Le coworking décrypté

Publié le 26/11/2010 à 15:53, mis à jour le 26/11/2010 à 16:12

Le coworking décrypté

Publié le 26/11/2010 à 15:53, mis à jour le 26/11/2010 à 16:12

Par Premium

Travailler à domicile n'a pas que des avantages. Certains travailleurs autonomes supportent mal l’isolement lié à leur statut. Cet inconvénient a ainsi mené, un peu partout sur la planète, à la naissance d’espaces de travail collaboratif, où se rassemblent des professionnels issus d’horizons variés. On trouve un regroupement de ce genre à Alpharetta, une petite ville de banlieue située à 40 km au nord d’Atlanta, en Géorgie. En plus d’y avoir son propre bureau, qu’il peut louer pour une semaine, un an ou quelques heures, chaque travailleur autonome qui joint les rangs du club, appelé Roam Atlanta, peut réserver l’une des salles de conférence, partager de l’équipement ou des services, et boire un espresso ou acheter un panini au bistrot installé sur place. Mais le plus grand attrait de l’endroit est sans nul doute son aménagement convivial, qui mise sur l’ouverture et l’échange entre les membres.

Auteur : Andrew Jones, Strategy+Buisness

« I’m by Myself »

Brian Kramer travaillait pour IBM à partir de son domicile. Après avoir bossé pendant 11 ans dans l’isolement, il a ressenti le besoin de se retrouver dans un milieu de travail accueillant et propice à la réflexion, bref, au sein d’une communauté sympathique. C’est ainsi qu’il a fondé, avec d’autres travailleurs, le Roam Atlanta, qui réunit aujourd’hui une cinquantaine de membres.

La plupart de ceux qui fréquentent l’endroit vivent à une dizaine de kilomètres de là. Il s’agit de travailleurs autonomes, de propriétaires de petites entreprises et parfois même d’employés de grandes sociétés. Ils y sont venus au départ parce que cela ne leur coûtait pas trop cher et parce qu’ils avaient accès à des services évolués de télécommunications, en plus de partager des ressources bureautiques. Et ils y sont revenus parce qu’ils pouvaient enfin être en compagnie d’autres travailleurs qui leur ressemblent.

Le club est maintenant composé de différents groupes. L’un d’eux s’appelle l’Atlanta Jelly, et ses membres se réunissent tous les mercredis. (Le surnom de jelly est courant pour désigner des travailleurs autonomes qui se voient chaque semaine. On raconte que les premiers à avoir eu cette idée avaient l’habitude de manger des jelly beans pendant leurs rencontres !) L’un des membres les plus assidus est Brian Jones, qui provient également de chez IBM. Il travaillait au Vermont quand sa femme a obtenu une promotion à Atlanta. Le couple a donc déménagé, mais Brian a pu continuer de travailler pour IBM tout en partageant son temps entre son domicile et le Roam Atlanta.

IBM fait preuve d’une grande souplesse en ce qui concerne le lieu de travail. Cela découle de sa politique interne voulant que 40 % de ses employés n’aient pas de bureau fixe aux États-Unis, ce qui lui permet d’économiser quelque 100 millions de dollars américains par an, ses espaces de bureau étant réduits au minimum. À la blague, ces travailleurs disaient autrefois que les initiales IBM signifiaient I’ve Been Moved (Ils m’ont déménagé). De nos jours, ils pourraient aussi bien dire qu’elles signifient I’m by Myself (Je me débrouille tout seul). D’où le besoin de trouver un lieu qui procure aux employés ce que leur employeur ne leur offre plus : un contact humain régulier avec d’autres professionnels et des collègues.###

Les bienfaits de la collectivité

Le club Roam Atlanta propose à ses membres un espace spécialement aménagé pour le travail collaboratif. Il consiste en des bureaux décloisonnés disposés de telle manière que l’on peut aisément partager des informations avec les autres. Il évoque un peu le cloud computing, cette tendance en informatique qui laisse présager une évolution technologique vers un univers virtuel plus intelligent, où les échanges se font mieux, à savoir plus vite et plus adéquatement. Au final, ce nouveau concept d’aménagement de bureau, qui trouve de plus en plus preneur en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, pourrait donner naissance au milieu de travail de demain, plus ouvert et plus propice à la créativité.

