La planète de Claude Lessard

Publié le 30/10/2008 à 16:22

La planète de Claude Lessard

Publié le 30/10/2008 à 16:22

Par lesaffaires.com
Le Groupe Cossette a payé 42 millions de dollars pour une firme londonienne afin de satisfaire ses ambitions sur le plan mondial. Risqué ?

Depuis que le Groupe Cossette a fait son entrée en Bourse au début des années 2000, Claude Lessard, président et chef de la direction, tient à tout prix à un plan de croissance qui doit faire de son entreprise un grand acteur sur le plan mondial. Pour y arriver, le grand patron de la société de Québec spécialisée en marketing et communications a réussi un grand coup en juillet. Il a acquis l'agence londonienne Dare Digital, une transaction d'environ 42 millions de dollars. C'est la plus importante acquisition de l'entreprise, mue par son désir de se démarquer dans les ligues majeures.

"Quand nous avons ouvert notre capital, dit Claude Lessard, nous étions numéro un au Canada. Il fallait bien choisir notre prochain défi. Nous avions deux options : nous joindre à un groupe international ou gagner nous-même une envergure internationale."

Deux villes ciblées

L'achat de Dare augmente les effectifs londoniens de 130 personnes, les faisant passer à près de 400. Il a lieu au moment où le cabinet de marketing aspire à étendre ses tentacules sur deux des marchés les plus convoités du globe : les États-Unis et l'Europe. "Nous ne pouvons pas grandir seulement par croissance interne, il faut aussi réaliser des acquisitions, explique Claude Lessard. Mais les États-Unis et l'Europe, c'est vaste. Nous avons ciblé deux villes, soit Londres et New York."

Dare Digital, qui se spécialise dans le marketing numérique, est la quatrième acquisition de Cossette à Londres. Et le choix d'une agence à la mission non traditionnelle n'a rien de nouveau pour Claude Lessard. Le modèle d'affaires de Cossette consiste en un guichet unique comprenant entre autres la publicité, le marketing tous azimuts et la planification stratégique. "Nous voulons reproduire notre modèle canadien à Londres, souligne le grand manitou de Cossette. Une partie importante, soit le côté numérique, qui représente 25 % de nos affaires au Canada, nous faisait défaut. Avec Dare, nous aurons finalement une offre intégrée là-bas, sous la marque Cossette."

La bouchée est-elle trop grosse ?

Adam Shine, analyste de la Financière Banque Nationale, croit que cette agence prend une grosse bouchée, mais il estime que la compagnie fait preuve de cohérence. "Cossette avait annoncé que son but était l'expansion en dehors du Canada, rappelle cet analyste. Elle a mis du temps à le faire, car elle a l'habitude d'évaluer les occasions d'affaires avec prudence pour s'assurer que celles-ci complètent bien les secteurs-clés de ses activités."

Après quatre acquisitions londoniennes, ainsi que celles qu'elle a déjà réalisées à New York, Cossette envisage une forte expansion américaine. Pour l'instant toutefois, elle n'y compte que 50 employés et n'y obtient que 8 % de son chiffre d'affaires de 215 millions de dollars. Mais elle n'a pas fait que voguer de succès en succès chez les Américains. L'agence Post & Partners, achetée en 2001, ne s'est pas particulièrement bien portée. Et le compte du courtier TD Waterhouse lui a glissé entre les doigts l'an dernier quand Ameritrade en a fait l'achat.

Cette mise au tapis - près de 30 % du chiffre d'affaires aux États-Unis a fondu d'un seul coup - rappelle que les aventures à l'étranger n'ont rien d'une partie de plaisir. Claude Lessard croit par contre que sa stratégie renouvelée lui permettra de se relever. "Ce fut plus difficile que prévu, admet-il. Nous avons fait de grands changements qui découlent de la nomination de la nouvelle présidente, Sally Kennedy, à New York. Renouveler la direction américaine était un geste stratégique."

