L'ingénieur au service de la médecine

Publié le 08/05/2010 à 00:00

L'ingénieur au service de la médecine

Publié le 08/05/2010 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Jacques de Guise est un ingénieur biomédical. Celui qui dirige le Laboratoire de recherche en imagerie et orthopédie (LIO) a conçu avec ses équipes plusieurs outils qui aident les médecins à établir plus rapidement des diagnostics plus précis.

Le plus récent, auquel il travaille depuis 1995, est le KneeKG, une technologie médicale qui permet au médecin de diagnostiquer l'arthrose ou les blessures ligamentaires autour du genou sans opérer le patient. Le Knee KG est maintenant utilisé à la clinique médicale du genou Emovi, à Laval.

Jacques de Guise est aussi à l'origine d'Eos, un appareil de radiologie qui offre une excellente vue de la colonne vertébrale en trois dimensions. Grâce à cette technologie, on peut mieux diagnostiquer et soigner les enfants qui souffrent de scoliose, une déformation de la colonne vertébrale. En outre, la radiation émise par Eos est 10 fois moindre que celle d'une radiographie ordinaire, et 500 fois inférieure à celle d'un scanner qui serait utilisé pour obtenir une information 3D équivalente. Sur le marché depuis trois ans, Eos est installé dans 25 centres, dont l'Hôpital Sainte-Justine, à Montréal.

En plus de représenter d'importantes réussites commerciales, ces deux technologies sont la source d'une grande fierté pour Jacques de Guise.

" Dès le début de ma carrière de chercheur, j'ai voulu m'assurer que je serais utile à des médecins, explique cet ingénieur qui a une soeur et un frère cardiologues, une mère infirmière et un autre frère optométriste. Avant même que le mot innovation ne soit à la mode, je voulais que mes recherches répondent à un besoin clinique ", ajoute-t-il.

Car pour lui, le plus beau cadeau, c'est le fait que des patients bénéficient de ses technologies. À Sainte-Justine, 12 000 enfants ont été soignés grâce à Eos. " C'est ma plus grande gratification. "

Des erreurs et des leçons

C'est pourquoi Jacques de Guise parle avec philosophie des erreurs qu'il a commises au cours de sa carrière de chercheur-innovateur. A deux reprises, il a mal négocié l'aspect de la propriété intellectuelle. " J'ai perdu des redevances, mais les entreprises qui ont exploité mes technologies ont quand même réinvesti beaucoup d'argent dans les laboratoires universitaires ", dit-il, philosophe. De toute façon, les universités " ne doivent pas se faire d'illusions et penser qu'elles se financeront par l'innovation ", ajoute-t-il. " Ce qui compte avant les redevances, c'est la qualité des partenariats qu'on établit entre les entreprises et les universités et la qualité de la formation offerte par les projets d'innovation. "

Jacques de Guise a aussi tiré une leçon importante de sa première tentative de commercialisation du KneeKG, qui a échoué. En compagnie d'un ami ingénieur, il a créé l'entreprise YD3, qui a acquis la licence d'exploitation de la technologie. Le prototype était fait, il avait été testé sur 1 000 patients, mais les acheteurs potentiels, c'est-à-dire les médecins et les professionnels, n'ont pas répondu. " Nous n'avons pas assez bien cerné notre marché, explique-t-il. Nous ne nous sommes pas posé la question la plus importante : qui investira là-dedans ? Les médecins et les professionnels aimaient l'appareil mais le trouvaient trop compliqué à faire fonctionner et ne voulaient pas l'acheter ", raconte-t-il.

Les deux associés ont perdu leur licence. Puis, finalement, le bon modèle d'entreprise a été trouvé par une consultante du secteur des technologies de la santé, Michelle Laflamme, qui a fondé Emovi, dont M. de Guise est actionnaire. Le modèle consiste à installer les appareils dans des cliniques, où le personnel est formé à utiliser l'appareil qui vient d'être homologué par la FDA. " Le chercheur n'est pas nécessairement un bon homme d'affaires ", dira Jacques de Guise. Jusqu'à ce qu'il apprenne de ses erreurs.

Protéger le secret commercial

Le grand dilemne du chercheur qui veut innover est de choisir entre publier ou breveter. C'est malheureux, car le système universitaire, historiquement, l'a incité à publier, tandis que les entreprises lorsqu'elles sont de petite taille - ce qui est fréquent au Québec - peuvent lui refuser la publication par crainte de perdre leur secret commercial.

Jacques de Guise avance deux solutions. D'abord, juste avant de publier, le chercheur et son partenaire commercial pourraient déposer rapidement une demande de brevet provisoire. Ensuite, que les universités reconnaissent les transferts technologiques avec secret commercial comme une valeur aussi importante que la publication ou le brevet.

Historiquement, le système universitaire finance un chercheur et son équipe s'il a publié, mais tendra à négliger ceux qui ont octroyé des licences ou qui ont breveté leurs inventions. " Les organismes commencent à changer mais ce sont souvent les pairs qui résistent ", commente M. de Guise.

Pourtant, ce qui compte, c'est que les chercheurs puissent être financés et les étudiants formés, que ce soit à la suite de publication, de brevets ou d'octroi de licences. Pour Jacques de Guise, il est urgent d'assouplir le système, car l'innovation " est notre seule avenue de croissance économique, au Québec ". L'innovation est aussi une affaire d'équipe : le Dr de Guise rejette le stéréotype du chercheur isolé dans son labo. Et pour rentabiliser ses recherches, il faut toujours penser aux développements de plusieurs applications de la même technologie, ce qu'il fait avec Eos et avec Knee KG.

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