Entrevue n°321: Peter Blom, Triodos Finance


Édition du 22 Avril 2017

Entrevue n°321: Peter Blom, Triodos Finance


Édition du 22 Avril 2017

Par Diane Bérard

La banque néerlandaise Triodos a été fondée en 1980. Avec 17,6 G$ d'actifs sous gestion, c'est la référence internationale en finance durable. L'argent de ses déposants ne finance que des projets à impact sociétal positif. J'ai rencontré son PDG, Peter Blom, à Londres, lors de la Palladium Positive Impact Conference.

L'entrevue n° 321

Diane Bérard - Qu'est-ce qu'une banque durable ?

PETER BLOM - C'est une banque qui, lorsqu'elle étudie un dossier de prêt, se pose les questions suivantes : comment cet argent contribuera-t-il positivement au bien commun ? Pourrait-il nuire à la société ? Nous plaçons chaque prêt dans un contexte plus vaste dont l'entrepreneur n'a pas nécessairement conscience. Quels sont les enjeux liés à ce secteur ? Quels facteurs contribuent, ou nuisent, à un développement durable ? Sont-ils présents dans ce dossier ?

D.B. - Comment ce concept est-il né ?

P.B. - Il a émergé des grands idéaux de démocratie et d'égalité des années 1960 et 1970. C'est leur application à la vie économique. La banque durable reconnaît que la vie économique n'est pas séparée de la société. Si nous investissons notre argent avec une conscience sociale et environnementale, alors il contribue à une société plus alignée sur nos valeurs.

D.B. - Existe-il de nombreuses banques durables dans le monde ?

P.B. - La Global Alliance for Banking on Values [GABV] compte 45 institutions financières principales sur tous les continents. [Au Canada, on trouve entre autres Vancity, à Vancouver, mais aucune au Québec.] Elles emploient plus de 42 000 personnes et comptent plus de 24 millions de clients pour des actifs sous gestion dépassant 100 milliards de dollars américains [G$ US]. Ne devient pas membre qui veut. Nous devenons populaires : plusieurs institutions veulent l'étiquette «banque durable». Nous n'acceptons que les meilleures, celles qui peuvent servir de modèles. Ainsi, une coopérative d'épargne et de crédit n'est pas automatiquement acceptée dans notre groupe. Il faut montrer que votre institution a une politique concrète d'évaluation des dossiers en fonction de l'impact sur la société. Un détail important : c'est le PDG de l'institution financière, et non le directeur de la responsabilité sociale, qui est membre de la GABV. Cela montre que cette étiquette est liée au coeur de la mission de nos membres.

D.B. - La définition d'une banque durable varie-t-elle selon qu'on se trouve dans un pays riche ou dans un pays pauvre ?

P.B. - La vision occidentale est très environnementale. Dans les pays émergents, la vision est plus vaste. Prenez l'exemple de cette institution financière népalaise qui migre vers la banque durable. Elle ne vise pas uniquement les projets qui se soucient de l'environnement. Elle souhaite aussi devenir plus inclusive sur le plan social, en aidant les moins nantis qui désirent se lancer en affaires, par exemple.

D.B. - Qu'en est-il du profit ? Une banque durable est-elle profitable ?

P.B. - Nous ne serions pas en affaires depuis 1980 si nous ne faisions aucun bénéfice ! Cependant, le profit est surapprécié [overrated]. Nous vivons encore dans un monde où l'investisseur peut opter pour le profit à court terme, sans se soucier de l'environnement ni de l'impact social. Dans le monde qui émerge, toutefois, une discussion qui débute et se termine par le profit sera dépassée. Les entreprises comprennent qu'en limitant leur valeur ajoutée au profit de leurs actionnaires, elles vont perdre le soutien des citoyens et de l'État. Prenez l'exemple du pipeline au Dakota. Malgré la rentabilité attendue, la banque ABN AMRO a choisi de vendre ses parts, estimant la pression sociale contre le projet trop forte, donc le risque futur trop grand.

D.B. - Vous évoquez la notion de «profit décent» pour une banque. C'est plutôt étonnant...

P.B. - Au-delà d'un certain niveau, le profit n'est plus celui de la banque. Elle ne l'a pas gagné, elle l'a enlevé à la population en exigeant des frais de transaction trop élevés ou en donnant des rendements insuffisants à ses clients, par exemple.

D.B. - Constatez-vous une évolution dans le secteur financier traditionnel ?

P.B. - Les changements fondamentaux sont à venir, mais je vois des changements incrémentaux. Depuis qu'on a socialisé les pertes des banques en les rescapant de la crise financière de 2008, le secteur bancaire ne peut plus faire sa petite affaire dans son coin. Il doit reconnaître qu'il a des parties prenantes diverses et soigner plus que sa relation avec ses actionnaires. Les premiers ajustements observés se font dans le choix des secteurs qui seront financés ou pas, de ce qui est acceptable ou pas. C'est pourquoi les banques néerlandaises refusent désormais de financer tout projet de centrale au charbon, même s'il est lucratif. Les banques canadiennes, elles, devraient se demander si elles veulent encore investir dans l'exploitation des sables bitumineux.

D.B. - Quel type de changement est-il le plus difficile à implanter pour le secteur financier ?

P.B. - Ne pas investir dans ce qui nuit à la société peut être relativement simple. Investir dans ce qui est sain pour la société à long terme est plus exigeant. Ça, c'est un changement fondamental pour l'industrie financière. Il faut acquérir une compréhension d'autres enjeux, penser en fonction du long terme. Pour l'instant, de nombreux projets ne sont pas financés alors qu'ils devraient l'être. On les écarte parce qu'ils ne correspondent pas aux standards de rendement traditionnels.

D.B. - Comment fait-on pour être une banque durable au milieu de concurrents traditionnels ?

P.B. - Les dirigeants ont besoin de convictions et de courage. Et il faut être futé pour tirer profit de notre avantage concurrentiel comme banque durable aux yeux de la population. Certains pourraient voir notre modèle et nos choix comme une faiblesse. Nous en faisons une force. Nous répondons à un besoin. Triodos fait très peu de marketing ; les gens viennent à nous parce qu'ils nous croient, parce qu'ils ont confiance en nous.

D.B. - Quelle institution financière jugez-vous la plus progressiste ?

P.B. - La britanno-colombienne Vancity m'impressionne. C'est une coopérative de crédit démarrée pour financer le retour à la vie civile des vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Sous la direction de Tamara Vrooman, Vancity a constaté que cette mission était accomplie. La coopérative contribue désormais à rendre Vancouver plus durable. Aujourd'hui, il n'est plus uniquement question de financer le développement local, mais aussi de s'assurer que les projets financés auront une portée durable. Vancity fait encore du prêt traditionnel, mais une partie de plus en plus importante de ses actifs sont investis dans des projets tel l'immobilier éco-environnemental.

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