Les ondes de Jacques Parisien

Publié le 03/10/2008 à 19:41

Les ondes de Jacques Parisien

Publié le 03/10/2008 à 19:41

Par lesaffaires.com
Tandis qu'Internet et les médias spécialisés menacent les diffuseurs traditionnels, Astral Media devient le numéro un de la radio au Canada.

Un auditeur qui sirote son café en écoutant son émission du matin, ou qui travaille en sifflotant l'air de la chanson qui est en ondes: voilà exactement le genre de public que Jacques Parisien veut atteindre d'un océan à l'autre. Alors que l'explosion et la récente fragmentation de l'industrie des médias peut faire craindre le pire aux journaux, aux radios et à la télévision, le président d'Astral Media Radio préfère se lancer à l'attaque plutôt que de se replier sur la défensive.

De nouveaux marchés

En avril dernier, il annonce l'acquisition de la société torontoise Standard Radio, mettant la main sur ses 52 stations, réparties dans 29 marchés, pour 1,08 milliard de dollars. En négociant le plus gros achat de l'histoire d'Astral, Jacques Parisien a aidé l'entreprise à devenir le plus gros diffuseur radio au pays, avec une présence dans presque tous les principaux marchés. Aux réseaux Énergie et RockDétente s'ajouteront des bannières comme Mix (dont Mix96, à Montréal), EZ ROCK et THE BEAR.

Astral cherchait à atteindre une masse critique. "Avant la transaction, rappelle le président, Astral était un acteur important en radio, mais tout de même un joueur régional. Nous étions forts au Québec et bien représentés dans les Maritimes, mais nous n'avions absolument rien d'autre." Alors que les revenus de l'industrie augmentent de seulement 2 à 3% par an au Québec, le grand patron d'Astral Media Radio croit qu'il devait se doter d'une présence pancanadienne afin de mieux joindre les annonceurs. "Astral aurait du mal à se développer en radio conventionnelle au Québec autrement que de façon interne ou par des initiatives numériques et interactives. Nous devions faire une acquisition au Canada anglais." Kevin Restivo, analyste en télécommunications de la firme de consultants SeaBoard Group, donne raison à Astral sur ce point. "Même si le terme est surutilisé dans le monde des affaires, il y a des synergies à réaliser. La répartition géographique des stations est bonne. En combinant les deux entreprises, on obtient un diffuseur national plus robuste, présent dans presque tous les marchés. C'est important pour vendre de la publicité, et cela permet surtout de la vendre plus cher." Était-ce aussi un aveu implicite qu'Astral ne pouvait survivre seule? Après tout, elle a déjà été perçue comme une cible d'acquisition par des rivales comme Corus, dans une industrie (encore une !) qui traverse une période de consolidation. C'est d'ailleurs après avoir échoué dans sa tentative d'acquérir le diffuseur CHUM et Alliance Atlantis qu'Astral a jeté son dévolu sur Standard.

La vision de Jacques Parisien

Jacques Parisien n'en démord pas: son entreprise profite de l'occasion pour devenir un titan au lieu de se laisser avaler. "Est-ce que la consolidation nous nuira? Je crois plutôt que c'est un avantage. Ça nous renforce, ça nous donne une stature, une masse critique. Dans le domaine de l'affichage, nous sommes en train de décrocher un contrat exclusif en mobilier urbain à Toronto. Pour les annonceurs et les consommateurs, nous pouvons maintenant rivaliser avec Bell Globemedia, CanWest et Quebecor."

Avant que Standard Radio puisse se fondre dans le nouvel empire d'Astral, cette acquisition fera l'objet d'un examen de la part du CRTC. Les audiences sont prévues pour la fin de l'été, et une décision est attendue au début de 2008. Jacques Parisien estime que cette étape est éminemment facile à franchir. "Rien n'indique que ce dossier contrevienne à un règlement ou à une loi, ajoute notre interlocuteur sur un ton confiant. Nous n'étions pas présents dans les marchés où nous débarquons. Nous allons garder les stations ouvertes, et pour le CRTC, cela ne soulèvera pas de questions importantes comme ce fut le cas pour les autres transactions du secteur."

