Entrevue n°137: Bill Jensen, expert en simplicité organisationnelle

Publié le 22/12/2012 à 00:00

Entrevue n°137: Bill Jensen, expert en simplicité organisationnelle

Publié le 22/12/2012 à 00:00

Par Diane Bérard

Bill Jensen, expert en simplicité organisationnelle

Des entreprises comme L'Oréal, GE et American Express embauchent Bill Jensen pour simplifier leurs processus et leurs communications. Dernier projet de l'auteur américain, la série vidéo 100 Heroes présente des gestionnaires ordinaires qui ont remis en question les pratiques de leur organisation. J'ai rencontré Bill Jensen à Montréal, lors d'une formation de cadres de grandes sociétés québécoises.

DIANE BÉRARD - Vos quatre livres, vos conférences, tout ce que vous dites nous incitent à nous rebeller contre notre employeur. Pourquoi ?

BILL JENSEN - Parce que les outils de travail que les patrons mettent à notre disposition sont nuls ! On répète aux entreprises de satisfaire les besoins de leurs clients. Et ceux des employés ?

D.B. - Pourquoi la simplicité dans les organisations vous obsède-t-elle ?

B.J. - J'ai perdu 45 des dernières minutes de vie de ma mère à cause d'un problème organisationnel. Le personnel de l'hôpital ne la trouvait plus. Nous étions à l'étage supérieur pendant qu'elle agonisait seule dans une salle au rez-de-chaussée. Ce jour-là, j'ai décidé de contribuer à réduire la complexité dans les organisations.

D.B. - Les organisations existent depuis l'ère industrielle. Pourquoi la complexité représente-t-elle davantage un problème, aujourd'hui ?

B.J. - L'élite a toujours créé des organisations faciles à gérer pour elle-même, et elle a poussé la complexité vers les niveaux inférieurs. Tant que la ruche comptait une armée d'abeilles, ça allait. Mais depuis 20 ans, les rationalisations ont décimé la ruche. Et les abeilles composent de moins en moins bien avec la complexité de leur tâche et de leur environnement.

D.B. - Quelles sont les principales sources de complexité dans une entreprise ?

B.J. - Les failles de communication, les outils de travail et l'infrastructure. Je ne parle pas de la technologie, celle-ci s'avère souvent adéquate. C'est plutôt l'infrastructure que les gestionnaires bâtissent autour de la technologie qui fait défaut.

D.B. - À qui faut-il attribuer la faute ?

B.J. - L'entreprise est 100 % responsable des incohérences et des inefficacités liées aux outils et à l'infrastructure (méthodes, procédés, etc.). Pour les problèmes de communication, par contre, le blâme est partagé. Les employés doivent devenir plus futés, plus allumés. Par exemple, ne pas accepter un mandat sans connaître les outils dont on disposera et la façon dont notre patron mesurera le succès du projet.

D.B. - Si je simplifie mon travail, vais-je nécessairement travailler moins ?

B.J. - Non. Mais vous consacrerez plus de temps à des tâches qui comptent à vos yeux.

D.B. - Si je simplifie mon travail, ai-je réglé mon problème définitivement ?

B.J. - Non plus. Chaque fois que vous simplifiez une tâche, cela met en évidence d'autres inefficacités jusque-là camouflées. La lutte à la complexité n'est jamais terminée.

D.B. - Quelles compétences sont requises pour simplifier notre travail ?

B.J. - D'abord, la capacité de trier. C'est différent du fait de prioriser. On établit des priorités dans le calme. On trie dans l'urgence. Au travail, nous sommes constamment en situation d'urgence. Tout le monde peut entrer en contact avec nous, et chacun estime que son message et sa tâche sont les plus importants. Il faut choisir. Le deuxième talent requis est donc le courage. De refuser un projet de plusieurs mois qui ne nous mènera nulle part. D'exiger que notre patron choisisse parmi les six projets qu'il veut que nous menions simultanément.

D.B. - Vous classez les actions permettant de simplifier le travail selon le degré de courage requis et ce qu'on en tire. Les deux sont-ils liés ?

B.J. - Pas nécessairement. Certaines actions liées à votre équipe et à vos collègues exigent peu de courage et peuvent drôlement simplifier votre travail. Demander qu'on annule les réunions du mardi ou qu'on les tienne une semaine sur deux. Cesser de répondre «merci» à tous les courriels des collègues.

D.B. - Comment dire à notre patron qu'on veut se simplifier la vie, sans avoir l'air paresseux ?

B.J. - D'abord, il faut choisir le bon moment. Les trois premiers mois d'un nouvel emploi, vous faites tout ce que le patron demande. Après, vous pouvez évoquer les zones d'inefficacité, en vous concentrant sur celles qui nuisent aussi à votre patron.

D.B. - Quelle est l'erreur classique quand on tente de simplifier notre tâche ?

B.J. - On s'attaque au symptôme plutôt qu'à la racine du mal. On tente de réduire notre fardeau actuel plutôt que d'éduquer patron et collègues à cesser de nous surcharger. La recette : découvrez pourquoi c'est vers vous qu'on pousse le travail, et proposez une autre possibilité. Si, après cinq tentatives, rien ne change... c'est que rien ne changera.

D.B. - Vous estimez que les entreprises communiquent trop. N'est-ce pas plutôt le contraire ?

B.J. - Vous avez raison, les entreprises ne communiquent pas assez. Ce qu'elles nomment «communiquer» est en fait «informer». Communiquer suppose un échange. Selon mes recherches, 80 % des «communications» des entreprises à leur personnel ne requièrent aucune action/réaction de la part de ces derniers et n'ont aucune conséquence si elles ne leur parviennent pas.

D.B. - Parlons des courriels. À quoi ressemble un courriel efficace ?

B.J. - Il répond à la règle du 3/5 : il tient dans un espace de 3 à 5 pouces et se lit en 3 à 5 minutes. La rubrique «sujet» évoque la pertinence par rapport au travail du destinataire et une action attendue. Le texte lui-même contient trois sections. Une brève entrée en matière personnelle, une information, puis des attentes précises pour la suite des choses.

D.B. - Vous évoquez le «tueur silencieux de carrières». Quel est-il ?

B.J. - Le flou. On présume savoir ce que nous devons faire, pourquoi nous devons le faire et comment nous devons nous y prendre. C'est rarement le cas. On se leurre en pensant comprendre ce que les autres veulent. Et cela complique notre vie. Pour la simplifier, nous devrions poser cinq questions avant d'accepter un mandat : en quoi ce projet est-il pertinent par rapport à mon travail habituel ? que dois-je faire exactement ? quels critères détermineront le succès du projet ? quels outils seront mis à ma disposition ? que va-t-il me procurer ? Celle-ci, il faut la poser subtilement.

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