La mission de Carole Robert

Publié le 03/03/2010 à 17:44

La mission de Carole Robert

Publié le 03/03/2010 à 17:44

Carole Robert s'est donné une double mission: protéger les ressources naturelles de l'Afrique et former des entrepreneurs africains.



Possédant une vaste expérience en commerce international, elle a fondé la Fondation Biotechnologie pour le développement durable en Afrique (BDA). Son but : permettre aux «écopreneurs» africains de s'approprier la culture industrielle et responsable des plantes médicinales pour leur permettre d'accéder aux marchés alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques mondiaux.

Présidente du conseil d'administration et cofondatrice de la Fondation, Mme Robert a remporté le premier prix canadien au Concours Terre de Femmes de la Fondation Yves Rocher, qui vise à récompenser des femmes écocitoyennes d'exception. Elle s'est aussi mérité la Mention Spéciale Biodiversité Végétale au niveau international.

Cette leader d'affaires s'est démarquée au cours des 15 dernières années par ses interventions et stratégies de développement du commerce et des affaires internationales, notamment en tant que présidente du conseil d'administration du World Trade Center de Montréal (1996-2002) et membre du conseil de Montréal International (1998-2003).

Urgenceleadership.com a rencontré cette entrepreneure qui carbure aujourd'hui au concept du Trade-not-Aid (le commerce, pas la charité).

Urgence leadership : Vous avez une vaste expérience dans les secteurs de la planification stratégique et de l'innovation, notamment dans le secteur des exportations. Pourquoi avoir cofondé la Fondation BDA?

Carole Robert : C'est arrivé à une époque où je me suis retirée de la vie publique pour aller faire mon MBA à HEC, de 2003 à 2006. J'ai alors voulu faire le point sur toutes les expériences d'affaires que j'avais vécues. Au fur et à mesure que j'ai exporté dans des pays difficiles, parce que mon background est dans l'exportation, je me suis aperçue que l'exportation avait aussi un potentiel, un pouvoir en termes de développement économique et que la charité a une limite.

La coopération internationale, c'est essentiel, on vient de le vivre avec Haïti. Mais l'aide au développement peut passer par le commerce international, par le Trade-not-aid, et c'est ce qui m'anime.

UL : Votre retour aux études vous a permis de vous questionner sur la direction que prenait votre carrière?


CR : En effet. Je suis convaincue que les entreprises actuelles ne peuvent plus uniquement fonctionner en voulant servir les intérêts des actionnaires. Je pense que les entreprises qui réussiront à long terme seront celles qui répondent aussi aux attentes de l'ensemble des parties prenantes.

On demande aux entreprises de faire des profits, du rendement économique, mais de plus en plus, on leur demande aussi de faire du rendement social et environnemental. À l'inverse, on demande aux ONG, qui font du rendement social ou environnemental depuis longtemps, d'être viables économiquement en raison de la pénurie de fonds disponibles.

La ligne au milieu s'appelle le blended value, le triple rendement (économique, social et environnemental), une notion de plus en plus développée et articulée à l'extérieur du Québec. Mais ici, je me sens un peu seule avec mon discours, même si tranquillement, je sens qu'il y a une espèce de résonnance. Ce que j'essaie de véhiculer, c'est justement cette notion de blended value et c'est dans cette optique que j'ai créé la Fondation BDA.

UL : La Fondation vise la protection des ressources naturelles de l'Afrique, mais aussi la formation d'une nouvelle génération d'«écopreneurs» qui sera en mesure de développer une industrie compétitive sur les marchés mondiaux. Qu'est-ce qui vous a poussé à vouloir développer l'entrepreneuriat chez les Africains, et spécifiquement dans ce créneau?

CR : Pendant que je faisais mon MBA, l'OMS (Organisation mondiale de la santé) a produit un guide des bonnes pratiques des cultures et des récoltes des plantes médicinales, publié en 2004. La même année, le gouvernement du Canada a lancé sa division Direction des produits de santé naturels. L'objectif : contrôler la qualité des produits de santé naturelle. Également en 2004, le Sénat américain a approuvé le Botanical Drug Guideline, pour développer et approuver des médicaments qu'on appelle botaniques (uniquement faits à partir d'extraits végétaux) par la Federal Drug Administration (FDA).

Donc globalement, les instances réglementaires et l'OMS commencent à laisser une place de plus en plus grande aux plantes médicinales dans l'ensemble des marchés alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques. On a donc décidé de prendre ce guide de l'OMS comme étant une opportunité de développement économique. On s'est dit qu'on allait enseigner à des «écopreneurs» africains comment développer leur propre entreprise pour qu'ils soient capables de produire des plantes médicinales qui rencontrent ces standards, avec l'objectif ultime de les exporter sur le marché mondial.

