Le lab: De la persévérance, de la persévérance, et encore de la persévérance


Édition du 29 Mars 2014

Le lab: De la persévérance, de la persévérance, et encore de la persévérance


Édition du 29 Mars 2014

Par Olivier Schmouker

On parle souvent d'un coup de génie comme d'un coup de foudre, à savoir une chose extraordinaire qui nous tombe dessus sans prévenir et qui nous fait pousser un immense «wow !» ou «eurêka !». Ça, c'est l'image d'Épinal. Mais correspond-elle à la réalité ?

Voilà ce que je me suis longtemps demandé, jusqu'à ma rencontre avec Maciek Wilkos, 30 ans, dirigeant de Wilkos Électrique, une firme montréalaise spécialisée dans la fabrication et le design de lampes sur mesure. Celui-ci m'a fait saisir que ne poussent un véritable cri de joie à la suite d'une invention que ceux qui ont su s'acharner pour y parvenir.

En 2009, Maciek Wilkos a emménagé dans un loft du Vieux-Port aux plafonds prodigieusement hauts. «C'était beau, mais pas terrible pour l'éclairage», m'a raconté celui qui était, à l'époque, photographe de mode. Ni une ni deux, il a parcouru les marchés aux puces à la recherche de pièces de lampes antiques, histoire de se confectionner lui-même des luminaires sinon introuvables ou hors de prix. Satisfait du résultat, il s'est pris au jeu et en a fabriqué d'autres pour les vendre sur eBay. «Tout est parti en un clin d'oeil», m'a-t-il dit.

L'idée lui est venue de se lancer dans une vraie production de lampes d'allure antique. Il a donc créé Wilkos Électrique en 2010, en se disant qu'il y avait sûrement un marché à prendre. Mais il s'est vite rendu compte que ses achats de pièces dans les marchés aux puces ne suffiraient jamais à établir une production suffisante de lampes. Il lui fallait trouver un plan B.

Lequel ? «Le mieux était de fabriquer moi-même des copies de lampes anciennes à partir de pièces contemporaines, en trouvant le moyen de leur donner un aspect antique. Mais attention, des copies si parfaites que seul un examen minutieux permettrait de voir la différence», m'a-t-il expliqué. Et c'est là que Maciek Wilkos, en fier électricien autodidacte, a fait preuve d'une persévérance renversante...

Il a commencé par fouiner dans les dossiers des bureaux d'enregistrement de brevets scientifiques, en quête de plans de lampes datant du début du 20e siècle. Un travail de moine qui lui a pris un temps fou. «Je dispose maintenant d'une centaine de plans, qui me permettent de faire à l'identique des lampes des années 1900», dit-il.

Puis, il a cherché comment donner une patine ancienne à chacune des pièces des lampes, sans pour autant les détériorer. «Des produits existent d'ores et déjà pour ça, mais ils sont vendus à des prix exorbitants. Il me fallait trouver ma propre solution», m'a-t-il expliqué.

Maciek Wilkos s'est mis à faire des tests. Beaucoup de tests. Des milliers de tests. Et ce, pendant une année et demie ! «Un jour, j'ai mis des bouts de métal dans un sac-poubelle et je l'ai rempli d'ammoniac. Quelques jours après, j'ai rouvert le sac et j'ai failli m'évanouir. J'aurais pu en mourir, semble-t-il. Depuis, je porte un masque en permanence», m'a-t-il raconté, livide au simple souvenir de cette terrible expérience.

Poursuivre un rêve tenace

Aujourd'hui, il est en mesure de faire des prouesses. Il est capable, par exemple, de donner n'importe quelle teinte au laiton - caramel, bleu, rose, etc. Et ce, à un coût ridiculement bas : «Le gallon du produit que j'utilise me coûte un dollar, soit 300 fois moins que le prix où il est vendu sur le marché», souligne-t-il.

De la même façon, il sait faire rouiller n'importe quel métal. «En vérité, ce n'est pas le métal que je fais rouiller, mais la peinture. Je mets quatre couches de peinture sur une pièce, puis je mets du produit dessus pour la faire rouiller. Dès que j'enlève le produit, ça arrête de rouiller, si bien que la lampe restera telle quelle à jamais, sans risque de détérioration ultérieure», m'a-t-il confié, sourire en coin, toujours aussi heureux d'avoir fait cette trouvaille. Et de résumer : «Ce qui prend six ans à rouiller, je le fais en six heures».

L'air de rien, les lampes antiques sont devenues sa passion, pour ne pas dire son obsession. Il lui est notamment arrivé de rêver d'un pivot permettant d'orienter deux tiges de métal dans n'importe quel sens, comme il y en a pour les énormes projecteurs utilisés en photographie, mais introuvables en tout petit format.

Un rêve tenace, puisqu'il s'est mis à chercher ce pivot-là des mois durant, en vain. Un rêve si vivace même qu'il avait songé, un temps, à en faire fabriquer en Chine. Et tout récemment - ô miracle ! -, il est tombé sur le site Web d'un fabricant américain de lampes articulées, O.C. White, qui s'est remis à produire les pivots des débuts de son histoire, laquelle a démarré à la fin du 19e siècle. «La chance finit toujours par sourire à ceux qui y croient vraiment», m'a-t-il glissé.

Mais s'agit-il vraiment de chance ? Pour innover, Maciek Wilkos use toujours de la même vertu : la persévérance. Non pas l'entêtement, comme lorsqu'on agit de manière butée et irréfléchie, mais bel et bien la persévérance, en faisant preuve d'ouverture d'esprit. «Il m'arrive de flâner deux ou trois heures dans une quincaillerie, rien que pour pêcher ici et là des idées qui ne me viendraient jamais à l'esprit. Quand j'en trouve ainsi deux ou trois, je m'amuse à les combiner, surtout si cela paraît a priori incongru. Et de cette association naît souvent quelque chose d'intéressant», m'a-t-il expliqué.

Un exemple concret : il a ainsi trouvé aux abords d'une grande surface des meules de fromage en plastique, qui servent de décoration dans les rayons de la fromagerie. Cela lui a donné l'idée de les recycler en abat-jour. «Mais j'ai abandonnée cette idée peu après, quand j'ai constaté que quelqu'un d'autre la commercialisait déjà», m'a-t-il dit. Et d'ajouter : «Ce n'est pas grave. Je sais que d'autres idées géniales me viendront, qu'il y en a encore plein d'autres qui m'attendent dans les années à venir».

Un optimisme partagé par le nombre grandissant de ses clients, plus prestigieux les uns que les autres. Figurent en effet parmi ceux-ci de nombreux restaurants en vogue, à l'image du tout nouveau Vin Papillon, à côté du marché Atwater, qui donne l'impression de se retrouver dans le Montmartre d'après-guerre. Ou encore des boutiques tendance à New York, comme celle qui sert au designer Kenneth Cole pour organiser ses cocktails VIP. «Je reçois de plus en plus d'appels de New York. C'est devenu viral : les gens prennent des photos de mes lampes et les échangent avec leurs amis par Instagram. Ça devient fou», m'a-t-il dit.

Qui entend innover furieusement se doit de faire preuve de persévérance. Non pas d'entêtement, mais bel et bien de persévérance, y compris d'ouverture d'esprit.

Présenté par C2ML

olivier.schmouker@tc.tc

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