La gestion en cercles

Publié le 05/04/2013 à 00:00, mis à jour le 04/04/2013 à 15:04

La gestion en cercles

Publié le 05/04/2013 à 00:00, mis à jour le 04/04/2013 à 15:04

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Par opposition au triangle hiérarchique, le cercle élimine les barrières, ce qui permet d’aborder le changement sous une toute autre perspective. Mais attention, cette approche n’est pas facile à utiliser avec efficacité.

Auteur : Tracy A. Thompson, Stanford Social Innovation Review

Le cercle est une forme d’organisation qui prend différents noms dans divers contextes et diverses cultures du monde. Utilisé à toutes sortes de fins, c’est un des outils les plus anciens et les plus répandus pour créer des changements personnels et sociaux. En Suède et en Norvège, les cercles d’études font officiellement partie du système d’éducation des adultes, des millions de participants se réunissant en petits groupes pour apprendre et pour engager le dialogue entre eux. Aux États-Unis, des millions de gens organisent et forment des cercles de lecture informels. Au Japon, des centaines de sociétés comme Toyota et Honda invitent leurs employés à se joindre à des cercles de qualité, sorte d’équipe de travail autogérée qui a pour but de développer les talents et les contributions des employés et d’améliorer les processus organisationnels et les produits. Et en Inde, les ONG et les banques créent régulièrement des cercles d’emprunt pour offrir des services financiers aux démunis et pour favoriser le développement de la collectivité.###

Pourquoi avoir recours aux cercles ? Parce que leur structure crée des conditions favorables à l'épanouissement personnel et collectif ainsi qu’à la prise en charge des individus. En tant qu’archétype, le cercle représente une forme ancienne de réunion qui encourage les conversations respectueuses. Il contraste avec le triangle, un autre archétype d’interaction sociale qui crée une hiérarchie et rappelle aux individus leur place dans une structure de pouvoir.

Dans un cercle fonctionnel, les membres partagent un fort sentiment d’appartenance, un engagement irrésistible envers des buts communs et un degré élevé de responsabilité tant envers eux-mêmes que face au groupe. Il y règne un climat propice à la résolution de problèmes. Chaque membre du cercle se perçoit comme une partie égale d’un tout. L’absence de hiérarchie encourage chaque membre à être un facilitateur et un leader en partageant ses connaissances et ses compétences.

Examinons les changements radicaux qu’un groupe de 20 femmes a apportés grâce à sa participation au Groupe Saranayalaya, dans le village de Pasumathur de l’État du Tamil Nadu, en Inde. La chef de file actuelle du groupe, Krishnaveni, se souvient d’une époque lointaine où un grand nombre des membres du groupe hésitaient à s’engager dans les programmes d’action communautaire, parce que selon la tradition, en règle générale, les femmes n’étaient pas censées sortir de leur maison sans l’autorisation de leur mari ou de leurs parents. Aujourd’hui, après avoir adhéré à un cercle, ces 20 femmes participent toutes avec enthousiasme à des projets communautaires. Elles ont plaidé avec succès en faveur de plusieurs projets qui visent à améliorer l’infrastructure du village, notamment l’installation d’un puits foré qui approvisionne leur collectivité en eau potable, le pavage de routes dans le village et dans ses environs, l’installation de poubelles dans chaque rue, le nettoyage des égouts publics, la séparation de l’eau de drainage et de l’eau potable, et la construction de plateformes en béton sous les robinets du village pour empêcher la stagnation de l’eau. Par ailleurs, en établissant des réseaux avec d’autres groupes semblables de leur région, elles organisent une journée au cours de laquelle plus de 250 villageois de la région subissent des examens de la vue et reçoivent des soins médicaux.

