Peut-on apprendre à entreprendre?


Édition du 12 Avril 2014

Peut-on apprendre à entreprendre?


Édition du 12 Avril 2014

Par Robert Dutton

Peut-on apprendre à entreprendre ? Naît-on entrepreneur ou le devient-on ?

Réponse : ni tout à fait l'un ni tout à fait l'autre. Mais un peu les deux. Peu importe le domaine, l'excellence et la réussite comportent deux dimensions. D'un côté, le caractère ; de l'autre, un ensemble de connaissances et d'habiletés. C'est vrai d'un Carey Price, d'un Hubert Reeves ou d'un Serge Godin.

D'un côté comme de l'autre, des traits de caractère prédisposent à exceller dans des domaines particuliers : garder les buts du Canadien ne demande pas les mêmes qualités personnelles que de chercher à comprendre le fonctionnement du cosmos ou de devenir un leader mondial des systèmes d'information.

Une question de caractère

En partie inné, en partie acquis, notre caractère doit beaucoup à nos parents biologiques. Il doit aussi beaucoup à nos parents éducateurs (dans notre société contemporaine, il s'agit souvent d'une petite constellation d'adultes...) ; comme il doit aussi à un environnement complexe qui exerce une influence encore mal comprise, mais non moins déterminante sur le caractère en formation : l'école, les médias, et l'ensemble des expériences et des défis que la vie nous lance au cours de nos années formatrices. Pour reprendre l'expression consacrée, le caractère est le produit de la nature et de la culture. Par exemple, des enfants à qui on aura montré que l'échec est une occasion d'apprendre et une étape vers la réussite seront plus disposés à prendre des risques calculés et à se relever des échecs qui parsèment le parcours de l'entrepreneur. Des enfants chez qui on n'aura pas réprimé toute forme de «déviance» sont également de meilleurs candidats à l'entrepreneuriat.

Si on n'a pas le caractère ou la personnalité de l'emploi, aucune formation ne pourra faire de nous un entrepreneur.

Alors, à quoi servent les dizaines de programmes d'entrepreneuriat qu'on trouve dans les universités et dans les écoles de gestion ? À la même chose que les écoles de hockey et les départements d'astrophysique : à enseigner les connaissances et les habiletés requises par un métier - en l'occurrence, le métier d'entrepreneur. L'école ne peut fabriquer à coup sûr des Carey Price, des Hubert Reeves ou des Serge Godin. Mais elle peut en favoriser l'éclosion.

Une question de savoirs et d'habiletés

La mythologie entrepreneuriale fait une large place aux drop-outs. Bill Gates est un des plus célèbres exemples. Mais ça reste du domaine de l'anecdote. La vérité, c'est que beaucoup de grappes d'entrepreneuriat gravitent autour de milieux universitaires comme ceux qu'on trouve à Boston et sur la côte ouest des États-Unis. Et ce n'est pas une coïncidence. L'ère des «patenteux» autodidactes comme Henry Ford est révolue depuis longtemps. Les grandes réussites ne sont pas le seul produit d'un caractère exceptionnel : elles sont le produit de milliers d'heures d'apprentissage et de perfectionnement.

Outre quelques traits de caractère particuliers, la réussite entrepreneuriale demande donc des savoirs. Un savoir technique, bien sûr. Mais l'entrepreneur évitera bien des erreurs coûteuses s'il acquiert aussi des savoirs dans plusieurs domaines.

À commencer par la planification. On prend trop souvent la précipitation et l'hyperactivité pour de l'efficacité. Les bons programmes de formation enseignent aux entrepreneurs à canaliser leur énergie, souvent débordante, de façon productive et disciplinée vers un objectif clair.

Les habiletés de communication sont aussi essentielles. L'entrepreneur doit mobiliser des ressources autour d'un projet souvent improbable et toujours rempli d'embûches : il doit persuader des investisseurs, des clients, des collaborateurs. Il doit convaincre ! Il doit vendre ! Les cas sont rares de timides pathologiques devenus tribuns exceptionnels. Mais tous peuvent apprendre et perfectionner leurs habiletés de communicateur. Pour un entrepreneur, c'est crucial.

Le côté juridique ne doit pas être négligé. On peut être entrepreneur sans être avocat ni financier, et un entrepreneur devra bien s'entourer en la matière.

Mais comme un entrepreneur innove, des notions de propriété intellectuelle ne seront pas superflues pour protéger ses innovations et les marques qu'il devra développer. De la même façon, il sera bien avisé de planifier sa succession relativement tôt dans le cycle de vie de son entreprise. Un entrepreneur a aussi besoin de notions financières très spécifiques. Quelles sont les sources de financement à privilégier selon le stade de maturation du projet ? Comment approche-t-on des prêteurs et investisseurs potentiels ? Comment les séduit-on ?

Mais la vraie valeur d'une formation en entrepreneuriat, c'est sa capacité de sortir des aspirants-entrepreneurs de leur isolement. En groupe, ils peuvent partager leurs bons et mauvais coups, leurs moments d'euphorie et d'anxiété avec des personnes qui vivent la même chose qu'eux. Et si la formation est bonne, elle mettra les étudiants en contact avec des routiers de l'entrepreneuriat, des mentors. Seuls ceux qui ont vécu en première ligne les difficultés, les angoisses - et l'euphorie ! - associées au lancement d'une entreprise peuvent comprendre non pas ce que les jeunes entrepreneurs veulent entendre, mais ce qu'ils ont besoin d'entendre.

Biographie

Robert Dutton est le tout premier entraîneur en résidence de l'École d'entrepreneurship de Beauce (EEB). Pendant 20 ans, il a assuré la direction de Rona à titre de président et chef de la direction. Sous sa gouverne, l'entreprise a connu une croissance soutenue et est devenue le plus important distributeur et détaillant canadien de produits de quincaillerie, de rénovation et de jardinage. Après un passage aussi marquant que remarquable comme entrepreneur-entraîneur, Robert Dutton a décidé d'accompagner les entrepreneurs-athlètes de façon plus assidue au sein de l'EEB.

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