Apprendre, créer et répéter

Publié le 30/05/2013 à 13:27

Apprendre, créer et répéter

Publié le 30/05/2013 à 13:27

Par Premium

Pour suivre le rythme effréné des marchés, il suffit d’être fidèle à sa finalité, de suivre le bon rythme, de bien mesurer le pouls du marché et d’oser le prototypage, nous dit Arvind Gupta.

Par Arvind Gupta, Rotman

Certains des marchés les plus dynamiques du monde se trouvent dans les économies émergentes de la Chine, de l’Inde, de l’Amérique latine et de l’Afrique. Pour survivre dans ces marchés, de nombreuses entreprises prospères ont modifié leur cycle d’innovation afin d’accélérer plus que jamais l’offre de produits pertinents. Prenez la croissance phénoménale de Sina Weibo, une société de médias sociaux chinoise fondée en 2009. Émule de Twitter à ses débuts, Weibo est aujourd’hui une entreprise de médias hybride dont les 300 millions d’abonnés envoient en moyenne 86 millions de messages par jour.###

Comment Weibo a-t-elle réussi cette ascension fulgurante ? Grâce à deux facteurs : d’abord parce qu’elle s’est lancée dans un marché émergent pendant sa phase d’apprentissage, et deuxièmement, parce qu’elle a adopté une approche itérative en répétant ses produits en fonction d’une rétroaction en temps réel.

Pour des entreprises bien établies, le fait de ne pas adopter une approche itérative en matière d’innovation peut entraîner des erreurs coûteuses. C’est le cas de Nokia, autrefois leader mondial des téléphones à fonctionnalités multiples. Vu sa grande puissance et sa taille, l’entreprise aurait dû être dans une position idéale pour rester en tête du marché mondial en lançant une nouvelle version du Symbian OS. Au lieu de cela, Nokia a plutôt perfectionné un téléphone pour un marché déjà disparu, et elle a raté le début du passage révolutionnaire du téléphone voix/SMS au téléphone intelligent. Entre-temps, Samsung s’est rapidement développée et a mis en marché sa gamme de téléphones intelligents Galaxy, sans pourtant avoir été en meilleure position pour réussir. En 2012, Samsung s’est emparée de 25 % du marché des téléphones intelligents en Chine seulement.

Il est de plus en plus courant de voir des titans s’effondrer dans des marchés en profonde transformation. Borders Books, qui occupait autrefois le deuxième rang des plus importantes chaînes américaines, a déclaré faillite en 2011, et Blockbuster, le géant de la location de films vidéo, a déclaré forfait devant ses rivaux en 2010. L’époque où on voyait la menace se profiler à l’horizon et où on pouvait se préparer en conséquence est définitivement révolue. La vraie surprise, c’est que ce rythme de changement n’est pas linéaire, mais qu’il augmente de façon exponentielle.

En réalité, pour réussir à innover au 21e siècle, il faut plus qu’un nouveau produit, une nouvelle offre ou un nouveau modèle d’affaires. La réussite passe par une nouvelle approche organisationnelle en matière de changement : le design pour l’innovation adaptative. Chez IDEO, certains concepteurs parlent de cette approche comme du « squiggle » (gribouillis). En pratique, il s’agit d’éliminer certaines étapes du processus de R-D et d’élaborer simultanément des stratégies en deux modes : l’apprentissage et la création. L’approche comprend quatre piliers de réussite : la finalité, le rythme, le pouls et le prototypage.

Chaque entreprise en démarrage prospère a une finalité : transformer le monde grâce à son produit. Lors de son lancement, Apple ne faisait pas exception. De son ordinateur « Lisa » jusqu’au plus récent iPad, la volonté de la société de créer des produits « absolument géniaux » a engendré de nouveaux marchés. Une finalité ambitieuse permet à une entreprise de voir poindre les nouvelles occasions et de tirer profit de l’évolution de la conjoncture du marché au fil du temps. Concrètement, cette attitude permet la concrétisation de l’innovation de rupture avant ses concurrents.

Le fait d’avoir une finalité claire simplifie la prise de décisions quant à ce qu’on veut « créer » et aide à définir des critères et des paramètres d’observation et d’évaluation pendant la phase d’apprentissage. Toutefois, à mesure que les entreprises se développent, cette clarté est de plus en plus difficile à maintenir. Il est parfois nécessaire d’apporter une clarification en revenant notamment aux valeurs de base sur lesquelles l’entreprise a été établie. Certaines grandes sociétés, comme GE, ont éliminé avec succès des unités d’affaires qui n’étaient plus pertinentes pour retrouver leur finalité et pour la communiquer.

Il arrive souvent que le bien commun et l’objet social soient intimement liés, comme en témoigne l’expérience de Patagonia. Son fondateur, Yvon Chouinard, est un grimpeur qui, durant les années 1970, a démarré l’entreprise dans un garage de Ventura, en Californie, pour offrir de l’équipement écologique de qualité. Quelques décennies plus tard, les choix de l’entreprise reflètent encore sa volonté ferme de préserver l’environnement et son amour des « magnifiques lieux sauvages ».

