«La dette étudiante dépasse les dettes de crédit. Notre service vise cet enjeu» - Kelly Peeler, cofondatrice NextGenVest


Édition du 13 Janvier 2018

«La dette étudiante dépasse les dettes de crédit. Notre service vise cet enjeu» - Kelly Peeler, cofondatrice NextGenVest


Édition du 13 Janvier 2018

Par Diane Bérard

Kelly Peeler apparaît sur la liste Top 30 under 30 des entrepreneurs sociaux de Forbes. Avec William Falcon, spécialiste de l'intelligence artificielle, elle s'attaque au problème de l'endettement étudiant. Leur service de messagerie texte et Snapchat dispense des conseils financiers à 45 000 étudiants de 9 villes américaines. Vingt autres villes s'ajouteront bientôt.

Diane Bérard - Votre fascination pour les crises financières a inspiré NextGenVest. Racontez-nous...

Kelly Peeler - J'étudiais à Harvard pendant la crise de 2008. J'ai travaillé avec les professeurs Niall Ferguson et Emma Rothschild, deux grandes vedettes de l'histoire financière. Je me suis intéressée aux signaux annonciateurs d'une crise. Cette préoccupation m'a suivie après l'obtention de mon diplôme. J'ai joint J.P. Morgan, où j'ai travaillé, entre autres, sur les ventes à découvert pour le marché des prêts étudiants. C'est un marché fragile où le taux de mauvaises créances est très élevé. Il attire la spéculation, comme celui des hypothèques dans les années 2006 et 2007. J'ai démarré une entreprise qui tente de calmer le jeu en contrôlant l'endettement étudiant par l'éducation.

D.B. - NextGenVest repose sur l'idée que les prêts aux étudiants américains comportent un risque aussi important pour l'économie américaine que les prêts hypothécaires en 2006 et 2007...

K.P. - En 2017, le total de la dette étudiante américaine s'élève à 1 480 milliards de dollars américains réparti entre 44 millions d'emprunteurs. C'est plus du double du montant de la dette des cartes de crédit, qui s'élève à 700 G $ US. En moyenne, un diplômé universitaire a cumulé une dette étudiante de 37 172 $ US, une hausse de 6 % par rapport à l'année précédente. Cela se traduit par des paiements mensuels moyens de 351 $ US pour les Américains âgés de 20 à 30 ans. Ajoutons que 11,2 % de ces paiements mensuels sont effectués en retard de plus de 90 jours. La dette étudiante est un boulet que de nombreux Américains traînent pendant plusieurs années. Ajoutons que 30 % des étudiants ne terminent pas leurs études universitaires pour cause de stress financier. Tout ce qui précède pointe vers une bulle. Mon cofondateur, William Falcon, et moi voulons faire notre effort pour prévenir la prochaine crise.

D.B. - Aux États-Unis, le secteur des prêts étudiants est sous la loupe. De nombreux cas de fraude ont été relevés...

K.P. - Les étudiants manquent d'information. Ils éprouvent de la difficulté à suivre l'état de leur prêt. L'argent est prêté par le gouvernement, mais celui-ci sous-traite la gestion et la collecte des dettes à des entreprises privées. Plusieurs d'entre elles profitent de l'ignorance des étudiants. Ceux-ci ont peu de ressources vers qui se tourner. Les écoles manquent de budget, un conseiller est souvent responsable de 500 étudiants, et 20 % d'entre elles n'ont pas de conseillers aux étudiants. De plus, si vous appartenez à la première génération de votre famille qui fréquente l'université, vous ne pouvez pas compter sur les conseils de vos proches.

D.B. - En quoi votre service contribue-t-il à réduire l'enjeu de l'endettement étudiant ?

K.P. - NextGenVest offre un service- conseil aux étudiants universitaires et préuniversitaires sous forme de messagerie texte et Snapchat. Ces conseils permettent de connaître l'aide financière disponible selon la situation de l'étudiant et les conditions à remplir pour y accéder. Nous aidons aussi les étudiants emprunteurs à s'y retrouver dans les montants dus.

D.B. - Vous n'avez que 20 mentors pour répondre aux messages textes de vos 45 0000 clients. Comment y arrivent-ils ?

K.P. - Notre service s'appuie sur l'intelligence artificielle, plus précisément sur l'apprentissage profond (deep learning) et l'apprentissage automatique (machine learning). L'IA nous permet de massifier des messages personnalisés. Nos mentors peuvent se glisser dans une conversation texte avec un mentoré sans avoir à lire tous les échanges. On combine ainsi les avantages du contact humain et l'efficacité technologique. Mon cofondateur est diplômé de l'Université Columbia en neuroscience et informatique. Il a été développeur chez Goldman Sachs et pour les applications du détaillant Bonobos, acquis par Walmart.

D.B. - Chaque mentor commence sa relation avec un étudiant avec le même conseil, lequel ?

K.P. - Il l'informe des subventions offertes pour éviter qu'il s'endette inutilement. Chaque année, 2,7 G $ US d'aide financière ne sont pas distribués. Les étudiants américains n'en profitent pas parce que personne ne les a informés que cet argent est accessible ou ils abandonnent leur demande, vaincus par la bureaucratie. C'est inacceptable. Depuis le lancement de NextGenVest, nos clients ont eu accès à 39 millions de dollars américains d'aide financière.

D.B. - À quel moment votre service est-il le plus consulté ?

K.P. - Le dimanche soir à 22 heures. À ce moment-là, l'étudiant est seul chez lui avec ses angoisses financières.

D.B. - Quel est votre public cible ?

K.P. - Nous visons les jeunes avant qu'ils entrent à l'université. Nous voulons les éduquer avant qu'il soit trop tard, avant qu'ils s'endettent.

D.B. - Comment les atteignez-vous ?

K.P. - Nous recrutons des jeunes pour parler aux jeunes. Nous formons des ambassadeurs dans les écoles que nous visons. Ils donnent des ateliers de littéracie financière à leurs pairs.

D.B. - Qui sont vos mentors ?

K.P. - Ce sont des étudiants universitaires ou de récents diplômés. Ils ont le même âge que nos clients et les mêmes habitudes numériques. Comme eux, ils préfèrent leur cellulaire à leur ordinateur. Nos mentors reçoivent une formation de trois mois. Ils travaillent entre 15 et 30 heures par semaine selon un horaire variable, car notre service fonctionne 24/7, et ils sont rémunérés pour leur contribution.

D.B. - Pourquoi ne pas vous contenter d'un service sans mentor qui repose uniquement sur l'intelligence artificielle ?

K.P. - Nous n'aurions pas le même succès auprès des clients. Savoir qu'un étudiant de leur âge, qui a vécu leur situation, se trouve au bout du clavier fait partie de l'attrait de notre service.

D.B. - Quel est votre défi le plus important ?

K.P. - Bâtir notre crédibilité. La plupart de nos clients n'ont aucune relation avec une institution financière. Le financement de leurs études supérieures est leur premier geste financier. Il détermine s'ils entreront dans l'âge adulte avec ou sans handicap. Nous voulons aplanir ce premier défi pour qu'ils nous accordent leur confiance pour la suite de leur vie financière.

D.B. - Avez-vous des concurrents ?

K.P. - Pas vraiment. Le marché des Genzies (18-23 ans) est le grand oublié du secteur financier qui lui préfère la génération Y.

D.B. - Quelle est votre source de revenus ?

K.P. - Pour l'instant, notre service est gratuit. Nous investissons pour l'avenir. Si nous permettons à ces étudiants d'avoir un meilleur départ financier, nous pourrons ensuite leur offrir des services payants.

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