Bulles à louer pour travailler dans le silence


Édition du 16 Mai 2015

Bulles à louer pour travailler dans le silence


Édition du 16 Mai 2015

Par Olivier Schmouker

[Illustration: Dorian Danielsen]

Le silence. Le vrai silence, long et profond, est aujourd'hui une denrée rare. Si rare, même, qu'un petit génie des affaires a eu l'idée de le transformer en or.

Julien Smith et sa partenaire d'affaires, Caterina Rizzi, ont en effet fondé en 2012 une entreprise montréalaise nommée Breather, dont le slogan est : « Le calme et la paix sur demande ». Sa mission : mettre à la disposition des urbains stressés que nous sommes un espace où il est véritablement possible de savourer le silence.

« Au tournant de 2010, j'ai écrit des livres d'affaires qui ont connu un succès tel que j'ai été invité à présenter des conférences un peu partout sur la planète », dit Julien Smith, décontracté sur une chaise à l'extérieur du café Brooklyn, à Montréal. Parmi ces livres, mentionnons The Flinch, né d'une collaboration avec Seth Godin, et Trust Agents, coécrit avec Chris Brogan.

« En voyageant, je me suis rendu compte qu'il m'était impossible de travailler dans le calme à l'étranger : le seul moyen, c'était de me réfugier dans un café Wi-Fi, où j'étais contraint de consommer même si je n'avais besoin de rien. Je me suis alors dit que ce serait formidable de pouvoir louer un petit appart, n'importe où, rien que pour y avoir la paix, une demi-heure comme une journée entière », explique-t-il.

L'idée s'est concrétisée à la fin de 2013, avec l'inauguration à Montréal du premier bureau-appartement à louer de Breather. Depuis, on en compte une centaine, à Ottawa, Boston, New York et San Francisco.

Et l'expansion doit se poursuivre dans les prochains mois à Chicago, Washington, Los Angeles ainsi que dans une métropole européenne qui n'a pas encore été choisie.

Mieux qu'à la maison

Le principe est simple : on réserve en ligne le bureau-appartement de son choix, on reçoit un code de 10 chiffres sur son cellulaire et il suffit de s'y présenter à l'heure.

« Il y a cinq ans, tout cela n'aurait pas été possible, car la technologie des serrures électroniques que nous utilisons n'existait pas. Les clients n'ont personne à rencontrer, ils sont libres comme l'air », précise Julien Smith.

À l'intérieur, le design est épuré. Un bureau, un canapé, des fauteuils, de quoi se faire un café ou un thé, le Wi-Fi, et c'est tout. « L'objectif, c'est que chacun se sente bien dès qu'il met les pieds dans un de nos bureaux-appartements : "Comme à la maison, en mieux" », souligne-t-il, en citant sa partenaire d'affaires.

Qu'y font les clients, au juste ? Non, non, non, l'endroit ne leur sert pas de garçonnière ! Ils y travaillent vraiment, au calme. Seuls, la plupart du temps. Parfois à deux, par exemple lorsqu'un consultant reçoit un client (un professeur de yoga donnant un cours particulier, etc.). Ou encore à plusieurs, pour y réfléchir en équipe en dehors du bureau. « Il s'est même produit des choses incroyables, comme des demandes en mariage ! » raconte-t-il, hilare.

Convertir le silence en or

L'engouement a été immédiat. Nombre de clients ont d'ailleurs indiqué qu'ils n'en revenaient pas qu'un tel service n'ait jamais vu le jour auparavant. « Un commentaire récurrent auprès des voyageurs d'affaires, surtout à New York, où le bruit est une plaie sans nom », affirme M. Smith. C'est que le silence est un besoin vital pour le corps et l'esprit. La preuve en est que les études scientifiques abondent ces temps-ci pour démontrer combien l'absence de bruit permet, entre autres, de réduire le rythme cardiaque, les émotions négatives et, par conséquent, le stress.

Autre signe, qui ne trompe pas : Breather a d'ores et déjà glané 7,5 millions de dollars en collectes de fonds auprès d'anges investisseurs. « Lorsqu'il nous a découverts, John Stokes, de Real Ventures, a lancé que nous allions soit nous effondrer en un rien de temps, soit conquérir le monde. Il a misé sur nous sans hésiter une seconde », évoque M. Smith, sourire en coin, en ajoutant qu'en cherchant bien, on finirait sûrement par trouver d'autres façons de convertir le silence en or.

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