Cinq mythes déboulonnés à propos des milléniaux


Édition du 10 Septembre 2016

Cinq mythes déboulonnés à propos des milléniaux


Édition du 10 Septembre 2016

Par Olivier Schmouker

[Photo : Martin Flamand]

Infidèles à leurs employeurs, irrévérencieux à l'égard de leurs gestionnaires, davantage passionnés par leur cellulaire que par leur travail... Les clichés abondent à propos des 18-34 ans, ceux qu'on appelle aujourd'hui les personnes de la génération Y, ou milléniaux, puisque nés en fin de millénaire. Sont-ils fondés ou pas ? Un sondage exlusif Léger-Alia Conseil-Les Affaires permet - enfin ! - d'y voir clair concernant la relève et de déboulonner par la même occasion plusieurs mythes à son sujet.

1. Non, les milléniaux ne sont pas infidèles

Lorsqu'on leur pose directement la question, les milléniaux salariés sont catégoriques : 88 % d'entre eux ne se considèrent pas comme infidèles à leur employeur actuel. C'est-à-dire qu'ils ne font pas semblant de travailler pour lui, histoire de se laisser le temps de trouver mieux ailleurs.

Pourtant, dans un même souffle, la moitié d'entre eux reconnaissent envisager «sérieusement» de changer d'emploi au cours des cinq prochaines années. Ce qui est surtout vrai pour les Y oeuvrant sur l'île de Montréal, dans Chaudière-Appalaches, en Outaouais et en Estrie.

Paradoxal, n'est-ce pas ? Pas tant que ça, en fait.

«La fidélité envers un employeur découle directement de l'engagement de celui-ci, explique Catherine Privé, pdg d'Alia Conseil. Or, pour qu'un employé se sente engagé dans son travail, il lui faut réussir à nouer un attachement par la tête et par le coeur. Là où le bât blesse, c'est que leur coeur pousse les milléniaux à se montrer fidèles, mais leur tête leur dit que la réalité économique fait en sorte que ceux qui sont en début de carrière devront occuper plusieurs emplois avant la retraite. Un signe ne trompe pas : nombre de milléniaux ne restent à présent que deux années au même poste. Prudents, ils gardent donc toujours un oeil sur le marché de l'emploi.»

Bref, les Y ne sont pas infidèles, mais partiellement désengagés - le coeur y est, mais pas la tête. Le chiffre est sans appel : ils ont d'ores et déjà occupé en moyenne 4,5 emplois, soit presque autant que les membres de la génération X, celle des 35-54 ans (5,7 emplois). Voir notre sondage ci-dessous:



 

2. Oui, le salaire est important à leurs yeux

Quel est le critère le plus important à leurs yeux lorsqu'ils cher-chent un nouvel emploi ? Le salaire (42 %), loin devant la flexibilité des horaires (26 %) et les avantages sociaux (23 %). Ce qui prend le contrepied du cliché qui veut que les personnes de la génération du millénaire ne jurent que par la conciliation du travail et de la vie privée, et rien d'autre.

«Quelle que soit la génération, il s'agit toujours d'êtres humains qui ont des besoins à satisfaire, à commencer par le besoin d'argent pour vivre, dit Jacques Forest, professeur en psychologie organisationnelle, de l'ESG UQAM. En ce sens, il n'est pas surprenant que la rémunération prime à leurs yeux, surtout en cette période de crise économique. Le sondage montre d'ailleurs que le salaire est tout autant la priorité des X.»

Cela étant, 72 % des milléniaux considèrent que la rémunération devrait être axée non pas sur l'ancienneté, mais sur la contribution. Ce qui montre bien que la promesse de meilleurs salaires et avantages sociaux glanés après, par exemple, 5 ou 10 années passées dans les mêmes rangs ne peut aucunement les séduire, contrairement à ce qui avait prévalu auprès des générations précédentes.

«Cette donnée semble indiquer qu'un grand nombre de politiques salariales gagneraient à être revues et corrigées, en particulier dans la fonction publique», estime Caroline Roy, vice-présidente, bureau de Québec, de Léger.