Les cercles comme le Groupe Saranayalaya offrent une solution à ce que l’économiste politique David Ellerman appelle le « dilemme fondamental de l’aide », à savoir la difficulté d’aider les gens sans les asservir, c’est-à-dire sans miner ni réduire leur capacité de s’aider eux-mêmes. Trop souvent, les tentatives d’organiser socialement le développement à un niveau individuel ou collectif échouent, parce que les méthodes utilisées minent la volonté et la motivation des exécutants. Les aidants fournissent une réponse, un service ou un programme, et ils font tout leur possible pour motiver les exécutants à suivre le processus déterminé. Toutefois, en externalisant tant la motivation que le savoir, les aidants finissent par s’engager dans les interactions de type triangulaire qui minent les habiletés individuelles et collectives plutôt que de les développer.

En revanche, les interventions qui reposent sur l’archétype du cercle exploitent la capacité de motivation intrinsèque et la capacité d’un groupe de développer des connaissances et des compétences, de résoudre des problèmes et d’agir. Bien que les cercles offrent de multiples avantages tant pour les personnes que pour les groupes, il n’est pas facile de les utiliser efficacement. Pour exploiter leur potentiel, on doit bien comprendre leur nature et leur fonctionnement. Voici quelques informations qui pourraient aider les personnes voulant implanter des cercles à éviter les embûches les plus courantes.

Que sont les cercles ?

Il existe de nombreux types de cercles. Leurs structures et leurs modes de fonctionnement varient beaucoup. Néanmoins, quatre caractéristiques définissent les formes les plus élémentaires d’interactions au sein d’un cercle et les distinguent de celles qui sont observées dans un triangle.

• Participation égalitaire. L’interaction horizontale et collégiale d’un cercle contraste avec l’interaction verticale et descendante d’un triangle. Dans un cercle, les gens forment littéralement un cercle lorsqu’ils interagissent. Le fait d’être debout ou assis en cercle encourage le dialogue normal, orienté vers les pairs et respectueux dans lequel les membres s’engagent sur un pied d’égalité. Souvent, les cercles ont recours à d’autres pratiques qui favorisent et renforcent davantage ces normes égalitaires, telles que des systèmes formels comme celui de parler chacun à son tour, des rappels d’écouter sans porter de jugement et des méthodes de gestion des conflits interpersonnels. Ces pratiques aident les membres à ne pas avoir peur de s’exprimer et de contribuer, et elles créent des attentes mutuelles de participation générale.

• Leadership partagé. Contrairement aux interactions triangulaires qui attribuent le leadership à une personne du fait de son autorité, de ses compétences uniques ou de son pouvoir social, les cercles traitent le leadership comme un ensemble de fonctions qui peuvent être réparties et partagées. De plus, ils présument que ces fonctions et les compétences nécessaires pour les remplir peuvent être mises en valeur chez n’importe quel membre. La façon dont le leadership est développé, décentralisé et partagé varie selon la méthodologie particulière du cercle. On trouve dans certains cercles des manuels qui présentent des pratiques formalisées pour répartir explicitement le leadership en rôles distincts et le faire alterner, tandis que d’autres encouragent une émergence et une alternance plus informelles des rôles de leadership.

• Objectifs et processus déterminés par le groupe. Les principes égalitaires sur lesquels reposent les cercles veulent que tous les membres soient perçus comme ayant la capacité de contribuer. Dans les cas extrêmes, les membres des cercles formulent et élaborent collectivement des objectifs ou des buts, déterminent le fonctionnement du groupe et fixent les règles de base des interactions, notamment la façon de gérer les problèmes et les conflits. Dans d’autres cercles, particulièrement dans ceux de la microfinance, il peut arriver que les objectifs et les règles de fonctionnement soient suggérés par un tiers tel que le facilitateur d’une ONG ou un employé de banque. Même dans ces contextes, on encourage les membres à s’approprier et à modifier ces objectifs et ces règles, par exemple en décidant combien d’argent économiser, combien et quand s’effectuent les remboursements, ce qui sera considéré comme de la délinquance, qui obtient un prêt, quels sont les taux d’intérêt et les attentes quant aux interactions des membres.

