Les mines ne composent peut-être plus le socle économique de Thetford Mines, mais elles continuent de marquer la géographie locale.

UNE VILLE ET SA RÉGION
Série 4 de 9
Les Affaires prend la route afin de vous faire découvrir neuf municipalités qui se démarquent par leur vitalité économique.

Thetford Mines

La ville porte de moins en moins bien son nom. Bâtie autour de l'exploitation des mines d'amiante, qui ont constitué le fer de lance de son économie pendant plus de 100 ans jusqu'à son lent déclin depuis une vingtaine d'années, Thetford Mines est aujourd'hui un modèle de diversification économique et d'esprit entrepreneurial. Portrait d'une municipalité qui a bien meilleure mine !

Le paysage environnant témoigne encore de l'histoire de Thetford Mines et de l'ampleur de son industrie minière, qui a longtemps été au coeur de son développement économique. Les 400 millions de tonnes de résidus forment en effet d'impressionnantes montagnes d'une centaine de mètres de hauteur et couvrant une superficie d'environ 5 km2 autour de cette ville de plus de 25 000 habitants.

«Plus de 90 % de l'économie était axée sur l'industrie minière, autour de laquelle gravitaient plusieurs fournisseurs. Puis, en 20 ans, le déclin du secteur de l'amiante a fait chuter les emplois de 4 000 à 0», rappelle Luc Rémillard, directeur général de la Société de développement économique de la région de Thetford.

Le paysage économique de Thetford Mines, qui était reconnue comme la capitale mondiale de l'amiante, s'est transformé. «L'amiante, on en a fait notre deuil. La région s'est prise en main et l'esprit entrepreneurial s'est réveillé», fait valoir Suzanne Lacombe, directrice générale de la Chambre de commerce et d'industrie de Thetford Mines. «On a aussi une mentalité beauceronne», ajoute-t-elle, en référence à la région voisine reconnue pour sa culture d'entrepreneurship.

Première ville entrepreneuriale

Les sites miniers abandonnés ou en dormance ont fait place à de nouveaux domaines d'activité, notamment la plasturgie, les matériaux composites et la fabrication métallique. Des secteurs en émergence comme l'oléochimie et les technologies de l'information témoignent aussi de cette diversification économique. Au cours des 15 dernières années, plus de 1 000 emplois ont été créés, et des dizaines d'entreprises ont réalisé des travaux d'agrandissement. En 2014, Thetford Mines a d'ailleurs été couronnée première ville entrepreneurial du Québec.

«De nouvelles entreprises ont vu le jour et des entreprises existantes ont diversifié leurs activités ou leurs marchés», constate M. Rémillard. Il cite notamment en exemple Industries Canatal, un fabricant de structures d'acier fondé en 1980, qui emploie aujourd'hui plus de 300 personnes et compte même une usine aux États-Unis.

La carte du tourisme

Il n'y a pas que le secteur manufacturier qui a pris la relève. L'effervescence se fait aussi sentir au centre-ville, où bon nombre de nouveaux commerces ont ouvert leurs portes ces dernières années. «Il y a beaucoup moins de locaux libres qu'avant», indique Mme Lacombe.

La ville souhaite aussi concrétiser prochainement l'implantation d'un centre d'affaires et de congrès. L'établissement serait greffé au nouveau complexe hôtelier quatre étoiles La cache du Domaine, qui a ouvert ses portes l'été dernier. La région mise d'ailleurs de plus en plus sur ses attraits touristiques. En 2011, Thetford Mines a même décroché la première place au palmarès des municipalités Géo Plein Air établi par ce magazine. Depuis l'été dernier, le site de l'ancienne mine King est devenu un centre d'interprétation qui témoigne du patrimoine minier de la région.

Le nouvel écosystème entrepreneurial découle aussi de la mise sur pied en 1995 de la Table de concertation sur la diversification économique. «À l'époque, on souhaitait attirer de grandes entreprises qui viendraient créer des centaines d'emplois. Toutefois, on s'est vite rendu compte qu'il fallait plutôt miser sur nos propres PME et la création d'autres petites entreprises», note M. Rémillard.

D'autant, ajoute-t-il, que la fermeture graduelle des mines d'amiante donnait accès à un important bassin de main-d'oeuvre spécialisée, notamment des soudeurs, des électriciens et des mécaniciens, pour grossir les rangs des entreprises en croissance ou pour en lancer de nouvelles.

Diversifier l'économie

Encore aujourd'hui, les initiatives visant à faire souffler un vent entrepreneurial sur la ville se multiplient. Lancé en 2015, l'incubateur Espace entrepreneuriat région de Thetford (E2RT) a accompagné huit entreprises en démarrage dans divers domaines d'activité. Il a notamment pris sous son aile BXA Innovation, qui développe de nouvelles technologies en électro-biochimie, Gestech 3D, une entreprise spécialisée dans la conception de plans techniques et photoréalistes 3D d'armoires de cuisine et de salle de bain, et EZEtrades, qui offre des formations pour apprendre à transiger sur les marchés boursiers.

«On ne fait pas que louer des locaux. On a voulu regrouper un ensemble de services d'accompagnement, comme la formation et l'accès à des conseillers», précise le directeur général, Mario Huard. En septembre, E2RT mettra en place un laboratoire de prototypage consacré au design et à l'impression 3D.

Pour encourager les jeunes à développer leur potentiel entrepreneurial, la SDE a lancé en 2012 la Semaine Le Goût d'entreprendre. Plus de 2 000 jeunes des écoles secondaires ont profité de cette initiative pour visiter des entreprises ou entendre les témoignages d'entrepreneurs. Un camp d'été est aussi organisé, en collaboration avec le cégep, pour les étudiants qui montrent un intérêt plus marqué pour l'entrepreneuriat.

Enfin, le plan de diversification économique de la ville passe aussi par... son passé minier. La région souhaite en effet valoriser les tonnes de résidus miniers issus de plusieurs décennies d'exploitation de l'amiante dans la région. «Il y a un important passif minier qui peut être exploité», souligne M. Rémillard, en précisant que ces résidus contiennent notamment du magnésium et du cuivre. Il y aurait plusieurs projets sur la table, mais le droit aux résidus miniers appartient encore aux société minières. La région travaille à la mise sur pied d'un consortium de propriétaires afin de concrétiser ces projets.