Entrevue: Mario Guevara, directeur général du Groupe Bic

Publié le 18/08/2012 à 00:00

Entrevue: Mario Guevara, directeur général du Groupe Bic

Publié le 18/08/2012 à 00:00

Par Diane Bérard

Mario Guevara, directeur général du Groupe Bic

Les produits Bic sont vendus dans 160 pays. Stylos, rasoirs, briquets, tous suivent la même recette : ils sont peu coûteux et il faut les renouveler souvent. De quoi assurer la croissance de l'entreprise française pour de nombreuses années. Évidemment, il faut gérer les coûts de près et avoir l'oeil sur les marchés qui montent et sur ceux qui descendent. Voici le plan de match de Mario Guevara, directeur général du Groupe Bic.

DIANE BÉRARD - Comment bâtit-on une société qui rapporte 2,26 milliards de dollars américains à partir d'un stylo à bille ?

Mario Guevara - Vous démarrez une mini-révolution ! C'est ce que Marcel Bich a fait en lançant le Bic Cristal, en 1950. Il a démocratisé le stylo en offrant aux consommateurs un produit fiable, de qualité et, surtout, peu coûteux. Tous les produits Bic lancés par la suite - briquets, rasoirs, stylos - répondent aux mêmes critères. Notre taille s'explique aussi par notre expansion internationale rapide. Dès 1956, Bic a pénétré le marché brésilien, puis l'Afrique et l'Amérique du Nord, la Scandinavie, l'Europe de l'Est, l'Asie...

D.B. - Et quelle place le fameux stylo quatre couleurs occupe-t-il dans votre offre ?

M.G. - C'est notre produit haut de gamme. Le prix de nos stylos varie de 18 cents à 2,90 $ US, selon le produit et le pays.

D.B. - Pour 2012, votre profit s'est élevé à 14,2 %. Comme quoi il n'est pas nécessaire d'innover pour être rentable...

M.G. - Vous faites erreur, nous innovons constamment. En 2011, nous avons déposé 13 demandes de brevet. Et, en 2012, nous avons lancé quatre produits. Près du quart de nos ventes sont générées par de nouveaux produits. Notre département de R-D compte 150 personnes et nous y consacrons 2 % du montant de nos ventes.

D.B. - Et comment luttez-vous contre la «numérisation» de l'écriture ? Dans un monde de textos, le stylo a-t-il un avenir ?

M.G. - Il faut se montrer créatif. Notre marketing évolue. La promotion associée à la rentrée des classes est encore incontournable. Les mères constituent notre public de choix. Mais nous avons augmenté les activités de relations publiques destinées à valoriser le dessin et l'écriture à la main. Nous organisons, par exemple, des concours de dessin et de composition dans les écoles. Le nom de Bic n'est pas officiellement associé à ces activités. Nous ne vendons pas notre marque, mais plutôt l'activité associée à notre produit.

D.B. - Les jeunes délaissent peut-être vos stylos pour leur clavier, mais ils se jettent sur vos rasoirs. Expliquez-nous cela.

M.G. - La jeune génération consomme davantage de rasoirs que ses aînés. C'est une tendance. Ils souhaitent se débarrasser de plus de poils que ceux qu'ils ont sur le visage... Cela nous laisse entrevoir de belles occasions d'affaires et justifie nos investissements dans des rasoirs de plus en plus esthétiques et performants, qui permettent un rasage plus précis.

D.B. - Vous produisez des articles de papeterie, des briquets et des rasoirs. Est-ce un casse-tête ?

M.G. - Pas vraiment, car nos produits partagent le même savoir-faire, les mêmes contraintes et les mêmes canaux de distribution. Ce sont tous des produits de masse qui reposent sur la technologie de moulage du plastique et font appel à des notions d'ingénierie. Ils requièrent des techniques d'assemblage rapide. Chaque jour, nos 23 usines produisent 25 millions de stylos, 6 millions de briquets et 10 millions de rasoirs. Et ils doivent être fabriqués à des coûts minimaux pour permettre un prix de vente bas.

D.B. - Vous décrivez Bic comme une société «glocale». Qu'est-ce que cela signifie ?

M.G. - Nous gérons en fonction d'une vision unique, mais les dirigeants des 160 pays où nous vendons possèdent les coudées franches pour s'adapter aux spécificités locales. D'ailleurs, plusieurs clients croient que Bic est une de leurs marques locales.

D.B. - Les pays émergents comptent pour 32 % de vos ventes, soit davantage que l'Europe (28 %). Et votre croissance y est plus rapide qu'en Amérique du Nord. Comment voyez-vous l'avenir ?

M.G. - Tout est lié à la naissance et à l'essor de la classe moyenne des économies en développement. À mesure que celle-ci s'enrichit et que son niveau de littératie s'accroît, nos affaires s'améliorent. Dans un premier temps, nous aspirons à vendre un stylo, un rasoir et un briquet à chaque habitant des pays en développement. Puis, à mesure que leur pouvoir d'achat s'améliore, ils migreront du stylo Cristal à 18 cents vers un stylo à valeur ajoutée et du rasoir à une lame au rasoir à plusieurs lames. Nos produits sont peu coûteux, mais nos gammes demeurent vastes. L'innovation combinée à l'enrichissement de la classe moyenne devrait assurer notre croissance à moyen terme.

D.B. - Bic doit développer de nouvelles stratégies pour rejoindre ces marchés ?

M.G. - Pas du tout. Nous puisons dans notre «mémoire corporative». Bic a déjà vécu le même phénomène, nous n'allons pas réinventer la roue ni commettre les mêmes erreurs. Lorsque Marcel Bich a lancé son Bic Cristal en 1950, nous assistions à la naissance de la classe moyenne en Europe et en Amérique. Et, à l'image des pays émergents aujourd'hui, les consommateurs européens et américains ont migré d'une gamme de produits Bic à l'autre, à mesure qu'ils se sont enrichis. Ça nous a poussés à innover pour les accompagner. Nous referons la même chose.

D.B. - Vous investissez 15 millions de dollars américains pour construire une usine en Tunisie. Pourquoi là-bas ?

M.G. - Vous savez, la population africaine est aussi importante que celle de l'Inde ou de la Chine. Bic possède 23 usines, parce que nous tenons à fabriquer les produits à proximité de nos marchés. C'est notre façon de contrôler nos coûts, mais aussi de nous rapprocher des communautés à qui nous vendons. La Tunisie sera notre plateforme africaine, comme l'Inde pour l'Asie du Sud-Est.

D.B. - Bic travaille depuis 2000 à un projet de cartouche à hydrogène assortie d'un convertisseur qui servirait à alimenter différents appareils, des lampes de poche aux téléphones intelligents. En quoi ce projet s'inscrit-il dans votre mission ?

M.G. - Cette cartouche sera faite de plastique moulé, comme tous nos autres produits. Elle utilise une partie de notre savoir-faire pour les briquets en matière de sécurité du produit. Et ce sera un produit de masse fabriqué et vendu à un coût très bas.

«Nous aspirons à vendre un stylo, un rasoir et un briquet à chaque habitant des pays en développement. Puis, à mesure que leur pouvoir d'achat s'améliorera, ils migreront du stylo Cristal à 18 cents vers un stylo à valeur ajoutée, et du rasoir à une lame au rasoir à plusieurs lames.»

«Le chômage influence les ventes de nos rasoirs. Lorsque vous n'avez pas d'emploi, vous vous rasez moins souvent.»

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