Prochaine étape pour le Québec

Publié le 01/11/2008 à 00:00

Prochaine étape pour le Québec

Publié le 01/11/2008 à 00:00

Au Québec, certains manufacturiers sont responsables de la récupération de leurs produits depuis plusieurs années déjà. Il s'agit des fabricants de peintures ainsi que des producteurs d'huiles et de filtres. Une prochaine étape sera franchie très bientôt quand d'autres manufacturiers deviendront responsables de leurs produits... pour toute la durée de leur vie ! Le gouvernement Charest a décidé de cibler trois catégories de produits, en raison des quantités de rebuts générés et des composants dangereux qu'ils contiennent. Les catégories visées par le règlement à venir sont les produits électroniques, les nouvelles ampoules fluocompactes et les piles d'usage domestique. Alors que les sites d'enfouissement débordent et que les préoccupations environnementales des citoyens vont croissant, un plus grand engagement des fabricants apparaît comme une piste de solution prometteuse.

Le futur règlement s'articulera autour du principe de la responsabilité élargie du producteur, explique Mario Bérubé, chef du service des matières résiduelles au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. "Les producteurs sont tenus de mettre en place et de financer des programmes de récupération et de mise en valeur des déchets", résume-t-il. Les produits sélectionnés contiennent certaines matières dangereuses, et on doit donc en disposer selon des processus adaptés. Par exemple, les produits électroniques peuvent contenir du plomb, du béryllium ou du mercure. Les quantités de déchets générés dans ce domaine sont immenses. En 2006, environ 3,8 millions d'appareils électroniques et informatiques ont été vendus au Québec, soit près de 43 000 tonnes de résidus potentiels.

Les sociétés visées par le futur règlement auront le choix de mettre en place un programme individuel, ou encore de se regrouper par industrie en créant un organisme. Celui-ci devra ensuite proposer un programme de récupération à la société d'État Recyc-Québec. "Nous acceptons que les producteurs eux-mêmes gèrent les systèmes, explique Ginette Bureau, PDG de Recyc-Québec. En fait, c'est le principe : nous ne voulons pas d'une gestion publique." Elle ajoute : "Toutefois, nous sommes présents pour vérifier l'atteinte des objectifs".

Annoncé en mars 2008 par la ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Line Beauchamp, le projet de règlement devrait être connu d'ici la fin de l'année. La première étape est une pré-publication du texte, qui permettra aux entreprises et au milieu juridique de faire part de leurs commentaires. Une fois le règlement en vigueur, les sociétés ou les organismes qui les représentent auront un an pour proposer un programme de récupération.

La tendance internationale à une plus grande responsabilisation des manufacturiers face à leur empreinte écologique entraîne des changements dans les modèles d'affaires. Certaines entreprises peuvent s'appuyer sur une plus vaste expérience dans ce domaine. C'est le cas d'IBM, qui dispose depuis près de 20 ans d'une division qui récupère les équipements usés. "Celle-ci est active dans la location de parcs informatiques destinés aux entreprises. Quand les équipements nous reviennent, nous devons en tirer une valeur résiduelle", explique Gord Annear, directeur, solutions de récupération des biens, chez IBM Canada.

IBM ne fabrique plus d'ordinateurs personnels (PC) ; cette division a été vendue à Lenovo. Cependant, les activités de location comprennent les PC d'autres marques. En fin de compte, IBM Canada récupère des ordinateurs d'un grand nombre de marques. "L'objectif principal de notre division est d'éviter la mise aux rebuts. D'une part, ce n'est pas bon pour l'environnement, et d'autre part, cela nous coûte de l'argent", continue Gord Annear. L'entreprise a donc plusieurs manières de disposer des équipements usagés : les revendre tels quels, les remettre en état, ou encore les désassembler pour récupérer les pièces.

Ce sont 87 % des ordinateurs ainsi retournés vers les centres d'IBM Canada qui sont revendus ou réutilisés, et seulement 1 % de ces équipements se retrouvent dans un site d'enfouissement. "La récupération vient appuyer notre modèle d'affaires. Les entreprises clientes qui veulent acheter de nouveaux équipements ne savent pas quoi faire avec les anciens", souligne Gord Annear.

Dès la conception

Les nouvelles réglementations inciteront sans doute les manufacturiers à planifier différemment le développement de leurs produits. La durée de vie de ceux-ci pourrait s'allonger et leur composition devenir moins nocive du point de vue environnemental. "Une entreprise qui fabrique un ordinateur peut tout faire pour qu'au bout de trois ans, celui-ci soit désuet. C'est ce qu'on appelle "l'obsolescence planifiée", explique Jean-Pierre Revéret, professeur à la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'UQAM. À l'opposé, un produit qui dure, c'est par exemple un ordinateur suffisamment modulaire pour être modernisé et remis en marché. Évidemment, cela exige un changement d'attitude de la part du consommateur, qui doit accepter qu'il n'a pas le modèle dernier cri mais plutôt le même, qui a duré dix ans au lieu de cinq", illustre le professeur Revéret.

