Entrevue n°170: Luke Williams, directeur, Berkley center for entrepreneurship and innovation

Publié le 07/09/2013 à 00:00

Entrevue n°170: Luke Williams, directeur, Berkley center for entrepreneurship and innovation

Publié le 07/09/2013 à 00:00

Par Diane Bérard

Luke Williams, directeur, Berkley center for entrepreneurship and innovation

Luke Williams dirige le Berkley Center for Entrepreneurship and Innovation à la New York University School of Business. Il est aussi associé à Frog design, l'un des plus importants cabinets de consultation en innovation du monde, cabinet qui compte plus de 1 000 designers et ingénieurs. Je l'ai rencontré à New York, au World Innovation Forum.

Diane Bérard - On décrit votre ouvrage Disrupt: Think the Unthinkable to Spark Transformation in Your Business comme un livre de recettes pour entrepreneurs. Où le classez-vous, dans la section «nouvelle cuisine» ou dans celle «cuisine réconfort» ?

Luke Williams - (rires) Dans le rayon de la cuisine fusion ! Je ne rejette pas complètement le gros bon sens. Mais je veux inciter les entreprises à explorer de nouvelles voies pour innover et adopter des stratégies non traditionnelles.

D.B. - Vous évoquez le paradoxe de la réussite. En quoi consiste-t-il ?

L.W. - Selon ce paradoxe, en affaires, c'est quand on est au sommet qu'on est le plus vulnérable. Lorsque tout va bien, vous souhaitez que cela ne s'arrête jamais. Alors, vous ne touchez à rien. Vous ne prenez aucun risque, par crainte de compromettre votre réussite. Toute l'énergie de l'organisation est consacrée à la préservation de la réussite. Vous améliorez votre produit et votre service jusqu'au jour où il n'y a plus d'amélioration possible. Vous avez épuisé votre réussite, et vos clients vous ont délaissé. Ils ont trouvé le bonheur ailleurs.

D.B. - Quelle est l'erreur la plus fréquente lorsque vient le moment d'innover ?

L.W. - Injecter de la technologie. On ne révolutionne pas un secteur en ajoutant de la technologie. Il faut plutôt changer notre façon de voir notre industrie et sa mission, ainsi que nos concurrents. Par exemple, s'accrocher au iPad comme à une bouée ne sauvera pas le secteur des journaux. Il faut plutôt se servir de l'iPad comme catalyseur d'une réflexion en profondeur. Se demander quelle information a encore de la valeur aux yeux des consommateurs.

D.B. - Comment s'y prend-on pour découvrir un nouveau marché ?

L.W. - Explorez ce qui va bien plutôt que ce qui va mal. Dans chaque industrie, les acteurs s'attaquent tous aux mêmes problèmes. Ceux que l'on a jugés prioritaires pour les consommateurs de ce secteur. Vous pouvez marquer des points en remettant plutôt en question ce que personne ne songe à bouleverser.

D.B. - Pouvez-vous nous donner un exemple ?

L.W. - J'ai connu un entrepreneur qui a remis en question le fait de vendre les bas par paire. «Pourquoi ne pas en vendre trois à la fois ?» Évidemment, tout le monde a trouvé l'idée stupide. Après tout, nous avons tous deux pieds. L'entrepreneur a tout de même analysé son idée. Et il a découvert que les jeunes filles de 8 à 12 ans adorent porter des bas non assortis. Personne n'avait pensé à cela, parce que les paires de bas assortis ne posent pas de problème particulier.

D.B. - Vous inversez la démarche : d'abord trouver une idée, ensuite chercher un marché où l'appliquer...

L.W. - C'est là que résident les occasions d'affaires les plus lucratives. Vous commencez par une question : «Pourquoi n'a-t-on jamais pensé à...» Puis vous allez à la pêche.

D.B. - Comment présenter aux investisseurs une idée qui dérange ?

L.W. - En trois étapes. D'abord, il faut susciter l'empathie pour un problème auquel les investisseurs n'avaient jamais songé. Reprenons le cas des bas. Je montrerais aux investisseurs des images d'étalages de bas, tous semblables. Un seul élément de concurrence : le prix. Impossible de s'en tirer avec un bénéfice élevé. Ensuite, vous suscitez la curiosité en déclarant : «Les jeunes filles de 8 à 12 ans veulent exprimer leur individualité.» Finalement, vous visez l'adhésion. Les investisseurs doivent adhérer à la solution que vous proposez au problème qu'ils viennent de découvrir. Un problème qu'ils trouvent tout à coup important. «Nous allons vendre les bas en trio. Aucun bas ne sera assorti. Les jeunes filles pourront créer leur propre combinaison. Personne n'offre ce produit, nous pourrons donc établir un prix plus élevé.»

D.B. - Peut-on trop améliorer un produit ?

L.W. - Oui. Par exemple, il faut se montrer prudent lorsqu'on change un produit de façon radicale. Vous faites voler en éclat la perception que les consommateurs ont de votre produit. Vous devez savoir quelle image vous allez briser et avoir une excellente raison de le faire.

D.B. - Un changement important est-il préférable à de petites modifications successives ?

L.W. - Des améliorations sont toujours souhaitables. Mais il faut distinguer améliorations et ajouts. Plusieurs entreprises ajoutent constamment de nouvelles caractéristiques. Elles créent ainsi plus de confusion que d'amélioration. Sans compter que certaines entreprises consacrent tellement de ressources aux petits changements qu'elles négligent les innovations importantes.

D.B. - Mis à part réagir à la concurrence, quelle raison peut-on avoir de modifier son produit ?

L.W. - Réagir à la concurrence demeure la motivation principale de modifier un produit, mais pas nécessairement la meilleure. Prenons le détersif Tide. Une marque connue, un produit populaire. Il est toutefois normal de procéder à des améliorations constantes. Mais vous devez aussi élaborer une panoplie de stratégies non traditionnelles. Celles-ci peuvent comprendre une modification importante de l'emballage. Ou encore du format, pour offrir un produit plus concentré qui donne au consommateur l'impression d'en avoir plus pour son argent. Vous testez ensuite ces stratégies dans de petits marchés et observez les réactions. Lorsque le marché commence à bouger, vous êtes prêt à déployer vos stratégies non traditionnelles.

D.B. - Oublions l'iPhone et l'iPad. Pouvez-vous me citer une entreprise qui a résolu le paradoxe de la réussite ?

L.W. - Corning. À quoi cela vous fait penser ? Aux casseroles ? Corning n'en produit plus depuis les années 1990. Elle se trouve, entre autres, dans les secteurs des sciences de la vie, de l'environnement et des télécommunications. Saviez-vous que Corning fabrique, entre autres, la vitre qui recouvre l'iPhone? Cette division fondée il y a trois ans rapporte 1 milliard de dollars américains.

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