Placide Poulin, Maax

Publié le 01/11/2008 à 00:00

Placide Poulin, Maax

Publié le 01/11/2008 à 00:00

Maax a déjà eu 3 800 employés Aujourd'hui, elle est criblée de dettes. Son fondateur regrette-t-il de l'avoir vendue ? Peut-on lâcher prise dans de telles circonstances ?

"Je suis peiné de voir où Maax en est aujourd'hui." Placide Poulin est un des piliers de la première génération d'hommes d'affaires québécois. Maax, c'était son bébé. À force d'innovation et de travail acharné, il l'avait hissée au premier rang au Canada et au troisième aux États-Unis. Quand Placide Poulin l'a vendue en 2004, l'entreprise comptait 3 800 employés, 24 usines et centres de distribution en Amérique du Nord et aux Pays-Bas, et elle affichait un chiffre d'affaires de 642 millions de dollars.

Aujourd'hui, les jours de Maax sont peut-être comptés. Comme tous les fabricants du Québec qui ont des activités aux États-Unis, Maax n'a pas pu résister à la force du huard. Ni à celle de la flambée des prix des matières premières, notamment le pétrole, à partir duquel on fabrique les résines utilisées dans la fabrication de baignoires. Et comme si cela ne suffisait pas, le marché américain de la construction résidentielle s'est écroulé à la suite de l'éclatement de la bulle immobilière. Malmenée, l'entreprise a été vendue de nouveau et elle s'est placée sous la protection de la Cour américaine en juillet dernier.

Ce n'est pas la première fois qu'une entreprise a du mal à survivre au départ de son fondateur. On lit des histoires de ce genre chaque semaine. Commerce a voulu aller au-delà des manchettes pour comprendre comment ces bâtisseurs réagissent quand ils voient l'oeuvre de leur vie ainsi compromise. Parviennent-ils à lâcher prise, ou vivent-ils dans le passé ? Commerce s'est rendu à Sainte-Marie-de-Beauce, où vit Placide Poulin, pour le savoir.

En ce lundi de fin d'août, il vente fort en Beauce et le ciel est agité. Dans son bureau de CAMADA, le holding familial qu'il a mis sur pied avec ses enfants, Placide Poulin, 70 ans, respire l'énergie. Depuis la vente de Maax, il joue les anges financiers et commandite le FIER-Cap Diamant et le FIER-Beauceron. Son but : contribuer à l'émergence des entreprises dans sa région, notamment des fabricants du secteur de l'habitation. Il contribue au développement économique sans pour autant connaître les angoisses des propriétaires d'entreprise. "Ce matin, je me lève et le dollar est à 95 cents. Mais je m'en fiche, lance-t-il en riant. Je suis bien dans ma peau !" On dirait qu'après avoir donné 31 ans à Maax, il a une nouvelle vie. Et pourtant... Placide Poulin ne peut s'empêcher de suivre les péripéties de son ancienne entreprise et de se demander comment les choses auraient pu se passer autrement.

Tout a commencé - ou plutôt commencé à se terminer - en 2001. Pour des raisons personnelles qu'il ne veut pas dévoiler, mais aussi à cause des semaines de 80 heures et de voyages incessants aux États-Unis, Placide Poulin prépare sa sortie. Il conserve la présidence du conseil, mais il cède son poste de PDG à son chef des opérations, André Héroux, au service de la société depuis la fin de 1999. Cependant, dans cette organisation désormais bicéphale, le fondateur ne trouve plus sa place. "C'est difficile de laisser la direction de son entreprise après l'avoir dirigée pendant plus de 30 ans et lui avoir communiqué ses valeurs", explique-t-il. En septembre 2003, une seule issue semble possible : vendre la société.