Adhésion volontaire. Les participants se joignent à ces cercles en fonction de leurs intérêts et de leurs désirs, plutôt que d’y être obligés par une figure d’autorité. À Tacoma, dans l’État de Washington, les femmes ont répondu à des dépliants postés dans la collectivité et ont choisi elles-mêmes de se joindre à un des sept cercles WE-CAN mis sur pied grâce à une alliance de sept organismes sans but lucratif. Lorsqu’ils forment des cercles de qualité, les employeurs demandent habituellement des volontaires. Dans d’autres types de cercles, comme les groupes d’entraide et les associations villageoises d’épargne et de crédit, les gens sont souvent invités à devenir membres par un représentant d’une ONG, un membre de leur famille, un ami ou un voisin.

Les avantages des cercles

Les cercles contribuent au développement et à l’exercice de l’autonomie des personnes et des groupes, ce qui les aide à résoudre leurs problèmes et à agir. Dans certaines cultures, l’autonomie peut cependant être un terme lourd de sens. Elle est souvent perçue comme un concept occidental qui souligne l’indépendance et l’individualisme, et elle a donc souvent été jugée comme peu pertinente dans les cultures plus collectivistes.

Il est préférable d’envisager l’autonomie comme un moyen, soit la mesure dans laquelle une personne peut s’engager dans une action volontaire et sans contrainte en vue d’atteindre un résultat souhaité. Le contraire de l’autonomie est l’hétéronomie, où l’action est régie ou contrôlée de l’extérieur, et non entreprise librement. L’autonomie et l’hétéronomie ne doivent pas être confondues avec le rapprochement, le degré selon lequel une personne se perçoit comme une entité séparée ou, sinon, comme faisant partie d’un tout indifférencié, lorsque les limites d’existences séparées sont fusionnées avec d’autres. En séparant l’autonomie du rapprochement, on ouvre la porte à l’autonomie dans les cultures plus collectivistes. Mila Tuli et Nandita Chaudhary, toutes deux de la University of Delhi, en Inde, utilisent le terme « interdépendance élective » pour décrire l’intersection du moyen et de l’interdépendance, et leurs travaux soulignent la pertinence et les caractéristiques particulières de l’autonomie telle qu’elle se présente dans les cultures plus collectivistes.

De nombreux cercles ciblent la personne et son développement. Par exemple, dans les cultures occidentales plus individualistes, les clubs de lecture et les cercles d’études permettent à des adultes de prendre en main leur apprentissage et leur formation. D’autres genres de cercles, comme les Alcooliques Anonymes ou les cercles de simplicité volontaire, aident les gens à apprendre de nouvelles façons de penser, d’interagir et de prendre des décisions par eux-mêmes. Les cercles WE-CAN visent principalement le développement du leadership chez les femmes, aidant chacune d’elles à repérer et à surmonter les obstacles qui les empêchent d’atteindre leurs objectifs personnels et éducatifs.

Dans les cultures plus collectivistes, les cercles servent à rendre les femmes autonomes, mais la façon dont elles expriment et exercent leur autonomie peut varier de celle de leurs consœurs occidentales. Par exemple, dans l’étude 2002 du Programme des Nations Unies pour le développement portant sur les retombées des interventions faites en matière d’autonomie de la femme des états du sud de l’Inde, dans le cadre du Programme de réduction de la pauvreté en Asie du Sud, les femmes ont indiqué que, grâce à leur expérience dans le groupe d’entraide, elles avaient plus de choix et de contrôle dans divers aspects de leur vie. Elles se sont ainsi engagées dans des fonctions professionnelles non traditionnelles, ont visité de nouveaux endroits, ont voyagé sans être accompagnées par un homme et ont profité d’un plus grand pouvoir décisionnel en matière de procréation, tels que le moment et l’espacement de leurs grossesses, l’utilisation de contraceptifs et les décisions d’avorter.

