Arme de cohésion massive

Publié le 18/03/2010 à 12:49

Arme de cohésion massive

Publié le 18/03/2010 à 12:49

Par Premium

En 2001, un petit détachement des Forces d’opérations spéciales (FOS) de l’armée américaine arrive en Afghanistan. Le Task Force Dagger a pour mission de travailler avec l’Alliance du Nord pour renverser les talibans et éradiquer leurs camps d’entraînement de terroristes. En quelques mois seulement, cette équipe de 200 hommes parvient à débusquer quelque 100 000 talibans et combattants d’Al-Qaida.

Ce succès extraordinaire s’appuyait en grande partie sur la polyvalence des FOS, capables d’établir des alliances avec des combattants sur place (tous les membres des FOS doivent apprendre, entre autres, une langue seconde), d’infiltrer les lignes ennemies et de consacrer leur énergie à des combats intenses dans de petites unités mobiles.

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Il y a quelque chose d’inspirant, voire d’envoûtant, dans ces équipes militaires hautement entraînées et motivées. En affaires, on dit souvent qu’on veut « casser la baraque ». Pour les équipes des opérations spéciales, c’est plus qu’une figure de style : elles le font vraiment !

Quel est leur secret ? Qu’y a-t-il de si particulier dans les opérations spéciales ? Que peuvent en apprendre les gens d’affaires, mis à part les évidences sur l’importance de la concentration et de la discipline ? En fait, l’efficacité des Forces d’opérations spéciales repose sur un mode de recrutement et d’entraînement rigoureux, sur un leadership dynamique et sur une culture organisationnelle solide.

La crème de la crème

Les FOS ont un atout qui leur permet d’avoir accès aux meilleurs talents bruts de l’armée : leur statut de troupes d’élite, qui ne manque jamais d’attirer les jeunes hommes désireux de faire leurs preuves et de figurer parmi les meilleurs. Du coup, le niveau moyen de scolarité des recrues des opérations spéciales dépasse celui des forces « conventionnelles », et il n’est pas rare d’y trouver des diplômés de grandes universités et des gestionnaires d’entreprise.

Le branding exclusif des opérations spéciales attire un grand nombre de recrues à l’entrée, et un pourcentage élevé en est écarté dès l’examen de leur dossier, sans que les candidats aient même accès au programme de sélection. La rigueur du choix a un autre effet positif : plus les épreuves d’admission dans un groupe sont élevées, plus les individus acceptés lui sont dévoués et loyaux. Par exemple, il serait étonnant qu’un employé haut placé de la prestigieuse banque Goldman Sachs ne consacre pas de longues heures supplémentaires à son travail.

L’entraînement extrême

L'entraînement des membres des FOS est essentiel à leur succès en mission réelle. Cinq aspects importants de cet entraînement expliquent son efficacité.

1. Le tri. L’entraînement des FOS est conçu de façon à ne retenir que les plus déterminés et les plus qualifiés. Sur 100 hommes hautement motivés, intelligents et expérimentés qui commencent, par exemple, les huit semaines de cours de phase I des Navy Seals (plongeurs d’élite), seulement 20 ou 25 réussissent habituellement à franchir cette première étape — un ratio courant dans les programmes de sélection des forces spéciales des autres services. Et si, à l’examen, vous faites 59 tractions au lieu de 60, on vous donne peut-être une seconde chance, mais si vous ne réussissez toujours pas, on vous renvoie à une unité « conventionnelle».

Voilà un point essentiel : la Marine ne stigmatise pas ces hommes et ne les expulse pas non plus, mais les déploie dans d’autres secteurs en leur donnant des conseils et en les faisant se sentir fiers d’avoir tenté de devenir un membre des Seals. En entreprise, il n’y a souvent aucun plan B lorsque quelqu’un décroche d’un programme ou n’arrive pas à obtenir une promotion. Une déception ou un revers peut même signifier que l’employé doive carrément quitter la société.

