Entrevue n°314 : Michel Landel, dg, Sodexo


Édition du 14 Janvier 2017

Entrevue n°314 : Michel Landel, dg, Sodexo


Édition du 14 Janvier 2017

Par Diane Bérard

«À chaque nouveau poste, il faut imposer un nombre égal de candidatures masculines et féminines» - Michel Landel, dg, Sodexo. [Photo : Getty Images]

La française Sodexo est une entreprise inscrite à la Bourse CAC 40 de Paris. Ce géant de la restauration collective, des services de conciergerie et d'entretien sert plus de 75 millions de clients répartis dans 80 pays. Leader des politiques d'inclusion, Sodexo a reçu de nombreux prix, dont, au Canada, celui du meilleur employeur en matière de diversité. J'ai interviewé Michel Landel, au Women's Forum Global Meeting 2016, à Deauville.

Diane Bérard - Sodexo est un leader mondial de la diversité en entreprise. Au Canada, ce dossier plafonne, particulièrement en ce qui a trait aux conseils d'administration...

Michel Landel - C'est simple, les pays où l'on trouve plus de femmes aux conseils sont ceux où l'on a imposé des quotas. En matière de diversité et de parité, si on ne force pas les choses, elles ne progresseront pas. On fait face à un changement tellement profond, un changement sociétal, qu'il faut contraindre, sinon rien ne changera.

D.B. - En matière de diversité, on répète que tout débute par l'engagement de la direction. Qu'est-ce que ça signifie concrètement ? La direction doit le dire publiquement ? L'écrire ?

M.L. - Ni l'un ni l'autre. Il faut y croire. Tout débute par une conviction. Je suis convaincu depuis très longtemps de l'importance de la diversité en milieu de travail.

D.B. - Celles et ceux qui appartiennent aux groupes marginalisés voudraient certainement que la situation progresse plus rapidement...

M.L. - Je comprends. Mais ce type de changement prend du temps.

D.B. - Vous croyez beaucoup aux vertus de la formation. Quel type de formation ?

M.L. - Il faut réfléchir aux différences. À ce que signifie être un homme, une femme, un afro-américain... Nous devons réfléchir ensemble, en équipe. Mais il faut aussi réfléchir seul. Chacun doit se remettre en cause. Cela exige un effort. Nous avons tous nos croyances, nos certitudes, nos biais.

D.B. - Cette formation à la diversité représente une dépense ou un investissement ?

M.L. - C'est une dépense d'exploitation (opex) et non une dépense d'investissement (capex). Pour mener le dossier diversité, on n'achète pas des machines, on recrute des gens. Il faut, entre autres, recruter un chef de la diversité qui relève directement de la direction. Et puis, il faut implanter des structures.

D.B. - Sodexo compte de nombreux réseaux d'employés. Est-ce une initiative de la direction pour encourager l'ouverture à la diversité ?

M.L. - Sodexo compte des réseaux de femmes, des réseaux d'hommes, des réseaux mixtes, des réseaux LGBT, etc. Ces groupes sont tous nés naturellement, parce que des volontaires ont eu envie qu'ils existent. Dans ces groupes, on essaie de comprendre pourquoi des biais subsistent envers certaines communautés. On partage ensuite le fruit de ces réflexions avec ceux qui se trouvent à l'extérieur du réseau. Ces groupes de réflexion sont indispensables. Si la direction se contente d'établir des cibles de recrutement sans susciter une prise de conscience chez les employés, sans remettre en cause la culture, on ne progressera pas. Les attitudes sont profondément ancrées.

D.B. - Quel rôle les ressources humaines jouent-elles dans l'implantation de la diversité ?

M.L.- On ne peut pas implanter un projet de diversité en milieu de travail sans modifier les processus de ressources humaines. Le recrutement, par exemple. On recrute des gens qui nous ressemblent. Pour casser ce réflexe, chaque fois qu'on affiche un nouveau poste, il faut imposer un nombre équivalent de candidatures d'hommes et de femmes. Et si on vous dit, «Mais il n'y a pas de femmes...», alors vous répondez : «Trouvez-en». Mais cela ne suffit pas. Si on veut attirer des candidatures variées, il faut aussi assouplir les manières de travailler. Permettre, entre autres, le télétravail pour que les gens puissent mener une vie plus équilibrée. Que les hommes puissent s'occuper des enfants au même titre que les femmes.