En plus d’accroître l’autonomie des individus, les cercles contribuent également à accroître celle des groupes. Ils encouragent les groupes à cerner et à résoudre leurs problèmes, et ce faisant, ils leur permettent de produire de meilleurs biens, programmes et idées. Par exemple, de nombreuses entreprises tirent profit de l’intelligence des groupes en ayant recours à des cercles de qualité, un genre d’équipe autogérée dont le principal mandat est de travailler à l’amélioration de la productivité et de la qualité. Ceux qui cherchent à rendre autonomes les groupes défavorisés et à apporter des changements sociaux utilisent habituellement les cercles comme outils de mobilisation de la collectivité. Les ONG et les organisateurs communautaires encouragent le développement de cercles d’étude comme moyen d’aider les groupes à trouver des solutions novatrices pour régler les problèmes liés au racisme, au système éducatif et aux soins de santé qui touchent l’ensemble de la collectivité. Les travaux effectués sur des groupes d’entraide comme le Groupe Saranayalaya montrent comment ces cercles ont surmonté les contraintes auxquelles font face les femmes lorsqu’il s’agit de répondre à des enjeux sociaux dans leur collectivité, par exemple ouvrir une école, aider un membre de la collectivité dans le besoin, assurer la formation en matière de soins de santé ou fermer un point de vente de boissons alcoolisées dans la région.

Dynamiques psychologiques et collectives

Que se passe-t-il à l’intérieur d’un cercle qui aide des femmes comme Krishnaveni à changer ou tout un groupe de femmes comme le Groupe Saranayalaya à agir dans leur collectivité ? Des études psychosociales sur l’éducation des adultes et la dynamique des groupes révèlent deux grands mécanismes qui mènent à un plus grand bien-être, à l’épanouissement et à l’autonomie des personnes comme des groupes. Premièrement, les cercles créent les conditions grâce auxquelles la motivation intrinsèque s’épanouit, et ils offrent le soutien nécessaire au changement ; deuxièmement, ils génèrent une capacité d’action collective.

Deux psychologues cognitivistes de la University of Rochester, Edward Deci et Richard Ryan, soutiennent depuis longtemps que chaque individu a le potentiel de développer son autodétermination et que la motivation intrinsèque, plutôt qu’extrinsèque, est un élément clé de ce processus. Les personnes sont plus susceptibles d’être intrinsèquement motivées à apprendre et à changer lorsqu’elles se trouvent dans un environnement qui répond à trois besoins universels et fondamentaux de l’être humain : le rapprochement (être reliées à d’autres personnes et s’occuper d’autres personnes), l’autonomie (action volontaire et motivée qui tend vers un résultat souhaité avec un sentiment d’efficacité) et la compétence (être efficace dans la gestion de son environnement). Les processus des cercles contribuent à répondre à chacun de ces besoins, et ce faisant, favorisent tant la motivation que la capacité d’apprendre et de changer.

C’est pourquoi la conception fondamentale du cercle est si importante. Le rassemblement de personnes se tenant debout ou assises les unes près des autres et se traitant sur un pied d’égalité répond aux besoins universels de rapprochement et d’interdépendance. Par ailleurs, l’accent que met le cercle sur un dialogue normal, respectueux et orienté vers les pairs améliore et renforce les relations de confiance entre les membres. Le développement d’interactions sociales solides et de liens intimes aide à soutenir la motivation d’une personne dans un cercle, ce qui assure l’épanouissement et le développement continus. En particulier, la nature très relationnelle des interactions au sein d’un cercle explique l’efficacité des cercles féminins.

Les études féministes sur l’éducation aux adultes montrent que l’interdépendance et les relations sont essentielles à l’apprentissage des femmes. Les méthodes qui élargissent le champ de conscience, qui encouragent la liberté d’expression et qui améliorent l’estime de soi facilitent la transformation personnelle d’une femme pour changer sa vie. Selon Elizabeth J. Tisdell, professeure en sciences de l’éducation à la Pennsylvania State University, les femmes apprennent mieux lorsque leur apprentissage est lié à celui d’autres femmes, soit lorsqu’elles ont l’occasion de comprendre les perspectives d’autres femmes et de tirer profit de leurs idées mutuelles, plutôt que de se faire uniquement dire quoi faire.