3. Non, le télétravail n'est pas la panacée

Se faire offrir la possibilité de travailler depuis chez soi, un jour ou deux par semaine, fait-il rêver les Y ? Pas du tout ! Le télétravail est même le critère qui compte le moins à leurs yeux lorsqu'ils cherchent un nouvel emploi, révèle le sondage Léger-Alia Conseil-Les Affaires.

«C'est une véritable surprise, lance Catherine Privé. La relève semble tenir mordicus à venir travailler au bureau, jour après jour. Alors qu'on avait toujours cru que le télétravail était une bonne solution pour répondre au besoin croissant de conciliation travail-vie privée.»

L'explication est peut-être on ne peut plus simple... «Les milléniaux, tout comme les autres générations, sont un groupe d'êtres humains qui ont des besoins fondamentaux, dont celui d'affiliation sociale, dit Jacques Forest. Il leur est vital de nouer des liens avec autrui, ce qui ne peut bien se faire qu'à condition de côtoyer physiquement leurs collègues de façon quotidienne.»

D'où ce besoin crucial - somme toute, pas si curieux que ça - de venir tous les jours au bureau. «Un besoin susceptible de faire réfléchir plus d'un employeur qui s'équipe ces temps-ci en vue d'offrir la possibilité de faire du télétravail, croyant pouvoir ainsi séduire la relève», dit Mme Privé.

4. Oui, les milléniaux sont ambitieux

Près de 2 milléniaux sur 3 aspirent à occuper, un jour, un poste de gestionnaire. C'est-à-dire qu'ils entendent bien avoir, un jour où l'autre, les mains sur le volant. Le hic, c'est qu'ils ne pourront pas l'être tous... à moins de devenir leur propre chef !

De fait, 7 % des Y sont actuellement des travailleurs autonomes, et de ce nombre, 67 % d'entre eux entendent le rester durant toute leur carrière. De surcroît, ce ne sont pas moins de 36 % des milléniaux aujourd'hui salariés qui ont la ferme intention de devenir travailleurs autonomes durant leur cheminement professionnel.

«Autrement dit, l'époque où les entreprises pigeaient dans leur banque de pigistes réguliers pour pourvoir un poste est révolue. Parce que les jeunes pigistes veulent rester pigistes toute leur vie, et ne considèrent plus, à l'image des générations précédentes, la pige comme une simple parenthèse professionnelle», souligne Catherine Privé.

5. Non, la marque employeur ne les fait pas vibrer

Au cours des dernières années, c'était à qui aurait la meilleure marque employeur pour attirer les talents d'aujourd'hui et de demain. C'est-à-dire à qui afficherait les valeurs les plus passionnantes, ferait les promesses les plus séduisantes et offrirait les expériences les plus fascinantes. Hélas, une telle approche marketing du recrutement ne fait pas vibrer de corde sensible chez les Y : ce qui les attire le moins, ce sont notamment «la mission et les valeurs de l'entreprise» ainsi que «la réputation de l'employeur».

Pourquoi ? Vraisemblablement parce que cela ne répond pas aux besoins viscéraux des milléniaux, d'après Jacques Forest : «Les employeurs se cassent la tête pour trouver la relève dont ils ont tant besoin, dit-il. Pourtant, ce n'est pas sorcier, comme le montrent les résultats du sondage. D'une part, il suffit de parler d'emblée d'argent, histoire de ne plus avoir à en parler par la suite. D'autre part, il convient de se concentrer sur les affiliations sociales. Et le tour est joué !»

Qu'est-ce à dire, au juste ? Le professeur de l'ESG UQAM poursuit : «Jouer sur les affiliations sociales, ça revient à considérer l'employeur comme... un jardinier ! Ce dernier doit veiller à offrir les conditions idéales pour l'épanouissement de ses plants de tomates (enlever les mauvaises herbes, arroser tous les jours...), sans plus. C'est que les tomates n'ont pas besoin qu'on leur dise quoi faire, ni comment : elles se débrouillent très bien toutes seules pour donner les résultats attendus».