UL : Vous auriez pu créer votre propre entreprise, mais vous avez choisi d'aider les Africains à développer cette nouvelle filière économique. Pourquoi ?  

CR : Le bouillonnement économique commence par la capacité d'avoir de petites et moyennes entreprises, un secteur qui n'est pas encore bien implanté en Afrique. De plus, l'Afrique regorge de ressources naturelles, mais elles sont souvent exploitées par des sociétés étrangères. Or, pour que les Africains puissent exploiter les plantes médicinales, il s'agit de leur donner les règles du jeu et de leur fournir des infrastructures, comme un centre de conditionnement de plantes médicinales. Le but de la Fondation est de les aider à se développer.

UL : Votre projet Plante-Action en République démocratique du Congo comprend l'enseignement de techniques et pratiques de récolte et de culture des plantes médicinales, mais aussi un important volet entrepreneuriat, mentorat d'affaires et aide au micro-crédit. Quelles sont les principales compétences en leadership que vous cherchez à inculquer à ces futurs entrepreneurs?

CR : L'autonomie et l'initiative. Pour un peuple qui a été soumis au colonialisme et après cela, à des dictatures, le sens entrepreneurial, le sens de l'autonomie n'a pas été valorisé. Mais là où il y a cette espèce de fibre entrepreneuriale, il faut la préserver et la laisser vivre parce que c'est ce qui va vraiment générer le développement économique local.

UL : Qu'est-ce qu'il manque dans la boîte à outils des leaders d'affaires africains? Quelles sont les différences avec les entrepreneurs nord-américains?

CR : La vie d'un entrepreneur, qu'il soit africain, congolais ou russe, est la même. Ils ont le même désir de vouloir créer leur entreprise et ils sont confrontés aux mêmes problèmes de financement, de budget, de ressources, de gestion des ressources humaines, de marketing ou de logistique.

Mais comme l'entrepreneuriat africain est dans ses premiers balbutiements, les entrepreneurs africains n'ont pas accès à des réseaux de mentors, à des chambres de commerce ou autres outils qui supportent la naissance de l'entreprise privée. Quand ils ont un problème, ils n'ont personne à qui s'adresser. C'est pourquoi la Fondation BDA offre de la formation théorique et pratique, mais aussi du mentorat d'affaires.

Ultimement, on sera en mesure - et je pense que cela démarre bien - de les prendre par la main, dans la mesure où chacun d'eux aura un plan d'affaires béton, et de les amener auprès de différents bailleurs de fonds. Il y a de plus en plus de bailleurs de fonds qui veulent financer des entreprises africaines, mais ils veulent financer des entrepreneurs qui comprennent quelque chose à l'entrepreneuriat. C'est donc là où la Fondation se démarque, on fait de la formation et de l'accompagnement jusqu'au bout.

UL : Personnellement, en tant que leader, quelles sont les compétences requises dans la mise en œuvre de ce projet?

CR : Ce n'est certainement pas quelque chose que j'aurais pu faire dans mes premières années, cela prend beaucoup de maturité. C'est un projet qui fait intervenir mes propres compétences entrepreneuriales, et ce, dans un contexte difficile. Créer une entreprise au Québec est déjà difficile. Créer 30 entreprises par année dans un pays où le développement économique est très faible demande beaucoup d'engagement.

UL : Quel serait le message que vous aimeriez lancer aux leaders d'affaires canadiens?

CR : Quand on est un leader, il faut avoir le courage de ses opinions et je suis consciente que mes opinions détonnent par rapport au discours traditionnel, selon lequel l'aide humanitaire est toujours passée par le volet charité.

Je voudrais que l'aide au développement prenne la forme de rapports nouveaux, en développant par exemple des rapports égaux entre les exportateurs et les importateurs. Pour y arriver, j'ai besoin, comme entrepreneure, d'entreprises canadiennes qui vont vouloir faire la route avec nous, nous supporter par leur propre programme de responsabilité sociale.

UL : Comment par exemple?


CR : J'aimerais pouvoir développer une forme d'alliance avec des entreprises montréalaises, canadiennes, qui ont aussi au cœur de leur mission le développement durable et leur demander de faire équipe avec nous de plusieurs manières. Par exemple, nous aider à développer du mentorat d'affaires avec ces entrepreneurs.
Avec les technologies modernes de communication, il n'y a plus de barrières. Chaque «écopreneur» a un ordinateur, on peut être en contact avec eux tous les jours grâce à Skype.

 

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