La dynamique relationnelle des cercles transcende tant le sexe que la culture. En Égypte, Sekem, une organisation complexe composée de fermes biodynamiques, de sociétés de commerce de produits alimentaires, d’un centre médical et d’écoles, utilise régulièrement des cercles dans lesquels des employés, tant des hommes que des femmes, discutent de ce qui s’est produit la veille ou la semaine précédente et de ce qu’ils projettent de faire le jour même ou la semaine suivante. En transformant la réalité économique, sociale et culturelle des gens qui vivent dans des collectivités voisines, Sekem a pour objectif ultime de changer la société égyptienne de façon à ce qu’elle soit plus viable, plus égalitaire et plus juste. Sekem utilise les cercles comme un outil de socialisation subtil, mais puissant, pour favoriser de nouvelles normes et croyances en matière de ponctualité, de planification et d’égalité.

Ibrahim Abouleish, le fondateur de Sekem, explique la dynamique relationnelle générée par les employés qui sont debout côte à côte et se tiennent par la main, quel que soit leur sexe ou leur poste, et comment cette dynamique engendre un plus grand respect de l’autre et un sens des responsabilités accru. « Le cercle est une forme très sociale, affirme Ibrahim Abouleish. Nous formons un cercle et les personnes peuvent se voir les unes les autres. Toutefois, l’égalité et l’égalité des chances sont des principes qui font défaut depuis longtemps dans notre culture. Tous ne jouissent pas ici de chances égales — filles et garçons, femmes et hommes. Les employés de tous les niveaux hiérarchiques se tiennent debout en cercle afin d’avoir le sentiment d’être tous égaux. L’égalité est extrêmement importante pour tout le monde afin que chacun puisse ressentir sa dignité humaine. En Égypte, je vois des gens qui se rendent au bureau et dans les entreprises sans avoir éprouvé ce sentiment de dignité. »

Dans un cercle, l’intervention d’un individu engendre un fort sentiment d’attachement, en plus de favoriser l’autonomie et le sens de l’initiative, un deuxième facteur qui mène à la motivation intrinsèque nécessaire pour s’épanouir et pour changer à long terme. L’adhésion à un cercle est volontaire. Bien qu’une dynamique relationnelle puisse pousser une personne à sentir une obligation sociale tacite à participer, aucune autre force ne lui dicte de se joindre à un cercle ni ne lui présente des incitations externes à le faire, à parler au sein du Cercle, à s’engager dans une nouvelle action ou à adopter un nouveau comportement. Les psychologues savent depuis longtemps que les décisions et les engagements volontaires sont un moyen beaucoup plus puissant pour changer un comportement que ceux qui sont imposés par des tiers. De plus, il est beaucoup plus facile d’apprendre de ses pairs ce qu’on doit faire, ce qu’on doit penser, ou quelle est la solution plutôt que de se le faire dire par un « expert ». Essentiellement, les cercles utilisent l’autonomie d’une façon qui permet aux membres d’apprendre comment agir de manière pertinente et significative pour eux sur le plan culturel.

Participer à un cercle favorise également la motivation à apprendre et à changer, en alimentant le besoin universel de compétences. Dans les cercles, les membres partagent un but commun et travaillent ensemble pour l’atteindre. Par exemple, les groupes d’entraide axés sur le microfinancement prévoient presque toujours de la formation pour aider les femmes à maîtriser les rudiments pratiques et théoriques des affaires, notamment apprendre à signer leur nom, à évaluer des idées d’affaires et à acquérir les notions d’épargne, d’intérêt et de crédit. Pendant qu’elles discutent de leur travail ensemble, les membres parlent de problèmes, et avec le temps, leurs efforts portent leurs fruits.

Exploiter la puissance des cercles

L’un des plus importants points à considérer lorsqu’on crée un cercle est la composition de ses membres. Bien que la décision d’adhérer soit volontaire, l’invitation à se joindre au cercle est déterminée par la personne ou l’entité qui le lance. Combinée au contexte culturel, la composition d’un groupe donne forme aux interactions probables entre les membres et influe par conséquent sur l’implantation des éléments de structure complémentaires requis pour créer des interactions saines au sein du cercle. En règle générale, il est plus difficile de favoriser des comportements au sein des cercles dans les contextes culturels caractérisés par la hiérarchie et l’autoritarisme, qui se manifestent par des relations inégales entre les sexes, des distinctions rigides entre les castes et des statuts socio-économiques bien définis. En raison de ce genre de dynamiques, de nombreuses ONG insistent fortement sur la création de groupes d’entraide formés de femmes seulement, de membres d’une seule caste ou de revenu égal en Asie du Sud-Est et ailleurs. Même quand on tient compte de certains de ces facteurs, il existe toujours un risque que les cercles servent les intérêts d’une élite lorsqu’un membre, souvent un chef de groupe, est en mesure de dominer le regroupement.