Si la solution bicéphale n'a pas fonctionné comme prévu, la vente non plus. Ni les enfants Poulin, ni la concurrence ne sont intéressés par l'achat. L'aînée, Marie-France, qui a oeuvré 19 ans chez Maax et occupé plusieurs vice-présidences, est laconique à ce sujet. Elle n'a pas l'impression d'avoir raté sa chance en ne reprenant pas le flambeau : "Je n'ai pas de regrets quant à la façon dont les choses se sont passées, affirme-t-elle. Quand on a su que papa voulait vendre, nous nous sommes demandé si le moment était bon ou non. Nous avons eu le loisir de dire tout ce que nous pensions. La communication était très bonne." Même si elle affirme ne rien regretter, elle se dit désolée de ce que l'ancienne société de son père soit malmenée : "Nous souhaitons tous que Maax ait une longue vie. Au moins, nous pouvons nous dire que nous avons contribué à sa réussite", ajoute-t-elle, philosophe.

Finalement, un groupe d'investisseurs privés ayant à sa tête J.W. Childs Associates, de Boston, met la main sur Maax, sonnant du même coup la fin de l'ère des Poulin. La famille s'attendait à cette sortie par la petite porte. Ce que Placide Poulin n'avait pas prévu, par contre, c'est qu'il serait écarté du processus de la vente. Il n'a rencontré les nouveaux propriétaires qu'une seule fois, confie-t-il, déçu. "Et que dire des enfants ? soupire-t-il. À nous trois, nous cumulons des dizaines d'années d'expérience. Mes enfants ont occupé tous les postes clés dans l'entreprise." Cet épisode laisse à Placide Poulin un goût amer, et son verdict des sociétés de capitaux privés est sans appel. Il dénonce leurs méthodes souvent musclées, "qui endettent les entreprises pour les acheter, les privatisent, les dégraissent et les revendent pour encaisser la plus-value". Maax n'y a d'ailleurs pas échappé : elle traîne une dette qui ne cesse de se gonfler, insiste-t-il, et qui atteint aujourd'hui 541 millions de dollars. "C'est ça, le malheur de ces fonds !" déplore l'entrepreneur.

Accablée par sa dette et talonnée par ses créanciers, Maax est mise en vente de nouveau en avril dernier. L'attention se tourne vers les Poulin, reprendront-ils l'affaire en main ? Après un long suspense, ils font une offre. Un geste sentimental ? Pas du tout : les enfants Poulin viennent de fonder Kalia, une entreprise de robinetterie haut de gamme, et le rachat de Maax leur permettrait de mettre fin à l'entente de non-concurrence (valide jusqu'en juin 2009) qu'ils avaient signée en quittant l'entreprise. Mais, coup de théâtre : leur offre, comme toutes les autres, est refusée. Les actifs de Maax sont récupérés par son créancier principal, Brookfield Bridge Lending Fund, pour la somme de 270 millions de dollars. Un moment douloureux, car ce n'est que la moitié du montant pour lequel Placide Poulin l'avait cédée, quatre ans plus tôt.

Quelle issue ce dernier aurait-il préférée ? Le regard de Placide Poulin erre sur la grisaille du dehors, et il réfléchit, comme pour vérifier s'il souhaiterait toujours que ses enfants aient pris la relève. Oui, même s'il s'est toujours demandé si son rêve était également le leur. "J'aurais aimé qu'ils s'inscrivent dans la continuité de Maax. Après tout, la salle de bains, c'est la famille Poulin ! Si j'avais été plus jeune, j'aurais fait les choses différemment : j'aurais pu attendre qu'ils soient prêts." Selon Jean-Pierre Dupuis, professeur de management à HEC Montréal, c'est souvent le meilleur des scénarios : "La famille qui reprend l'entreprise, c'est généralement la situation idéale. C'est une bonne garantie pour la stabilité de l'entreprise, pour les emplois ainsi que pour la collectivité. Mais ce n'est jamais facile pour une entreprise de passer le cap du fondateur." La continuité évite les successions de propriétaires rapprochées : "Vendue deux fois en quatre ans : c'est beaucoup de perturbations en peu de temps pour une entreprise", poursuit le professeur.

"Si les choses se sont passées comme cela, il faut croire que c'est mieux ainsi", laisse tomber l'homme d'affaires beauceron, comme pour clore la discussion. Mais a-t-il vraiment lâché prise ? Il est permis d'en douter : Placide Poulin continue de consulter régulièrement les résultats que Maax publie sur son site...

aude.perron@transcontinental.ca

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