Le dirigeant ajoute qu'on entreprendra une importante période d'intégration. Il n'annonce donc pas de révolution chez Standard ou de frénésie d'achats. À son avis, il sera assez occupé par les activités régulières d'Astral et l'intégration de Standard. "Pour les prochaines années, nous misons sur la croissance interne, la stabilisation de nos propriétés et l'augmentation de nos parts de marché. Nous ne sommes pas fermés à l'idée de faire d'autres acquisitions, mais ce n'est pas prévu pour le moment."

Si la transaction se déroule comme prévu, Astral atteindra-t-elle son zénith, avec un potentiel de croissance limité, à l'image de ce qui se passe au Québec ? Les analystes du secteur n'hésitent pas à qualifier la concurrence de "coupe-gorge". "C'est justement pour ne pas frapper un mur qu'Astral devient un diffuseur national, affirme le dirigeant. Nous avons encore beaucoup de place pour grandir, par exemple, à Vancouver, où nous avons seulement une station. Nous pourrions en avoir deux ou trois. Je pense aussi à d'autres marchés, comme ceux d'Edmonton et de Winnipeg. Nous pourrions y faire des acquisitions ou demander des licences au CRTC."

Un avenir intéressant pour la radio

Jacques Parisien rappelle que, pour un investisseur comme Astral, les prévisions concernant l'avenir de l'industrie sont encourageantes. Selon la firme PricewaterhouseCoopers, les revenus du secteur de la radio devraient augmenter de 4,7% par an au cours de la période 2006-2010. "La radio est un milieu difficile, soutient par contre Kevin Restivo. Astral a tout de même trouvé le moyen de devenir l'un des diffuseurs les plus efficaces au pays. Ses marges bénéficiaires sont grandes [NDLR: elles représentaient 30% des revenus pour les six premiers mois de 2007], et chez Standard, elles tournent autour de 40%. Pour la radio, c'est phénoménal." Il reste que pour débourser les 880 millions de dollars comptants prévus dans la transaction, Astral doit s'endetter. "Nous n'avions pas de dettes et nous pouvons en absorber beaucoup, parce qu'Astral réalise d'importantes rentrées d'argent, affirme Jacques Parisien. Notre bilan est très sain. De plus, une partie de la transaction est payée en actions."

Et la menace d'Internet ? Des diffuseurs tels que TVA admettent qu'ils doivent se réinventer, car le Web gruge leur part du gâteau publicitaire. "La radio a perdu des auditeurs avec les années, admet le président d'Astral Media Radio, mais d'autres médias en souffrent davantage. Pour nous, Internet est plutôt une occasion d'affaires. Nous nous en servons beaucoup pour interagir avec les auditeurs. Il y a une sorte d'osmose entre Internet et la radio traditionnelle, ajoute-t-il. Les annonceurs combinent souvent leur publicité sur ces deux médias, car Internet se complète mieux avec la radio qu'avec la télé ou l'affichage. La diffusion radio est instantanée, rapide, toujours en direct, rarement préenregistrée. C'est semblable au Web."

Quand on lui demande si la radio a encore un rôle à jouer compte tenu de la fragmentation des médias, Jacques Parisien s'enflamme. À son avis, aucun média ne réussit mieux à atteindre les gens. "La radio est le dernier média local qui parle aux membres d'une collectivité, qui est engagé et qui répond aux besoins des annonceurs locaux. Les journaux et la télévision ont évacué le contenu local. Les autres médias deviennent aseptisés et diffusent partout le même texte ou le même reportage. Quand vous voulez savoir quel est l'impact de la grève du métro, c'est la radio que vous écoutez !"

Jacques Parisien est-il trop confiant? "C'est difficile à dire, répond Kevin Restivo, du SeaBoard Group. La concurrence dans les médias n'a jamais été aussi intense. Les consommateurs n'ont jamais eu autant de choix. On le dit souvent, mais c'est la vérité. Les diffuseurs ont du mal à retenir l'attention des auditeurs. C'est un défi qui les force à innover en programmation et qui crée beaucoup de concurrence sur le plan de la publicité. Que ce soit grâce à leur iPod, à la radio satellite ou à la télévision par satellite, les clients peuvent aller n'importe où. La loyauté n'existe plus."

Elle doit tout de même exister pour Jacques Parisien, qui est au service de la radio depuis 30 ans et qui est bien résolu à gagner son pari avec Standard.

Cet article a été publié dans la revue Commerce en juillet 2007.

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