Le fils d'épicier devenu multimillionnaire

Publié le 12/11/2011 à 00:00, mis à jour le 11/11/2011 à 14:07

Le fils d'épicier devenu multimillionnaire

Publié le 12/11/2011 à 00:00, mis à jour le 11/11/2011 à 14:07

René Vézina - En cas de désaccord, êtes-vous du genre à donner un gros coup de poing sur la table ?

J.L. - Oui, il peut arriver que je dise : «On va arrêter de discuter sur le sexe des anges. Il faut prendre une décision.» Dans l'entreprise, l'engagement était collectif, mais j'étais le chef d'orchestre. Mon travail était de faire en sorte que les gens jouent en harmonie et qu'ils se complètent entre eux. À la fin de la journée, on décidait. Peu importe qui avait pris la décision, l'important c'est qu'on l'avait fait ensemble.

R.V. - Durant votre carrière, quels sont les dirigeants qui vous ont le plus impressionné ?

J.L. - Il y a en eu beaucoup, pour différentes raisons. Je pense à Pierre Péladeau, à sa vitesse d'exécution, à sa facilité de communiquer. Un autre ? André Bérard. Quand je faisais des acquisitions, je faisais affaire avec lui, et pour rendre une décision, ce n'était pas long. On n'avait pas besoin d'appeler à Toronto. Jean Lafleur en est un autre qui m'a beaucoup aidé. Pas le gars des communications, mais l'avocat [NDLR : de Heenan Blaikie], conseiller de la Reine, qui est décédé récemment. Il m'a beaucoup influencé pour ce qui est de la rigueur et de l'intégrité. Il m'a enseigné comment régler des conventions collectives. Puis des gars comme Serge Godin - une soie - et Alain Bouchard, qui a accompli un travail extraordinaire. Ce sont des gens pour qui j'ai beaucoup d'admiration, parce qu'ils ont le goût de se dépasser.

R.V. - Et du côté des plus jeunes ?

J.L. - Il y a en encore plus ! Et bien meilleurs que nous à leur âge. Je pense à Louis Vachon, de la Banque Nationale. Tout le monde disait : «C'est un jeune ambitieux...» Mais non. Il a un jugement sûr, il sait prendre une décision.

Prenez aussi Monique Leroux. On était ensemble à la Fondation de l'Institut de cardiologie, à l'époque. Elle était toute jeune, elle venait de quitter la Banque Royale. Quand elle a repris le collier au Mouvement Desjardins, elle a travaillé comme une démone et elle a très bien réussi. Je pense également à des gens comme Pierre Marcouiller, de Camoplast Solideal, qui a fait doubler le chiffre d'affaires de son entreprise en trois ans. Il y a aussi Micheline Martin, de la Banque Royale. Lors de sa nomination, certains disaient qu'elle ne persisterait pas. Mais elle a beaucoup de talent.

R.V. - Ceux qui disent que la relève de Québec inc. se fait rare s'inquiéteraient donc pour rien ?

J.L. - On est sortis de notre complexe de porteurs de bois et de scieurs de glace, ce qui a permis à nos jeunes de croire en eux-mêmes. Je suis aussi surpris par l'avancement des femmes en affaires. Quand j'étudiais à HEC, il y en avait 4 sur 225. Aujourd'hui, dans les facultés d'administration, la majorité des étudiants sont des femmes ! J'ai confiance en la future génération.

R.V. - Quelles sont les qualités que vous jugez importantes chez les dirigeants ?

J.L. - Il est important d'avoir un rêve et de vouloir se dépasser. Un rêve, cela se construit tous les jours. C'est comme une relation amoureuse qu'on bâtit au quotidien. On fait rarement de grandes affaires, mais on tisse des liens très serrés. Il faut avoir le goût de prendre des décisions et de vivre avec les conséquences de celles-ci, ne pas avoir peur d'afficher ses convictions en demeurant assez souple pour aller chercher de l'information additionnelle, quitte à changer sa décision au besoin.

R.V. - Comme président du conseil du Groupe Colabor et lauréat du prix Korn Ferry/Les Affaires du meilleur C.A. chez Uni-Sélect, comment concevez-vous le rôle d'un administrateur ?

J.L. - Je vois cinq grands enjeux pour un administrateur. Il faut d'abord donner au client ce dont il a besoin. Ensuite, il faut s'occuper des employés et leur fournir un milieu de travail où on reconnaît et récompense non seulement la performance individuelle, mais aussi la performance collective. Puis, on se doit d'être loyal avec ses fournisseurs. Et enfin, donner aux actionnaires un rendement du capital investi.

En gouvernance, ce qui compte, c'est d'être un bon citoyen corporatif, respecté et respectable. Sur cette question, Robert Parizeau m'a beaucoup influencé. C'est un homme d'une grande intégrité et d'une intelligence supérieure. Et ce qu'il nous enseigne en gouvernance, comme Yvan Allaire, c'est d'être intègre et d'asseoir nos décisions sur des principes. Ne pas butiner d'une fleur à l'autre. Un administrateur indépendant doit être un mentor et un superviseur pour le pdg afin que celui-ci exécute le mandat qu'il a reçu du conseil au bénéfice des parties prenantes.

R.V. - Vous souvenez-vous, dans toute votre carrière, d'un moment déterminant où vous vous êtes dit : ça passe ou ça casse ?

J.L. - Oui, quand j'ai été licencié par Lassonde et par Culinar. J'étais trop haïssable ! Je me suis dit : «Il faut que je sois mon boss.» Lorsque j'ai rencontré Robert Chevrier, l'ancien président d'Uni-Sélect, je l'ai prévenu que je n'étais pas un gars facile. Il m'a répondu que c'était précisément ce qu'il recherchait : quelqu'un avec du caractère pour travailler avec des entrepreneurs, «parce que, s'ils ne te comprennent pas, ils vont te marcher sur la tête».

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