Pivoter


Édition du 06 Septembre 2014

Pivoter


Édition du 06 Septembre 2014

Par Diane Bérard

Les startups ont l'habitude de lancer des produits imparfaits pour les ajuster rapidement selon la réaction du marché. On dit alors qu'elles pivotent. Le terme est désormais employé pour les entreprises traditionnelles. C'est une façon plus concrète de parler de gestion du changement.

Depuis le 12 juin, toutes les technologies brevetées du constructeur de voitures électriques Tesla sont accessibles à qui veut les utiliser. Fini, les chasses gardées. Comment expliquer une décision aussi étonnante ? Le fondateur de Tesla, l'Américain Elon Musk, modifie sa stratégie parce qu'il n'atteint pas son objectif. M. Musk veut éradiquer les véhicules à essence. Pour y arriver, l'entrepreneur a besoin d'un écosystème : des fournisseurs de batteries, un réseau de bornes, d'autres constructeurs, etc. Or, Tesla a été lancée en 2003, et elle reste seule sur son île. D'où la décision de rendre ses brevets accessibles à tous pour accélérer le développement d'une véritable industrie de l'auto électrique. Une telle décision s'appelle un pivot. Le 12 juin, Elon Musk a fait pivoter Tesla.

Nouvel emballage, vieux concept ?

Le terme pivot prend son origine dans le mouvement Lean Startup et dans le livre éponyme (2011) d'Eric Ries. Un mouvement associé aux entreprises technos qui lancent des produits inachevés et imparfaits, comptant sur le marché pour les aider à rectifier le tir. Le pivot fait partie de la réalité des startups. Leurs dirigeants s'attendent à pivoter. Désormais, on parle aussi de pivot pour l'industrie traditionnelle. Une entreprise effectue un pivot lorsqu'elle apporte un changement significatif à son produit, à sa stratégie ou à toute autre composante de l'organisation, explique le consultant et capital-risqueur américain Marty Zwilling, de la firme Startup Professionals.

Y a-t-il vraiment quelque chose de nouveau sous le soleil ? Pivoter ne signifie-t-il pas simplement changer ? Oui et non, répond Stéphanie Baron, présidente du centre récréatif montréalais Amuza et chargée de cours en stratégie à HEC Montréal. Parler de pivot, c'est revisiter le vieux concept de la gestion du changement, reconnaît-elle. «Mais ce n'est pas plus mal, parce que la gestion du changement reste une notion floue pour la plupart des dirigeants. On voit mal comment s'y prendre. S'il faut plutôt parler de "pivot" pour en faire quelque chose de plus précis, pourquoi pas ?», dit-elle.

Le pivot évoque l'image de la danse, explique Mme Baron. «Lorsque vous pivotez, un de vos pieds reste fixe. Il assure la stabilité de votre mouvement pendant que l'autre pied tourne dans la direction que vous visez. Il en va de même pour une entreprise. Une portion des activités demeure inchangée, car il faut continuer de générer des revenus pendant que vous modifiez ce qui assurera votre croissance future.»

Il existe toutes sortes de pivots. Une entreprise peut pivoter quant à son offre, c'est-à-dire son produit. Elle peut changer sa structure de vente - soit la façon de présenter son produit -, ses intermédiaires ou ses canaux de distribution. Ou encore, revoir sa façon de communiquer. Peut-être décrit-elle mal son produit ? Parfois, c'est la clientèle cible qu'il faut changer. «Plusieurs entreprises visent spontanément les consommateurs, souligne Freddy Nagger, fondateur de la firme-conseil Atomic Tango, à Los Angeles. Mais le marché des entreprises convient souvent mieux à leur produit, et il s'avère moins surpeuplé.»

La nécessité de pivoter naît du choc entre le marché et le produit. Les catalyseurs de ce choc sont multiples : progrès technologiques, ouverture des frontières, nouvelles façons de consommer... Et puis, de plus en plus d'entreprises technos concurrencent les entreprises traditionnelles. Comme le site de location d'appartements par les particuliers airnbn, qui joue dans les plates-bandes de l'industrie hôtelière, ou Über et Hailo, dans celles du taxi. «La frontière entre secteurs technos et non technos s'effrite», souligne Lucie Chouinard, directrice du bureau montréalais de la boîte de consultants MNP.

À la une

Dette et déficit du fédéral: on respire par le nez!

ANALYSE. Malgré des chiffres relativement élevés, le Canada affiche le meilleur bilan financier des pays du G7.

Budget fédéral 2024: «c'est peut-être un mal pour un bien»

EXPERT INVITÉ. Les nouvelles règles ne changent pas selon moi l'attrait des actions à long terme.

Multiplier la déduction pour gain en capital, c'est possible?

LE COURRIER DE SÉRAFIN. Quelle est l'avantage de cette stratégie?