L'investissement de Claude Robitaille

Publié le 17/10/2008 à 13:52

L'investissement de Claude Robitaille

Publié le 17/10/2008 à 13:52

Par lesaffaires.com

Bien malgré lui, Claude Robitaille semble trouver l'occasion d'affaires qu'il cherche au moment où l'odeur du scandale plane. Après avoir acheté le réseau Tandem à rabais en 2005, à la suite de l'éclatement du scandale Norbourg, le PDG du Groupe Promutuel, une importante société d'assurance, frappe encore en janvier 2008 en faisant main basse sur Gestion de capital Triglobal. Le prix n'a pas été formellement dévoilé, mais le montant de trois millions de dollars a circulé dans les médias.


Au premier coup d'oeil, cette transaction se borne à grossir la division des fonds communs de Promutuel. La société de Québec, qui gérait un actif de 700 millions de dollars avec 175 représentants en épargne collective, fait grimper ces chiffres de 175 représentants et d'un milliard de dollars.

Mais Triglobal, c'est aussi une firme montréalaise de services financiers devenue insolvable. Ses dirigeants, Themis Papadopoulos et Mario Bright, ont fait l'objet d'enquêtes. En décembre, la firme Raymond Chabot Grant Thornton est nommée administrateur provisoire. Des interdictions frappent des fonds illégaux placés dans des paradis fiscaux, comme Ivest Fund (Bahamas) et Focus Management (Îles Caïmans). Selon l'Autorité des marchés financiers (AMF), "plusieurs millions de dollars" sont en jeu. Sans oublier les poursuites judiciaires entamées.

Qu'à cela ne tienne : Claude Robitaille voit du potentiel dans les activités canadiennes de Triglobal. Cette acquisition est une répétition de l'expérience Tandem, qui lui a permis de devenir plus qu'un simple assureur offrant des services d'épargne et de crédit. "Notre plan stratégique 2005-2007 incluait le volet de l'assurance générale, explique le dirigeant. Mais nous aspirions aussi à devenir un acteur de choix dans le secteur des services financiers. Nous voulions développer une offre globale. En 2005, Tandem est devenue disponible. C'était une transaction risquée, c'est vrai. Naturellement, nous avons travaillé d'arrache-pied à la vérification diligente et au transfert, tout en nous croisant les doigts.

"Pour la réflexion stratégique 2008-10, enchaîne le PDG, nous voulions aller plus loin. Cette fois, il est question de dépasser le seuil du milliard de dollars en épargne collective et d'être vraiment reconnus dans le secteur. Notre plan de match pour y parvenir s'échelonne sur plusieurs années."

Toutefois, l'occasion Triglobal se présente. Les tractations pour l'achat de cette firme de services financiers étaient déjà amorcées avant que l'AMF n'obtienne des blocages sur les fonds illégaux. Du coup, la transaction devient plus complexe. Toutefois, elle est autorisée en janvier dernier. "Dans le cas de Tandem comme dans celui de Triglobal, la situation n'était pas des plus faciles, reconnaît maintenant Claude Robitaille. Grâce à notre équipe, nous avons réussi à la maîtriser."

Une offre intégrée en services financiers fait partie de la réalité des assureurs, comme le montre l'exemple d'Industrielle Alliance, qui a acheté Clarington.

"La tendance est à la fidélisation de la clientèle, indique le PDG de Groupe Promutuel. Lorsqu'on parvient à convaincre un client de souscrire à plusieurs produits et qu'il y a une augmentation de quelques dollars en assurance générale, il se dit : "J'ai un REER, un prêt et de l'épargne chez Promutuel. Dans l'ensemble, je suis déjà bien servi et je leur fais confiance.""

En somme, Claude Robitaille utilise une formule très employée par Vidéotron et Bell dans les télécoms. "Nous ne réinventons pas la roue, admet-il. J'ai travaillé 12 ans chez CAA-Québec. Quand tout le monde s'est lancé dans l'assurance routière, nous nous sommes efforcés de diversifier notre offre, et CAA est en croissance depuis longtemps."

Le premier défi de ce dirigeant originaire de Québec est l'intégration des représentants de Triglobal au sein de son réseau. Claude Robitaille estime qu'étant donné le scandale qui a éclaboussé cette entreprise, il doit agir vite. "Dès la semaine prochaine, nous rencontrons l'ensemble des représentants du réseau, tant à Québec qu'à Montréal. Déjà, des lettres ont été envoyées aux clients qui avaient des liens avec les représentants. Nous cherchons la transparence, dans la mesure du possible. Nous leur expliquerons les avantages qu'il y a à rester avec nous."

