ebay : la culture du risque

Publié le 17/05/2011 à 15:23, mis à jour le 17/05/2011 à 15:24

ebay : la culture du risque

Publié le 17/05/2011 à 15:23, mis à jour le 17/05/2011 à 15:24

Par Premium

John Donahoe avait un immense défi à relever quand, en 2008, il a succédé à Meg Whitman, la PDG hautement respectée d’eBay. Aujourd’hui, il aborde franchement tant le déclin des principales sources de revenus de l’entreprise que les risques et l’exaltation liés à la culture de l’expérimentation.

Une entrevue réalisée par Adi Ignatius, Havard Business Review

Comment faites-vous pour éviter le ralentissement de croissance qui accompagne généralement la maturité d’une entreprise ?

C’est vrai, nous avons 15 ans, mais chaque tranche de 5 ans de l’existence d’Internet a donné lieu à des changements profonds, tant dans

les forces en présence qu’au sein des organisations qui les façonnent. Parions qu’il y aura encore plus de changements dans les 5 prochaines années qu’au cours des 10 dernières. Nous sommes d’ailleurs déterminés à tirer profit du changement très dynamique qu’on remarque dans le comportement du consommateur.###

Dans cette perspective, comment arrivez-vous à cultiver et à entretenir une certaine capacité à prendre des risques, à mesure que l’entreprise grandit ?

En n’ayant pas peur d’aborder la question. Vous savez, nous devons être fiers de nos échecs, de ces occasions où nous avons pris de grands risques sans que les choses fonctionnent à notre goût, et des ajustements que nous avons su apporter chaque fois. En 2010, nous avons amorcé le plus important changement de notre histoire, en matière de prix, pour faire en sorte que notre plateforme de vente connaisse un parfait équilibre entre les ventes à prix fixe et les enchères. Après six à huit semaines, je savais que quelque chose n’allait pas. Il y avait une sorte de dynamique de deuxième ordre dans notre plateforme, qui en diminuait la valeur. Au cours de l’été, nous avons creusé en profondeur pour vraiment comprendre la nature du problème. C’était une de ces situations où vous avez le choix : soit vous décidez de foncer ou vous ne faites rien. Nous avons cerné les problèmes, apporté des ajustements, et les résultats ont commencé à se faire sentir au quatrième trimestre. Ça en dit long sur ce que sont devenues les affaires de nos jours  — Prêts ? Tirez ! Puis… visez. C’est la seule façon de rester concurrentiels sur le Web aujourd’hui, car tout va tellement vite !

Pourtant, d’une certaine façon, eBay offre les mêmes services, et elle est presque devenue un marchand traditionnel. Avez-vous l’impression de rater des occasions d’innover ?

En fait, non. Une des plus puissantes transformations actuelles de notre exploitation, c’est le téléphone intelligent. Nous avons lancé notre application pour iPhone en 2009. Elle a généré un volume de ventes qui a dépassé les 600 millions de dollars américains, puis qui s’est situé entre 1,5 et 2 milliards de dollars en 2010. Et puis, plus de 14 millions de personnes ont téléchargé l’application d’eBay pour iPhone — c’est de loin l’application pour commerce mobile la plus répandue dans le monde. On le sait, la mobilité donne accès au Web en tout temps, quand vous en avez besoin, où que vous soyez. Nous en savons plus sur la façon dont les consommateurs magasinent : disons qu’ils font la file dans un café Starbucks ; ils en profitent pour utiliser leur téléphone afin de naviguer sur eBay. Ils voient quelque chose qui leur plaît et l’achètent sur-le-champ.

La mobilité semble aussi abolir les frontières entre les services en ligne et hors ligne…

Nous avons acheté une petite entreprise de mobilité appelée RedLaser. Imaginez : à l’aide de votre téléphone intelligent, vous repérez un produit, vous numérisez son code-barres, et vous savez à quel prix le même article se vend sur eBay, Walmart.com ou BestBuy.com, partout sur le Web. Vous pouvez immédiatement comparer les prix ou obtenir des renseignements supplémentaires. De plus, nous venons tout juste d’acheter une entreprise appelée Milo, qui met en ligne ce que les boutiques locales ont en stock. Nous avons intégré cette fonction à RedLaser, ce qui fait que, si vous êtes à Boston et que vous désirez acheter une paire de chaussures Nike, vous n’avez qu’à entrer dans la boutique de chaussures la plus proche, à numériser le code-barres du modèle qui vous plaît, et vous verrez le prix qu’en demandent tous les autres marchands à plus de 15 km à la ronde.

Tout le monde affirme vouloir joindre le client là où il se trouve, mais, à un certain moment, il faut prendre des risques. Les tablettes comme le iPad sont-elles l’avenir de vos activités commerciales ?

Ce que nous découvrons, c’est que les consommateurs utilisent de nombreux appareils — le iPhone, le iPad, un portable et, dans certains cas, un ordinateur de bureau, à domicile, doté d’un grand écran. Une sous-catégorie de notre volume d’affaires attribuable aux technologies mobiles provient d’individus qui ont fait des recherches sur leur portable ou leur ordinateur maison. Ils ont trouvé un article qu’ils ont placé dans leur panier, à un endroit où ils peuvent le garder à la vue, puis ils l’ont acheté le lendemain à l’aide de leur iPhone. Les utilisateurs d’appareils mobiles sont quatre fois plus fidèles que les non-utilisateurs, mais pas juste avec leur appareil mobile. D’ici un an à peine, vous pourrez rentrer chez vous en utilisant votre iPhone, et votre connexion se transférera automatiquement à votre portable ou à votre téléviseur — qui ne sont que d’autres appareils permettant de vous connecter à Internet. En d’autres mots, le réseau Internet sera encore plus présent dans nos vies, mais il se pliera à nos exigences.

