Pourquoi un inventeur devient-il un entrepreneur


Édition du 20 Septembre 2014

Pourquoi un inventeur devient-il un entrepreneur


Édition du 20 Septembre 2014

Par Premium

La connaissance tacite est une clé de l’innovation.

Tiré des recherches de Daniel Spulber,Kellogg Insight

Les chercheurs ont longtemps prétendu que l’esprit d’entreprise était incompatible avec l’innovation. « Selon eux, les entrepreneurs “n’apportent rien de nouveau à l’économie” », fait remarquer Daniel Spulber, professeur de gestion et de stratégie à la Kellogg School of Management.

Les entreprises bien établies bénéficient en effet de plusieurs avantages lorsqu’il s’agit de commercialiser une invention. « Elles ont toutes sortes d’atouts qui viennent compléter l’innovation », précise Daniel Spulber, notamment des structures organisationnelles solides, des circuits de commercialisation, une clientèle existante et un accès au capital.

En revanche, l’inventeur qui décide de faire cavalier seul doit créer une nouvelle entreprise, tâche des plus fastidieuse. Il doit aussi faire face aux aléas de la commercialisation d’une invention. « Jeff Bezos a dû envisager la possibilité de travailler avec des librairies traditionnelles comme Barnes & Noble ou Borders, suppose Daniel Spulber. Mais il a décidé de se lancer seul en affaires et a créé Amazon.com. »

Daniel Spulber s’est posé cette question théorique : « Si l’on a une idée géniale qui pourrait donner matière à une innovation sur le marché, pourquoi ne pas la confier à une société existante ? » Le savoir tacite, c’est-à-dire cette connaissance intime que l’inventeur a de sa propre création, peut offrir un élément de réponse.

L’avantage entrepreneurial

Un tel savoir-faire « est difficile à transmettre, dit-il. J’en conclus que la connaissance tacite peut expliquer pourquoi un inventeur devient entrepreneur. » Tout comme un compositeur dirige parfois ses propres œuvres avec plus d’autorité qu’un chef d’orchestre professionnel, l’inventeur-entrepreneur peut utiliser ses propres découvertes pour créer un produit commercialisable plus efficacement qu’une organisation établie qui achète ou cède sous licence des droits d’invention.

« Le principe directeur est que l’inventeur et l’entreprise existante doivent choisir entre se faire concurrence et coopérer », explique Daniel Spulber au sujet de son modèle. Au premier stade, « les inventeurs investissent dans la R-D et produisent des inventions. Certaines sociétés existantes, quant à elles, peuvent investir dans une invention, mais elles investissent également pour avoir la capacité d’absorber les inventions des autres. »

Au deuxième stade, poursuit-il, « les inventeurs décident s’il veulent transmettre l’invention par la concession de licences ou par la vente de brevets. Les sociétés existantes, quant à elles, doivent décider si elles s’en tiennent à ce qu’elles ont ou si elles achètent des idées à d’autres. » Le processus de collaboration ou de concurrence commence au troisième et dernier stade. Le modèle tente de préciser le montant qu’investiront les inventeurs dans le développement de leur connaissance tacite et celui qu’investiront les sociétés existantes pour absorber les connaissances des autres.

« Le savoir tacite des inventeurs est important, parce qu’il peut l’emporter sur les avantages concurrentiels que les sociétés existantes tirent de leurs moyens technologiques complémentaires », écrit Daniel Spulber. Autrement dit, la difficulté de transmission de la connaissance tacite pénalise les sociétés existantes, qui n’en sauront jamais autant que les inventeurs au sujet de leurs inventions, quelle que soit l’efficacité du transfert.

Encourager l’intrapreneuriat

Daniel Spulber note que son travail a des répercussions sur la politique publique. « Les systèmes de brevets ont pour objectif de garantir aux inventeurs le droit d’empêcher quiconque d’accéder à leur invention, en contrepartie de la publication d’information sur l’invention, dit-il. En protégeant la propriété intellectuelle des inventeurs, nous voulons les inciter non seulement à divulguer leur savoir dans le brevet, mais également à commercialiser leur invention et à transmettre leur connaissance tacite ou à l’appliquer en se lançant en affaires. Les brevets protègent donc les entrepreneurs. »

Les chefs d’entreprise devraient également garder l’œil ouvert. Daniel Spulber évoque le cas de Shuji Nakamura, l’ingénieur qui a inventé les diodes électroluminescentes (DEL) bleues, vertes et blanches, ainsi que le laser bleu. La société Nichia, la petite entreprise japonaise qui l’employait, l’a très peu aidé. « Shuji Nakamura a acheté la machine nécessaire à la fabrication des DEL, l’a démontée et l’a reconfigurée selon ses exigences, explique Daniel Spulber. Il a accompli ce que bien d’autres auraient été incapables de faire avec plus de capitaux et de personnel. L’information qu’il a publiée – contre le gré de sa société – avait beaucoup de valeur. Mais ses efforts ont dû exiger une grande connaissance tacite qu’il était le seul à posséder. »

Cet exemple est porteur d’un message pour les sociétés qui encouragent « l’intrapreneuriat » — ou l’esprit d’entreprise au sein de l’organisation. « Les chefs d’entreprise doivent comprendre qu’ils peuvent avoir accès aux produits inventés par leurs employés, mais ce n’est pas tout, indique-t-il. Mis à part leurs inventions qu’ils mettent à la disposition de leur employeur, les employés talentueux ont toutes sortes de connaissances. Les employeurs devraient envisager de faire participer ces employés au processus de développement de leurs inventions, au lieu de se contenter de faire main basse sur celles-ci. »

Peter Gwynne est un rédacteur indépendant établi à Sandwich, au Massachusetts.

Spulber, Daniel F. « Tacit Knowledge with Innovative Entrepreneurship », International Journal of Industrial Organization, vol. 30, numéro 6, p. 641–653 (2012).

 

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