Le contexte culturel et institutionnel et les objectifs souhaités sont également des facteurs importants dont il faut tenir compte lors de la création d’un cercle. Certaines pratiques optimisent le degré de participation égalitaire, le partage du leadership et les processus et objectifs déterminés par le groupe, tandis que d’autres intègrent plus de caractéristiques de type triangulaire. Par exemple, la participation aux cercles Sekem est volontaire, mais les objectifs et les processus sont déterminés par la direction, et la personne ayant le plus d’ancienneté dirige chaque discussion du cercle. Dans ce cas précis, l’intégration de caractéristiques typiques au triangle convient, compte tenu des objectifs des cercles Sekem et de leur utilisation plus subtile comme outil de socialisation pour encourager une plus grande responsabilité personnelle, la ponctualité et le respect des autres au travail.

On doit également porter attention au processus et à la dynamique de groupe qui apparaissent durant la création et le développement du cercle. Les dynamiques triangulaires sont omniprésentes dans les interactions humaines, de sorte que les rôles des organisateurs et des facilitateurs des cercles doivent être suivis attentivement. Les facilitateurs de cercle doivent être pleinement conscients de la facilité avec laquelle les comportements triangulaires peuvent s’y glisser. La relation aidant-exécutant est ancrée dans la logique du triangle. Elle implique que les aidants possèdent plus de connaissances et de compétences que les exécutants ou qu’ils leur sont supérieurs pour une raison ou pour une autre. Étant donné leur rôle d’aidants, les facilitateurs risquent vraisemblablement de devenir des spécialistes ou des sources d’information nécessaires. Dans un tel cas, les connaissances et les compétences requises pour diriger et appuyer le cercle sont externalisées, et les membres du cercle n’acquièrent jamais les compétences ou les capacités nécessaires pour résoudre les problèmes par eux-mêmes.

L’étude de l’agent Ajit Kanitkar du programme de la Ford Foundation portant sur les groupes d’entraide en Inde fournit un bon exemple de la tendance des facilitateurs à devenir des experts et de l’importance de la formation pour surmonter cette tendance. Dans le cadre d’une projet-pilote lancé pour augmenter la vitesse et la fréquence de création de groupes d’entraide, l’ONG Pradan a choisi huit « promoteurs », des membres locaux de la collectivité qui avaient un ou deux ans d’expérience dans des groupes d’entraide et qui obtenaient de bons résultats. Les promoteurs, que l’on considérait comme ayant une connaissance de la dynamique de groupe et qui possédaient de bonnes aptitudes en communication et en organisation, ont reçu une journée de formation. Toutefois, ils ont eu de la difficulté à se défaire des comportements caractéristiques de la structure triangulaire, ce qui a eu des effets néfastes sur les cercles. Par exemple, les promoteurs corrigeaient eux-mêmes une erreur comptable plutôt que de l’expliquer à la comptable du groupe et de lui faire faire la correction. Pradan a fini par annuler le programme après avoir conclu à la nécessité de formation et de suivi additionnels.

Comme le montrent ces exemples, la connaissance et les comportements explicites et tacites nécessaires pour assurer le bon fonctionnement d’un cercle ne s’acquièrent pas nécessairement rapidement. Il faut du temps et du dévouement pour créer des interventions efficaces dans un cercle, surtout chez des populations qui ont peu de ressources personnelles pour les soutenir. Bien qu’ils soient difficiles à structurer et à mettre sur pied, les cercles demeurent une intervention sociale prometteuse pour apporter des changements personnels et sociaux.

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