Selon le colonel Wesley Rehorn, ancien dirigeant des Forces spéciales de l’armée et commandant des Opérations spéciales des Forces interarmées, « le système ne tolère pas les erreurs, même de quelqu’un qui a 20 ans de carrière. Je peux accepter une erreur d’action, mais rarement une erreur d’omission ».

2. La répétition. Pour exceller dans une activité, il convient d’en isoler un élément précis, de le répéter continuellement et d’exprimer chaque fois un commentaire objectif sur l’exercice effectué. De fait, des études montrent qu’une prestation exceptionnelle repose sur une pratique intensive et délibérée, et non sur un talent inné. Par exemple, un spécialiste des armes des FOS doit maîtriser le maniement d’une cinquantaine d’armes à l’issue de 65 jours d’entraînement intense.

En 1970, les Forces spéciales de l’armée lançaient un raid de commandos audacieux contre un camp de prisonniers de guerre Son Tay, situé près de Hanoï. Pour se préparer à cette mission, les soldats ont mené 170 répétitions générales en Floride, dans une réplique du camp de prisonniers. L’opération s’est déroulée d’une façon impeccable ; même si les prisonniers américains ont été transférés avant le raid, la nouvelle de la tentative s’était répandue dans tous les camps de prisonniers de guerre du Viêtnam-du-Nord. Un grand nombre de soldats en captivité ont plus tard déclaré que cela leur avait donné la volonté de survivre.

Dans la même veine, une entreprise doit-elle effectuer 170 répétitions d’une importante présentation de vente à un client ? Bien sûr que non, mais que dire d’une seule répétition ? Cela serait au-dessus de la norme de la plupart des gestionnaires... Walmart a déjà démontré l’efficacité d’une telle préparation. Quand l’ouragan Katrina a dévasté la côte du Golfe des États-Unis, en 2005, l’Agence fédérale américaine de gestion des urgences (FEMA) était terriblement mal préparée pour affronter le désastre. Walmart a comblé ce vide en fournissant de l’aide à de nombreuses collectivités louisianaises, grâce au niveau exceptionnel de préparation de son service de gestion des urgences. On avait à maintes reprises effectué des répétitions en vue de situations similaires et mis en place une série de procédures et de protocoles nécessaires pour répondre à un désastre naturel.

3. Le réalisme. Dans le cadre d’une mission simulée, on garde les soldats éveillés pendant deux ou trois nuits de suite, tout en les soumettant à des explosions et à des tirs réalistes. Ainsi, l’exercice final, avant de remporter le béret vert de l’armée, dure deux semaines entières et implique plus d’un millier de soldats.

Certaines entreprises utilisent des simulations commerciales ou de longs scénarios d’études de cas pour former leurs cadres — en plaçant ceux-ci pendant trois jours à la tête d’une société fictive, par exemple —, mais cette pratique n’est guère répandue.

4. L’évaluation. Un élément essentiel caractérise la formation des FOS : l’évaluation constante. Presque chaque exercice — de l’apprentissage des nœuds à la rétention de son souffle sous l’eau, en passant par la construction d’un abri camouflé — est évalué par des instructeurs expérimentés, qui analysent sans ménagement ce qui s’est bien déroulé et ce qui pourrait être amélioré. À intervalles réguliers, des instructeurs classent les hommes de leur unité d’entraînement en fonction de leur prestation et, souvent, demandent à chaque membre de l’équipe de classer tous les autres individus de son unité. Du coup, ils peuvent très bien aborder une recrue en lui demandant à brûle-pourpoint : « D’après toi, pourquoi les membres de ton équipe t’ont-ils classé au dernier rang ? »

5. La pression. La « semaine d’enfer » constitue une autre particularité des programmes d’entraînement des FOS. Les recrues des Navy Seals, par exemple, doivent rester actifs pendant 100 heures de suite, au cours desquelles on ne leur accordera que cinq heures de sommeil. Ces expériences ont pour but de simuler des conditions réelles de combat et de sortir les recrues de leur zone de confort. Elles créent aussi un vécu partagé (bien que douloureux), une part indélébile de la culture des opérations spéciales.

