Multitâche : entre utopie et vague de fond

Publié le 24/04/2010 à 00:00

Multitâche : entre utopie et vague de fond

Publié le 24/04/2010 à 00:00

Incroyable, mais vrai ! Selon une étude récente, certaines personnes pourraient accomplir deux tâches à la fois sans que cela ne nuise à leur concentration. L'ennui, c'est que ces " super-multitâcheurs " ne représenteraient que 2,5 % de la population. Les cerveaux des autres 97,5 % ne parviennent tout simplement pas à garder leur efficacité en mode multitâche.

C'est le résultat qu'a obtenu le professeur en sciences cognitives Jason Watson et ses collègues de l'Université de l'Utah. Ils ont demandé à 200 participants de tester un simulateur de conduite, tout en tenant une conversation téléphonique qui exigeait un certain degré de concentration.

Hormis quelques rarissimes virtuoses, la quasi-totalité des sujets a vu leurs habiletés de conduite et leur mémoire prendre du plomb dans l'aile. C'est neurologique.

" Une zone particulière du cortex frontal gère l'attention accordée aux différentes tâches, explique Jason Watson. Lorsque l'on tente de faire deux choses à la fois, il en résulte une sorte de compétition pour accaparer les ressources limitées du cerveau. "

Voilà pourquoi il est dangereux de conduire en téléphonant. Voilà pourquoi, également, le mot " productivité " ne s'applique pas à ceux qui tentent d'écrire un rapport important tout en surveillant leur fil Twitter et/ou l'écran de leur BlackBerry.

Un cerveau en mono

Bien que ce soit à la mode de se dire " multitâche ", les experts sont assez unanimes : l'être humain est conçu pour faire une chose à la fois. Et pourtant, s'étonne la présidente de l'Ordre des psychologues du Québec, Rose-Marie Charest, plusieurs s'entêtent à vouloir tout faire en même temps. " Le multitâche crée une illusion d'efficacité, explique-t-elle. Parce que nous répondons à nos courriels dans la seconde, nous avons l'impression d'être sollicités, d'être importants. "

Une étude récente de l'Université Stanford conclut que les plus gros multitâcheurs sont aussi ceux qui ont la moins bonne capacité d'attention. Ajoutons la perte de mémoire, l'épuisement mental, voire même la baisse de QI à la liste des méfaits du multitâche, et nous obtenons la recette d'un bon burn-out.

Mais est-ce aussi pire qu'on le dit ? Chercheur dans le domaine des sciences cognitives de l'Université Laval, Sébastien Tremblay s'intéresse au multitâche. Selon lui, on dramatise trop souvent la chose. " Bien sûr, être constamment interrompu par un courriel ou un appel téléphonique nuit à la productivité, dit-il. Cela peut aussi générer un certain stress, mais cela ne rend ni moins intelligent, ni hyperactif. "

Marcher et mâcher de la gomme

En identifiant une faible proportion de super-multitâcheurs, l'étude de l'Université de l'Utah a par ailleurs ouvert une porte intéressante : qu'est-ce qui différencie les pros du multitâche des autres ? Existe-t-il des conditions qui permettraient d'être plus efficaces en faisant deux choses à la fois ?

Pour Jason Watson, des facteurs génétiques et biologiques expliqueraient les performances surprenantes des super-multitâcheurs. Cependant, il ne nie pas que le cerveau puisse être en mesure d'apprendre à mieux gérer des tâches concurrentes.

Psychologue à l'Université du Michigan, David Meyer est optimiste. À son avis, à force d'être sollicité de partout, le cerveau parviendrait à mieux " gérer le trafic ". Car il se transforme en fonction de l'expérience, ce que l'on nomme la neuroplasticité.

Marc Prensky, à qui on doit l'expression " digital natives " pour décrire cette génération de jeunes nés avec Internet, croit aussi aux capacités d'adaptation de notre matière grise. Pour lui, certaines tâches peuvent s'accomplir simultanément si elles ne requièrent pas une grande concentration. Les tâches qui sont plutôt le fait d'automatismes, par exemple. Nous pouvons tous marcher et mâcher de la gomme.

Et si les " digital natives " avaient développé le réflexe automatique de consulter leur statut Facebook tout en jasant au téléphone ? " J'ai tendance à conseiller aux gens de faire une chose à la fois, soutient Rose-Marie Charest. Ceux qui sont constamment stimulés finissent pas ne plus être en mesure de distinguer ce qui est important de ce qui ne l'est pas. "

En attendant que la recherche comprenne mieux les effets du multitâche, peut-être vaudrait-il mieux se fier au dicton (toujours d'actualité) et cesser de courir deux lièvres à la fois.

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