Tentez-vous de créer une plus grande plateforme d’innovation, à laquelle certaines des nouvelles entreprises d’achat social en ligne pourraient se joindre, pour contribuer à son développement ?

Tout à fait. La plateforme eBay compte déjà plus de 119 000 développeurs, et 25 % des produits qui figurent sur notre site proviennent d’applications externes conçues par des développeurs. L’an dernier, PayPal est devenu le premier système de paiement de toute l’histoire à ouvrir sa plateforme. Par cette stratégie, des joueurs comme PayPal et eBay ne sont plus tenus de signer toutes les innovations : nous permettons à d’autres de faire leur part.

Vous avez créé Garden, une pépinière d’idées pour eBay, afin de tenter quelques expériences… Ça se passe comment ?

Avec Garden, nous permettons à nos ingénieurs d’obtenir de véritables commentaires des clients sur nos innovations. À titre d’exemple, si vous cherchez un iPad ou un iPhone, vous pouvez voir des ventes aux enchères et d’autres à prix fixe dans une présentation parallèle, et prendre une décision instantanée : est-ce que je veux participer aux enchères ? Nous avons testé cette fonctionnalité auprès de la clientèle, puis nous avons raffiné l’outil. Ça résume deux thèmes principaux de mon mandat comme PDG : mettre davantage l’accent sur les clients, et aussi sur l’innovation.

Bref, quel est votre principal défi : l’exécution ou l’innovation ?

Je dirais que c’est l’intersection des deux. Nous devons continuer à innover, mais il nous faut aussi mettre en œuvre nos idées à l’échelle de l’entreprise, et notre défi consiste à doser le rythme des changements aux yeux des consommateurs. Généralement, nos utilisateurs actuels n’aiment pas, de prime abord, les changements que nous apportons, parce qu’ils sont habitués à un mode de fonctionnement ; les nouveaux utilisateurs, eux, les aiment bien.

Vous dirigez eBay depuis trois ans, mais certains considèrent encore votre prédécesseur, Meg Whitman, comme le vrai visage de l’entreprise. Quels sont les bons et les mauvais côtés lorsqu’on succède à une si grosse pointure ?

Meg a contribué à bâtir eBay et elle a accompli un travail phénoménal pour nous mener là où nous sommes. Je reprends le flambeau pour poursuivre tout ce qu’elle a créé. Mais mon travail n’est pas de l’imiter. D’ailleurs, je n’arriverais jamais à lui ressembler...

Qu’ambitionnez-vous de devenir alors ?

Mon travail, c’est de prendre les commandes de cette formidable entreprise, avec les valeurs que lui a inculquées son fondateur, Pierre Omidyar — valeurs que Meg et tous les employés de la première génération ont adoptées —, et de m’assurer que nous sommes en bonne posture pour réussir dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Les changements de comportement des consommateurs sont considérables, mais nous misons sur l’excellence de nos valeurs et sur la solidité de notre entreprise.

Vous avez longuement réfléchi à la rémunération de la haute direction. Vous gagnez environ 10 millions de dollars par année. Entre nous, les valez-vous ?

[Rires] J’ai réalisé beaucoup de choses en consultant notamment des études sur la rémunération dans les sociétés publiques. Cela dit, mon mandat consiste à créer de la valeur pour nos clients, et, au final, ça en créera pour l’entreprise. Ma rémunération est étroitement liée au rendement de nos actions. Bref, si je crée de la valeur à long terme, je serai bien récompensé.

En termes de création de valeur, justement, où voyez-vous la croissance à venir de votre entreprise ?

Le commerce mobile en est encore à ses premiers balbutiements. À l’heure actuelle, il représente à peine 5 % du commerce de détail hors ligne. Ça grimpera facilement à 10 %, à 15 %, voire à 20 %. Notre marché connaîtra une très forte croissance, et des services comme eBay et PayPal en sortiront gagnants. Je crois que PayPal deviendra encore plus important qu’eBay à un certain moment, parce qu’il dessert l’ensemble du commerce mobile.

Les médias sociaux prennent beaucoup d’expansion, et une société comme la vôtre doit garder le rythme. Comment vous y prenez-vous ?

À plusieurs égards, eBay a été le premier réseau social. Il s’agit d’une expérience de magasinage en communauté qui nécessite un fort niveau d’engagement, et nous avons essayé plusieurs formules. Par exemple, nous avons lancé un produit permettant d’offrir des cadeaux de groupe pour les fêtes : il s’agissait de trouver un cadeau pour un ami, d’inviter votre réseau d’amis Facebook à vous aider à payer ce cadeau, puis d’utiliser PayPal pour faciliter le tout. C’est le genre de choses qui se passent dans l’univers de Facebook ; jumelez ça à ce qui se passe dans le monde du commerce, et vous vous retrouverez rapidement devant un grand nombre d’innovations et d’expériences. Notre travail, c’est de multiplier ces tentatives et de retenir celles auxquelles les clients réagissent le mieux. C’est ce qui rend Internet si fascinant !

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