Bref, l'employeur doit agir avec humilité, en se mettant au service de ses jeunes pousses, et non pas l'inverse, comme cela avait été le cas pour les générations précédentes. Ce qui, notons-le, n'enlève rien à son leadership, bien au contraire : 74 % des milléniaux pensent que la hiérarchie est importante au sein d'une organisation, sachant que celle-ci n'a pas pour fonction de commander et contrôler, mais plutôt de soutenir, de conseiller et d'encourager. 

TROIS ASTUCES POUR LES EMPLOYEURS EN QUÊTE DE RELÈVE

À la lumière des résultats du sondage, Catherine Privé, pdg d'Alia Conseil, recommande aux employeurs québécois d'adapter leurs pratiques managériales à la nouvelle réalité du marché de l'emploi.

Arrêtez de cataloguer les jeunes. «Parce qu'ils ne sont pas si différents que ça des autres générations, dit-elle. Somme toute, ils veulent un bon salaire, ils désirent s'impliquer et ils espèrent s'épanouir, tout comme leurs aînés. D'où l'intérêt de s'asseoir avec les nouvelles recrues, de les écouter et de déterminer avec elles le meilleur moyen de grandir ensemble.»

Faites leur de la place. «On ne peut plus mettre un employé dans un moule, juge-t-elle. C'est au moule de s'adapter aux talents des nouvelles recrues. Et ce, pour le plus grand bénéfice de l'entreprise, qui sera ainsi en mesure de découvrir des solutions, voire des marchés inespérés.»

Ouvrez-vous à la technologie. «Le leader de demain sera un techno-leader. Parce que les milléniaux sont nés avec le numérique et ont toujours évolué en son sein. La technologie, c'est la clé de la communication interne de demain.»

Découvrez les résultats du sondage exlusif Léger-Alia Conseil-Les Affaires.

RONEL ALLAGBE - 30 ans -

 - Ingénieur industriel, panneaux isolants Norbec (Boucherville)10 années d'expérience professionnelle

«Le milieu de travail idéal, c'est celui qui correspond à un écosystème favorisant le partage entre chacun et qui est au bénéfice de chacun. Car nous vivons aujourd'hui dans un univers où ce qui compte le plus sont les connexions entre les uns et les autres.»

ELYSHA BASTIEN - 32 ans -

Présidente-fondatrice, agence Caravane Creative (Montréal et Tulum) - 10 années d'expérience professionnelle

«Les entreprises essayent souvent de nous attirer avec des promesses de stabilité professionnelle et d'avantages sociaux. Moi, ça me passe totalement par-dessus la tête ! J'ai toujours été une personne créative qui a besoin de beaucoup de liberté, et je n'ai jamais trouvé une entreprise qui pouvait me satisfaire en ce sens.»

ZUZANA MICKOVA - 27 ans -

Gestionnaire, ressources humaines, centre de réadaptation en toxicomanie Portage (Montréal) - 9 années d'expérience professionnelle

«Lorsque je suis à la recherche d'un nouvel emploi, le critère le plus important pour moi, c'est d'avoir la possibilité d'apprendre et de m'accomplir. J'ai besoin de défis et de me frotter à des situations inconnues.»

GABRIEL GOSSELIN BADAROUDINE - 27 ans -

Leader, solutions Cloud, centre de formation AFI Expertise (Québec) - 8 années d'expérience professionnelle

«Millénial moi-même, je gère des milléniaux depuis une poignée d'années. Et j'ai constaté que le secret de la réussite avec nous, c'était de chercher à nous faire grandir, et non pas - comme on le voit trop souvent - à nous cacher.»

ÉMILIE POIRIER - 33 ans -

Agente de développement et de communication, salle de spectacles Valspec (Salaberry-de-Valleyfield) - 10 années d'expérience professionnelle

«Avoir la possibilité de grimper les échelons est primordial. Parce que, pour s'accomplir, il faut pouvoir avancer.»

FOUZI OUADHI - 24 ans -

Designer, firme de design - GSM Project (Montréal) - 2 années d'expérience professionnelle

«Peu importe la taille de l'entreprise, ce qui compte vraiment, c'est la place que je peux y occuper.»

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