Claude Lessard convient que perdre des clients fait partie du métier et qu'il faut sans cesse en décrocher de nouveaux pour mieux supporter les pertes lorsqu'elles surviennent. "Nous ne sommes pas à l'abri à Londres, reconnaît-il, nous ne pouvons garder les clients éternellement. Mais à New York, nous étions trop petits et pas assez dynamiques pour remplacer un gros client rapidement. Quand vous êtes plus important, votre portefeuille reste plus équilibré. Aucun de nos clients actuels ne représente plus de 30 % de nos affaires. Nous apprenons de nos erreurs, et je suis convaincu de pouvoir passer en deuxième vitesse à New York."

Selon l'analyste Adam Shine, ce dossier rappelle à quel point la croissance à l'étranger est un chemin semé d'embûches. "Londres semble évoluer comme une histoire positive alors que les pièces du casse-tête prennent place. Les États-Unis s'avèrent plus compliqués et décevants, et la perte du mandat TD Waterhouse n'a pas aidé. Mais ça ne semble pas empêcher Cossette de vouloir se diversifier géographiquement."

Un avenir rempli de défis

En plus d'avoir à conserver ses clients, le groupe dirigé par Claude Lessard affronte une série de défis. Le premier étant le maintien d'un rythme de croissance. "Pour les 12 prochains mois, nous avons deux objectifs : réaliser des acquisitions comparables à celle de Dare, mais à New York cette fois, et gagner des clients pour alimenter la croissance interne."

Le président a l'intention de se servir du portefeuille de clients de Cossette comme carte de visite. "Nous travaillons avec des clients prestigieux, comme General Motors, McDonald's et General Mills. À Londres, nous faisons affaire avec Vodafone et Sony Ericsson. Un bureau fort en Europe peut aider à gagner des clients ailleurs. Si nous consacrons toutes nos énergies à développer les États-Unis, je crois que ça marchera. Si le plan se déroule comme prévu, nous y arriverons d'ici deux ans."

Toutefois, Claude Lessard ne se leurre pas quant au potentiel d'expansion. "Nous comptons plus de 1 500 employés, et il est plus difficile de croître. Pour réussir, il nous faut garder notre dynamisme. Quand vous dirigez une société en pleine croissance, vous attirez les meilleurs employés." Une façon d'attirer les travailleurs ambitieux consiste à leur faire miroiter la création d'un géant et à leur permettre de travailler outre-mer. "Deux employés londoniens viennent au Canada pour deux ans et nous avons de plus en plus de demandes canadiennes pour aller à New York et à Londres, soutient Claude Lessard. Nous encourageons ces échanges entre les pays, ils entretiennent un état d'esprit axé sur le succès."

Tous ces efforts doivent déboucher sur la création d'une marque internationale, avec une notoriété qui s'étendrait au-delà du cercle de la presse spécialisée en marketing. "C'est notre plus grand défi, affirme-t-il. Prenons Londres, par exemple. Nous y avons cinq marques. Il faut maintenant faire connaître celle de Cossette. La couverture de presse à Londres a déjà été bonne, et il faut faire des pitchs sous le nom Cossette. Chaque unité d'affaires aura ses propres clients, mais l'identité du groupe demeurera Cossette." Les rivaux, des géants comme Young & Rubicam, qui desservent des titans comme Xerox, Colgate et Virgin, se trouveront toutefois sur le chemin de Cossette. "Ce sont les mêmes joueurs internationaux qu'à Londres, souligne Claude Lessard. Il y a deux secrets pour les affronter : avoir une masse critique et être différent. L'expertise développée avec l'offre de tous les services regroupés sous un seul toit au Canada et à Londres doit être reproduite à New York."

Le président de Cossette demeure convaincu que les leçons du passé contribueront à un avenir florissant. Que pense Adam Shine, de la Financière Banque Nationale, de l'ensemble de la stratégie ? "Comme nous l'avons vu depuis dix ans, il n'y a pas urgence à faire des acquisitions dans l'unique but d'acheter, commente cet analyste. Cossette le fait à un rythme très lent, autrement dit le risque de faire une mauvaise transaction est minimisé. Cela dit, c'est un secteur où les clients sont difficiles à retenir. Cossette ne peut contrôler la perte d'un mandat important, elle ne peut que faire le meilleur travail possible." Bref, le publicitaire a du travail à abattre au cours des prochaines années.

Cet article a été publié dans la revue Commerce en septembre 2007.

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