D.B. - Et que fait-on lorsqu'on rencontre des résistances ?

M.L. - On rencontre toujours des résistances lorsqu'on entreprend des changements culturels. Il faut convaincre. Et pour convaincre, il faut former jusqu'à ce que le déclic se produise. Certains ne connaissent jamais ce déclic. Ils sont à la traîne. Nous devons l'accepter. Ou bien ils quittent [l'entreprise] parce qu'ils ne supportent pas [les changements]. La bonne nouvelle, c'est qu'on arrive généralement à embarquer la majorité des gens. Ils constatent que la diversité est un dossier stratégique. Plus de femmes que d'hommes terminent leurs études universitaires. Il y a donc un véritable bassin de talents à exploiter qui ne le sera pas tant qu'on ne jouera pas la carte de la diversité. Et puis, les trois quarts des décisions d'achats importantes sont prises par des femmes. Si vous n'avez pas une main-d'oeuvre diversifiée, votre entreprise passe à côté d'occasions d'affaires.

D.B. - La diversité est-elle un avantage concurrentiel ?

M.L. - Elle le devient, à condition d'être authentique. Elle ne l'est pas si elle se réduit à une démarche de rectitude politique. Ça ne durera pas. Tout le monde retrouvera ses vieilles habitudes.

D.B. - À quoi juge-t-on l'authenticité d'une démarche de diversité ?

M.L. - Vous mesurez le taux d'engagement du personnel. Pour moi, c'est un des indicateurs de gestion les plus importants. Les employés sont-ils contents de travailler chez nous ? Préfèrent-ils travailler chez nous plutôt que chez la concurrence ? Recommanderaient-ils notre entreprise à leurs amis ? C'est ce que nous vérifions par sondage. Depuis que Sodexo est devenue une entreprise plus inclusive, le taux d'engagement des femmes augmente. Et puis, de manière plus générale, nos sondages indiquent que plus de 80 % des équipes de Sodexo estiment que les enjeux de diversité sont bien pris en compte. Le personnel constate une progression vers l'équilibre.

D.B. - En matière de diversité, qu'est-ce qui ne fonctionne pas ?

M.L. - Le défi consiste à ne pas imposer, parce qu'au premier écueil, les gens se désengageront, tout en fixant des objectifs clairs. L'organisation doit laisser les individus cheminer, s'éveiller, se transformer. Mais elle doit aussi exprimer une volonté sans équivoque que la diversité et l'inclusion fassent partie de la culture de l'entreprise. Tout le monde doit avoir des objectifs. Les programmes de rémunération et d'intéressement, par exemple, doivent être liés aux objectifs de diversité et d'inclusion.

D.B. - Le pdg d'une très grosse boîte m'a confié que l'obésité corporative est incontournable. Il faut constamment dégraisser. Êtes-vous d'accord ?

M.L. - Bien sûr ! Sodexo compte 425 000 employés. Plus on est gros, plus c'est compliqué. Plus on crée de bureaucratie. On en arrive forcément à produire des choses qui ne servent à rien. On oublie des gens dans les coins. Tout le monde veut bien travailler, mais la routine finit toujours par s'installer. Il faut dégraisser. Mais tant qu'il y a de la croissance, ça va. Nous sommes chanceux, nous avons une marge de manoeuvre. S'il faut abolir des postes, Sodexo peut relocaliser les gens ailleurs dans l'organisation, vers des métiers où ils seront plus utiles.

D.B. - Sodexo apparaît dans le Dow Jones Sustainability Index. Est-il plus facile de bien faire les choses lorqu'on a atteint ce niveau ?

M.L. - On n'est jamais «arrivé». Gérer une entreprise est toujours compliqué. Il faut naviguer entre les contradictions. Tout le monde n'a pas les mêmes intérêts, il faut trouver l'équilibre. On essaie de travailler avec des entreprises responsables. Mais on a 425 000 employés dans 80 pays, dont certains où le niveau de corruption est très élevé. Il faut être vigilant, s'appuyer sur notre culture.

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