Il convient de souligner que la finalité se distingue de l’objectif. Une équipe motivée par un objectif présume que son objectif est le bon. Dans les eaux inconnues de l’innovation rapide, cette hypothèse peut être fatale.

En alpinisme, un vieux proverbe qui a sauvé d’innombrables vies dit : « La vitesse, c’est la sécurité ». Plus vite il escalade et descend la montagne, moins l’alpiniste risque d’être frappé par la foudre, tué par des chutes de roches ou par tout autre élément dans la solitude des hauteurs.

La situation est assez semblable dans les marchés en évolution rapide. En progressant rapidement, les entreprises peuvent réduire les risques au minimum, ce qui limite l’exposition globale et élimine les pertes d’efficience coûteuses. Accélérer le design réduit le risque financier.

Pour ce qui est d’innover à un rythme accéléré, la lutte dans le secteur des téléphones intelligents en Chine fournit des exemples utiles. Compte tenu du combat pour la suprématie que se livrent des géants comme Apple, Samsung et Huawei dans ce marché de plusieurs milliards de dollars, une petite entreprise peut-elle également tirer son épingle du jeu ? Difficile à dire, mais Xiaomi le saura très vite. En 2011, cette entreprise a lancé un téléphone intelligent qui possède son propre système d’exploitation pour la moitié du coût du iPhone. Le matériel étant limité par des contraintes connues, l’équipe de développement s’est concentrée sur l’itération rapide des logiciels. La rapidité des innovations a permis à la société d’échapper à certains risques et de faire des gains plus importants : Xiaomi a vendu plus de deux millions de téléphones depuis son lancement.

La pensée trop abstraite peut causer des échecs coûteux. Certaines entreprises restent dans l’abstrait trop longtemps durant leur processus d’innovation, multipliant les feuilles de calcul pour soutenir la poursuite des études, alors qu’un maquettage rapide leur permettrait de prendre rapidement des décisions judicieuses.

Durant la phase de prototypage, il peut être utile de poursuivre de multiples solutions simultanément et de retenir celles qui sortent gagnantes. Une société chinoise, One the Store, a utilisé cette stratégie avec succès. La société, un magasin en ligne qui offre un guichet unique aux consommateurs chinois, est une des entreprises à la croissance la plus rapide de Chine. Son chiffre d’affaires est passé de quatre millions de yuans à trois milliards de yuans en trois ans. Au moment de son lancement, la société a poursuivi une stratégie d’affaires extrêmement souple, utilisant de multiples modèles d’affaires simultanément. Lorsque deux modèles prometteurs sont ressortis du lot, One the Store les a étendus à l’ensemble de l’entreprise. Dans le design pour l’innovation adaptative, le prototypage n’est pas seulement une phase d’innovation, il est l’élément essentiel.

Les sociétés de jeux établies dans la Silicon Valley sont réputées pour leur capacité à prendre continuellement le pouls du marché, puis à lancer rapidement des innovations qui transforment le marché avec le temps. Elles s’y prennent notamment en lançant de multiples versions d’un jeu dont les caractéristiques sont différentes et en suivant la participation des joueurs. En s’appuyant sur les résultats des tests, les leaders adaptent ensuite les caractéristiques les plus souhaitables en vue d’une distribution élargie. Grâce à ce type de recherche et développement en temps réel, les jeux populaires peuvent atteindre leur maturité en quelques semaines.

De l’autre côté du Pacifique, G’Five est un fabricant de téléphones cellulaires qui prend périodiquement le pouls du marché indien, produisant, en plus d’une série régulière, de petites séries de 5 000 téléphones qui possèdent une nouvelle caractéristique. En mesurant la rapidité de vente de la série expérimentale par rapport à la série régulière, G’Five peut déterminer la combinaison de prix et de caractéristiques qui fonctionnera le mieux. Les innovations adaptatives de ce genre l’ont aidée à faire d’une société à faible marge le sixième fabricant de téléphones cellulaires en importance en Inde, où elle s’est taillé une part de marché à un rythme nettement plus rapide que les marques établies comme Nokia et Sony Ericsson.

Dans les grandes entreprises, on utilise couramment des études quantitatives et des groupes témoins pour valider l’innovation, surtout en fin de développement. Les cycles de design pour l’innovation adaptative peuvent réduire le besoin de choisir entre les deux options — produire ou ne pas produire — et permettre aux entreprises de bâtir lentement le marché ou de l’aligner sur leur innovation. Sur le plan tactique, un certain nombre de techniques permettent aux entreprises de suivre une approche adaptative pour prendre le pouls du marché, qui va des lancements minimums de produits viables aux tests comparatifs, des boutiques éphémères aux projets pilotes d’envergure limités et aux tests en ligne par l’intermédiaire des réseaux sociaux. En tirant des enseignements du marché tout en développant des idées, on peut faire progresser rapidement les innovations pertinentes.

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