Le grand patron de Promutuel ne se met pas la tête dans le sable : Triglobal a un problème d'image. "C'est bien moins grave qu'avec Tandem, dont la situation était plus nébuleuse, précise-t-il. Presque tous les représentants de Tandem avaient des clients qui détenaient des fonds scrutés à la loupe. La clientèle de Triglobal [qui a acheté les fonds illégaux], quant à elle, est restreinte à ceux dont tous les avoirs avaient été confiés aux dirigeants qui ont fait les manchettes. Environ 98 % des clients de Triglobal n'en ont pas acheté."

N'y a-t-il pas des craintes irrationnelles liées aux entreprises impliquées dans des scandales financiers ? "Absolument, répond le PDG. Mais prenons l'exemple de Tandem. Après avoir conclu la transaction et laissé partir des représentants, nous n'en avons perdu qu'un ou deux par la suite. Et les représentants, eux, ont perdu très peu de clients. Certains se sont retirés des fonds communs par inquiétude. Ils ont préféré investir leurs avoirs dans des valeurs plus sûres." La société a donc enregistré une baisse d'actif pendant six ou sept mois, et il a fallu environ quinze mois pour que le niveau de l'actif sous gestion se rétablisse. "Nous avions 25 000 clients, et la plupart sont revenus vers les fonds communs après ce recul défensif."

Ce recul entraîne habituellement une baisse de revenus pour l'entreprise. "C'est une réalité qui fait partie des risques courus, répond Claude Robitaille. Quand nous réalisons une acquisition, nous ne nous attendons pas à ce qu'elle soit rentable en douze mois. Nous planifions sur une longue période."

Si l'intégration se déroule bien, le dirigeant y voit d'autres avantages, comme la possibilité de gagner des clients dans le domaine de l'assurance. "Presque tous les représentants qui se joindront à nous - de 75 à 80 % - détiennent un double permis pour l'épargne collective et l'assurance vie. Nous en sommes déjà à cette deuxième étape avec Tandem. Nous avons réussi à recruter des membres en assurance générale parmi ceux qui possédaient seulement des fonds communs."

L'achat de Triglobal était-il un geste défensif après la perte de Promutuel Dorchester et de Promutuel Lévis-Orléans ? "Il n'y a aucun lien direct ou indirect, affirme Claude Robitaille. Dans une famille, il arrive que certains membres décident de partir. Cela ne nous perturbe pas. Notre plan est établi et nous avons une vision. Lors d'un congrès, il y a deux ans, nous avons dit que nous évoluons plus vite seul mais qu'ensemble, nous irons plus loin."

Qu'en pense Daniel Paillé, professeur de gestion de la finance à HEC Montréal ? Celui qui compte les fusions et les acquisitions parmi ses spécialités insiste sur les risques liés à l'intégration. "Les actifs achetés sont surtout des représentants, des portefeuilles et des listes de clients, souligne le professeur. Ce sont principalement des actifs humains. Dans ces circonstances, vous n'êtes jamais certain de garder ce que vous achetez. Seront-ils encore là demain matin ? Ce facteur intangible rend le dossier plus délicat."

La vérification diligente effectuée par Promutuel s'est avérée une étape cruciale pour la réussite de son acquisition, ajoute Daniel Paillé. "C'est une étape que trop d'entreprises escamotent et effectuent avec bien peu de profondeur. À qui appartient la clientèle ? Par exemple, quand les représentants changent de bureau, quels droits ont-ils sur leurs clients ? Il y a moyen de faire des vérifications et de demander des garanties au vendeur."

La crédibilité des représentants "achetés" par Promutuel n'est pas un problème, selon lui. "Quand les scandales Enron et WorldCom ont éclaté, cela a entraîné la chute du cabinet Arthur Andersen. Cette firme était composée de personnes. Celles-ci ont trouvé des emplois ailleurs, car des gens honnêtes travaillaient chez Andersen. Il faut suivre à la trace ceux qui ont commis les fraudes, mais pas les autres. C'est là une partie importante de la vérification diligente."

Quoi qu'il en soit, le verdict sur l'achat de Triglobal ne sera pas rendu de si tôt, soutient Daniel Paillé. "Il faudra attendre au moins deux ou trois ans. C'est comme une mine. Vous ne connaissez pleinement sa valeur et ses réserves que lorsqu'elle est épuisée."

Cet article a été publié dans la revue Commerce en mars 2008.

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