que Vénétis offre une sécurité d'emploi et non une sécurité d'employeur. Plus contemporaine parce que les salariés pratiqueront désormais deux ou trois métiers au cours de leur vie. L'adaptabilité devient essentielle à l'emploi.

D.B. - Vous êtes conférencier au Sommet international de la confiance dans les organisations, à Montréal. Quels sont vos messages ?

F.D. - Je travaille depuis 20 ans dans l'autre économie du partage, celle qui se pratique entre les entreprises et non entre les individus. Vénétis partage les salariés. Son succès repose sur un seul critère : la confiance. S'ils ne se faisaient pas mutuellement confiance, nos membre n'auraient jamais accepté d'être solidaires du comportement des uns et des autres. Je veux aussi parler de confiance et de développement du territoire. Nous retournons vers des emplois et une économie de proximité. C'est parce que nous réalisons le rôle de la confiance en affaires que l'économie de proximité reprend son importance.

D.B. - Après 20 ans, vous amorcez un nouveau défi qui se nomme Talent Tub. De quoi s'agit-il ?

F.D. - Je poursuis sur le chemin de l'innovation en emploi. Nous lançons la chaîne Talent Tub. Celle-ci permettra aux entreprises de faire des offres d'emploi sur vidéo pour montrer leur caractère humain.

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