Sur le plan de la composition des produits, des efforts seront faits dès la conception. Chez le fabricant Dell, on se demande déjà comment produire des ordinateurs pour faciliter leur recyclage à la fin de leur vie utile. "Les ingénieurs qui développent nos produits sont en contact avec les organisations qui font le recyclage dans l'industrie. Cet arrimage permet de développer des produits plus verts", dit Michel Lagacé, directeur commercialisation, formation et développement, chez Dell Canada. À ce chapitre, l'entreprise est particulièrement fière du nouvel ordinateur de bureau (PC) appelé "Studio Hybrid". La conception de ce modèle de petite taille s'est faite en respectant plusieurs critères environnementaux. Histoire de marquer le coup, Dell offre pour cet appareil l'option d'un recouvrement en bambou.

Par ailleurs, ce manufacturier offre actuellement un service de recyclage à ses clients grand public qui, à l'achat d'un nouvel ordinateur, peuvent expédier gratuitement leur ancien appareil par messagerie. "Est-ce rentable d'offrir un tel service de recyclage ? Pas vraiment. Nous n'allons tout de même pas vendre nos ordinateurs 50 dollars plus cher pour cette raison. Cela fait partie des nouvelles orientations de l'entreprise", explique Michel Lagacé.

Une approche progressive

Les multinationales de l'informatique devront se conformer à la future réglementation québécoise et à celles des autres provinces qui, elles aussi, mettent en place des mesures similaires. Pour que la transition se fasse sans trop de heurts, les principaux fabricants de produits électroniques ont été invités à participer à une table de concertation qui a duré plus de trois ans.

L'application du règlement sur la responsabilité élargie des producteurs sera progressive. "Nous avons réparti les produits des technologies de l'information et des communications (TIC) en deux groupes. Il y aura donc deux phases", explique Mario Bérubé, du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. La première phase comprend, entre autres, les ordinateurs et les écrans, alors que la deuxième porte notamment sur les jeux électroniques et les lecteurs DVD.

"La catégorie des produits électroniques représente un défi, en raison des quantités de déchets, souligne Cindy Vaillancourt, avocate spécialisée en droit de l'environnement au cabinet McCarthy Tétrault. Il s'agit d'un règlement cadre. Le gouvernement pourra donc, au fil des ans, ajouter de nouvelles catégories de produits en reprenant le même système", précise Me Vaillancourt. Cependant, l'avocate rappelle aussi qu'un projet de règlement reste parfois... à l'état de projet pendant plusieurs années. Tout dépend du contexte politique.

Plusieurs entreprises n'attendent pas les contraintes de la réglementation pour prendre des initiatives. C'est le cas notamment de Liberté, qui a commandé une analyse complète du cycle de vie de ses produits. L'étude a été réalisée par le Centre interuniversitaire de recherche sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), de l'École Polytechnique. "Cela nous a permis de déterminer que nous pouvions améliorer notre bilan pour ce qui est de l'emballage de nos yogourts, dit Martin Valiquette, directeur général de Liberté. Cela touche à la fois les contenants que voient les clients et les emballages utilisés pour transporter les marchandises."

En lançant une nouvelle ligne de produits il y a un an, l'entreprise a fait un choix audacieux : elle a décidé d'offrir ses yogourts à boire pour enfants dans des berlingots de carton ciré, plutôt que dans des contenants de plastique. Cette façon de faire est assez commune en Europe, notamment aux Pays-Bas. "La règle d'or, en environnement, c'est de réduire la matière à la base. Même si les consommateurs recyclent les contenants de plastique, ceux-ci ont plus d'impact sur l'environnement que le carton", souligne le dirigeant.

À l'heure où les préoccupations environnementales ont la cote, le nouveau contenant moins polluant de Liberté fait-il fureur ? Pas vraiment... Pour tout dire, les ventes de ces yogourts à boire démarrent très lentement. La plupart des consommateurs boudent cette nouvelle présentation. Être précurseur a un prix. "Les gens qui sont dans la vague bio applaudissent, mais ils ne représentent que 3 % de la population. Le consommateur est roi et maître dans ses décisions d'achat", rappelle Martin Valiquette. Et si c'était à refaire ? "Je ne sais pas si nous fabriquerions ce genre de contenants", admet-il.

La responsabilisation des producteurs n'est donc pas suffisante. Les comportements environnementaux des consommateurs doivent aussi se raffiner. Lorsque les nouveaux systèmes de récupération seront mis en place, il reviendra au consommateur d'aller déposer ses biens usés dans les différents points de collecte. Aura-t-on besoin d'un baccalauréat en environnement pour devenir un citoyen modèle ? Non, mais il faudra au moins profiter adéquatement des systèmes implantés par les entreprises.

fabrice.tremblay@sympatico.ca

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