Certaines entreprises font vivre de telles expériences à leurs employés nouvellement en poste, et il s’agit d’une technique fort efficace. Ainsi, le Centre de développement du leadership de General Electric, situé à Crotonville, est un foyer intense de situations d’apprentissage. Ou encore, des sociétés japonaises soumettent leurs nouvelles recrues à des programmes de formation et d’endoctrinement qui peuvent durer des mois. Ces pratiques ne se comparent en rien à la brutalité de la semaine d’enfer, mais elles exigent souvent que l’on passe des fins de soirée ou des week-ends avec des collègues à résoudre des problèmes ardus.

Le vrai team building

Nombre d’entreprises discutent ad nauseam de l’importance de travailler en équipe. Dans les opérations spéciales, le travail d’équipe prend véritablement racine dans la culture du groupe. Il s’agit d’une approche on ne peut plus simple : si l’équipe réussit, tout le monde est récompensé.

Mais si un seul membre du groupe commet une erreur, toute l’équipe est sanctionnée. Durant les programmes de formation des FOS, de nombreuses activités visent à favoriser le travail d’équipe. Cela peut vouloir dire transporter ensemble de longs rondins ou se contraindre à la « respiration entre copains » sous l’eau, quatre hommes devant se partager le même tuba. L’exercice de transport de rondins, dans lequel une équipe de 10 ou 12 recrues doit porter chaque jour, pendant plusieurs heures, un rondin de 500 kilos — par exemple, pour se rendre aux repas et en revenir —, ressemble à une punition cruelle, mais c’est en fait une activité fort efficace de team building. Voici comment le décrivait un nouveau diplômé des FOS : « Si on ne marche pas parfaitement au pas, le rondin commence à tanguer, et on en perd le contrôle. Il faut maîtriser le rondin ensemble, en équipe, sinon, on s’écroule tous. » 

Dans les FOS, le fait de pouvoir mettre l'épaule à la roue et d’avoir une expérience de combat a plus d’importance que le rang. C’est pourquoi des officiers et de simples soldats suivent les programmes des forces spéciales ensemble, et non séparément comme dans d’autres corps d’armée. Les soldats entraînés n’ont pas l’habitude de passer beaucoup de temps à saluer et à dire « Sir ». Le respect mutuel a des racines plus profondes, fichées davantage dans la reconnaissance des capacités que dans celle des grades.

La plupart des soldats des FOS sont ce qu'on pourrait appeler des « généralistes profonds ». Ils possèdent chacun une spécialité essentielle — comme les armes, les communications ou la médecine —, qui est complémentaire à celle des autres membres de l’équipe. Et chacun a au moins des rudiments de toutes les compétences vitales pour le groupe. La collaboration est ainsi améliorée par le partage d’un même vocabulaire et d’un même savoir.

Là réside d’ailleurs une grande différence entre les entreprises et l'armée. Les chefs d’entreprise ont tendance à promouvoir le personnel de terrain le plus expérimenté et à le faire passer à l’administration — par exemple, une excellente vendeuse peut devenir gestionnaire des ventes d’un district, et un expert certifié Six Sigma peut être promu au poste de vice-président de l'exploitation. Cela se fait en partie parce que les gestionnaires s'y attendent : l’avancement se mesure par le titre, un pouvoir décisionnel accru et l'autorité exercée sur les autres. En revanche, la structure de commandement à trois paliers pratiquée dans l’armée, constituée d’officiers qui ne sont pas en service (les sergents) et d’autres qui le sont (des lieutenants aux généraux), signifie que ceux qui ont une grande expérience des opérations peuvent être maintenus sur le terrain, à proximité des combats, puisque c’est là qu’ils veulent se trouver.

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