Ainsi, l’espace de travail collaboratif permet de résoudre nombre de problèmes récurrents dans les bureaux traditionnels :

- il offre un lieu de rencontre pour des employés éparpillés sur un grand territoire ;

- il réduit le coût de plus en plus élevé des bureaux permanents ;

- il donne la chance aux travailleurs autonomes de profiter d’un espace calme (un avantage incontestable surtout pour ceux qui ont des enfants ou qui avaient l’habitude de travailler dans des cafés bruyants) ;

- il donne l’occasion d’échanger des idées et des conseils avec des personnes aux profils professionnels variés ;

- il diminue l’empreinte écologique inhérente aux déplacements des employés qui se rendent quotidiennement au bureau aux mêmes heures (pas de voiture bloquée dans la circulation du centre-ville, etc.).

La Hat Factory est également un exemple éclairant. Cet espace de travail collaboratif est établi dans la région de San Francisco. Deux de ses membres sont des programmeurs d’Intalio, une firme de Palo Alto spécialisée dans les logiciels de gestion des processus commerciaux. Ils ne vont au siège social de la firme qu’une ou deux fois par semaine ; le reste du temps, ils sont à la Hat Factory, à 80 km de là. Leur gestionnaire a donné son aval à cet arrangement après avoir constaté qu’ils abattaient plus de boulot à la Hat Factory qu’au siège social.

Une source d’inspiration

Les espaces de travail collaboratif attirent surtout les jeunes employés pleins de ressources. Ceux-ci sont dans la vingtaine ou la trentaine, et travaillent souvent dans le domaine des nouvelles technologies (Web, réseaux sociaux, design, etc.) ou dans celui des communications ou de la gestion (journalisme indépendant, design graphique, consultation en management, etc.). Leur utilisation de l’espace dépend de leur personnalité : certains iront toujours au même emplacement, alors que d’autres aimeront changer d’espace de travail, faisant ainsi connaissance avec d’autres professionnels.

Déjà, des entreprises s’inspirent du phénomène du coworking. Steelcase, par exemple, a récemment ouvert le centre Workspring, à Chicago, en le décrivant comme « un réseau d’espaces extraordinaires, conçus pour favoriser et soutenir la collaboration, la créativité, la productivité et l’échange ». L’entreprise a raffiné son concept en glanant des commentaires de travailleurs fréquentant des espaces de travail collaboratif.

La ferme Stonyfield, un producteur laitier biologique établi au New Hampshire, loue quant à elle un espace chez Sandbox Suites, à San Francisco, pour son personnel de ventes de la côte Ouest. Une société de conception de logiciels du nord de la Californie, Automattic, a installé elle aussi son personnel de ventes et ses programmeurs dans un espace de coworking, appelé Conjunctured, à Austin, au Texas, et ses employés y travaillent côte à côte avec certains de leurs clients.

Une évolution nécessaire

L’avenir appartient-il aux espaces de coworking ? Probablement. Mais le plus grand obstacle à surmonter face à cette nouvelle conception du travail n’est ni financier ni logistique : il est plutôt d’ordre culturel. Ainsi, lorsque la banque Macquarie, de Sydney, en Australie, a tenté de convertir quelques-uns de ses bureaux en zones de travail plus ouvertes (invitant même d’autres entreprises à venir partager l’espace), certains directeurs — la vieille garde — ont protesté. Ils refusaient catégoriquement d’abandonner leurs bons vieux bureaux fermés. Ils disaient craindre d’être distraits par le bruit ambiant, de se retrouver dans un climat instable et changeant, ou encore de ne plus être en mesure d’avoir des discussions privées avec des collègues ou des clients.

Ces commentaires négatifs soulignent à quel point la résistance au changement peut être un frein à l’innovation, au recrutement de jeunes talents et à l’implantation de nouvelles méthodes de travail plus productives. Ils traduisent le poids de la routine et des habitudes ancrées, et finalement le coût que tout cela représente globalement pour l’entreprise.

En réalité, il est généralement moins coûteux et beaucoup moins problématique de mettre sur pied un espace de travail collaboratif que de doter chaque employé d’une connexion Internet haute vitesse. Il pourrait donc s’agir d’une solution d’avenir pour un grand nombre d’entreprises. Après tout, si les méthodes de gestion ne cessent d’évoluer, pourquoi en serait-il autrement pour les lieux de travail eux-mêmes ?

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