Leçons de leadership d'Abraham Lincoln

Publié le 25/06/2009 à 14:01

Leçons de leadership d'Abraham Lincoln

Publié le 25/06/2009 à 14:01

Par lesaffaires.com

En janvier 2008, la nouvelle chef d'antenne de CBS, Katie Couric, demandait à Barack Obama, alors candidat à la présidentielle, quel livre il entendait emporter à la Maison-Blanche, hormis la Bible. Obama a opté pour Team of Rivals.


Cet ouvrage à succès a été publié en 2005 par Doris Kearns Goodwin et décrit le leadership du président Abraham Lincoln pendant la guerre civile. Si le nouveau président américain peut apprendre d'Abraham Lincoln, il en va de même pour les chefs d'entreprise, qui se demandent eux aussi comment rester des bons leaders en période de turbulences. Pour en savoir davantage sur les leçons de Lincoln, la rédactrice en chef de la Harvard Business Review, Diane Coutu, s'est entretenue avec Mme Goodwin, une historienne récipiendaire d'un prix Pulitzer et auteure d'ouvrages comme The Fitzgeralds and the Kennedys et Lyndon Johnson and the American Dream. Voici une version abrégée et adaptée de cet entretien.

Harvard Business Review - Quelles leçons Obama et les autres leaders peuvent-ils tirer de l'étude du mandat présidentiel d'Abraham Lincoln ?

Doris Kearns Goodwin - Il y en a plusieurs, mais la première qui a retenu l'attention d'Obama lors de discussions pendant la campagne électorale concerne la façon dont Lincoln a su s'entourer, c'est-à-dire en accueillant notamment des rivaux aux egos forts et aux ambitions élevées, des gens qui se sentaient libres de remettre en cause son autorité et qui n'avaient pas peur de débattre avec lui.

Mais vous devez vous rappeler qu'il ne s'agit pas simplement de laisser vos rivaux entrer dans le cercle du pouvoir - il s'agit en fait de choisir les personnes les plus compétentes du pays, pour le bien du pays. Lincoln a été porté au pouvoir alors que la nation était en péril, et son intelligence et sa confiance en lui-même étaient telles qu'il savait qu'il devait s'entourer des gens les plus compétents; des gens qui étaient des leaders véritables et très conscients de leur propres forces. C'est une importante manifestation de perspicacité, que vous dirigiez un pays ou une grande société.

HBR - Quel inconvénient y a-t-il à former une équipe regroupant des rivaux ?

D.K.G. - Si vous êtes un leader soucieux de n'exclure aucun point de vue, comme Lincoln l'était Obama semble l'être, vous risquez d'avoir constamment des discussions interminables qui ne débouchent jamais sur un consensus. Cela peut être paralysant. Vous devez donc être prêt à voter en faveur ou non d'une décision et, si ce vote mène à une impasse, vous devez alors trancher et être prêt à dire à votre équipe : "Que ça vous plaise ou non, voici ce que nous faisons."

Lincoln a par exemple laissé son cabinet débattre pendant des mois de l'abolition de l'esclavage. Cependant, il s'est finalement décidé à édicter sa Proclamation d'émancipation pour libérer les esclaves. Il a réuni les membres de son cabinet et leur a dit qu'il n'avait plus besoin de leurs réflexions sur l'enjeu principal - mais qu'il voulait bien qu'on lui suggère la meilleure façon et le meilleur moment de mettre sa décision en application. Ainsi, même si certains n'appuyaient toujours pas la décision de Lincoln, ils avaient l'impression qu'on les écoutait. Et ils ont été entendus. Quand un membre du cabinet lui a suggéré d'attendre une victoire sur le champ de bataille avant d'énoncer la Proclamation, Lincoln s'est rangé à son avis.

HBR -Quelles sont, selon vous, les qualités essentielles d'un leader accompli ?

D.K.G. - La capacité de savoir s'entourer de gens qui peuvent vous tenir tête et remettre en cause vos postulats. Il est utile de s'entourer de gens dont le tempérament diffère du vôtre.

Vous devez aussi savoir partager les honneurs avec les membres de votre équipe de telle sorte qu'ils se sentent investis d'une mission. Vous devez créer un réservoir de sentiments positifs et cela nécessite non seulement que vous admettiez vos erreurs, mais que vous preniez également à votre compte les bourdes de vos subordonnés.

L'histoire enseigne qu'il est essentiel de savoir communiquer avec la population, qu'il s'agisse d'utiliser les ondes radiophoniques, comme l'a fait Franklin Roosevelt, ou, comme l'a fait Lincoln, de prononcer des discours empreints d'une telle poésie et d'une telle clarté que le peuple avait l'impression de lire dans ses pensées et sentait qu'il lui disait la vérité.

Un leadership infaillible, autant en affaires qu'en politique, dépend d'un autre facteur de succès négligé. Vous devez savoir vous relaxer de façon à faire le plein d'énergie en prévision des défis du lendemain. Cette capacité à recharger vos batteries dans une période de stress et de crise est essentielle à un leadership accompli.

HBR - Nourrissez-vous un tel espoir alors que tout semble s'écrouler autour de nous ?

D.K.G. - Oui, j'y crois vraiment. Certaines choses, impossibles en temps normal, deviennent possibles en temps de crise. Le mode de fonctionnement du gouvernement américain fait en sorte qu'il faut une grave crise pour faire bouger les choses. Il n'y a donc que quelques moments dans l'histoire propices à de grands changements. Roosevelt a tiré parti de la Crise, Lincoln de la guerre civile. De même, la situation actuelle est l'occasion idéale pour Obama d'agir. Les défis lui donnent l'occasion de reconstuire le pays au-delà des idéologies.

L'histoire nous rappelle aussi que, peu importe la situation actuelle, les choses ont déjà été bien pires dans le passé et que les Américains s'en sont toujours sortis la tête haute. La crise actuelle n'a rien à voir avec la dépression des années 1930 et encore moins avec la guerre civile à laquelle a été confronté Lincoln.

L'un des discours de Roosevelt que je préfère est celui qu'il a prononcé en 1942 et auquel ressemblait beaucoup celui qu'a prononcé Obama à Chicago le soir de sa victoire. Roosevelt a prévenu son auditoire que maintes erreurs seraient commises avant que le pays ne remporte la Deuxième Guerre mondiale. Mais il a rappelé que les États-Unis avaient surmonté auparavant des désastres bien pires. Ainsi, en dépit d'un hiver cruel lors du siège de Valley Forge, les Américains ont tout de même fini par aquérir leur indépendance. L'allocution de Roosevelt fut un tel succès que la Maison-Blanche a été inondée de milliers de télégrammes d'appui.

Évidemment, il n'y a qu'un pas entre l'optimisme non fondé et l'intime conviction qu'il y a un je-ne-sais-quoi aux États-Unis, chez les Américains et dans leur système qui fait en sorte que le pays sortira de la crise. Roosevelt a un jour dit : "La dictature la plus efficace ne pourra jamais rivaliser avec les énergies d'un peuple libre vivant en démocratie." Je crois que c'est vrai - et pas seulement pour les États-Unis, mais aussi pour toutes les démocraties de la planète.

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