Entrevue n°136: Slava Rubin, pdg, Indiegogo

Publié le 15/12/2012 à 00:00

Entrevue n°136: Slava Rubin, pdg, Indiegogo

Publié le 15/12/2012 à 00:00

Par Diane Bérard

Slava Rubin, pdg, Indiegogo

La plateforme de sociofinancement américaine Indiegogo accepte le dollar canadien depuis le 12 décembre, et elle sera traduite en français d'ici la fin de décembre. Plusieurs projets québécois ont eu recours à Indiegogo pour se financer. J'ai rencontré un des trois cofondateurs, Slava Rubin, à New York. La jeune trentaine, il est une figure de proue de la relève d'affaires américaine.

Diane Bérard - Vous appartenez à une race hybride d'entrepreneurs qui veut faire le bien et faire de l'argent. Expliquez-nous comment.

Slava Rubin - Je ne vois pas pourquoi je devrais choisir. Nous sommes de plus en plus nombreux à penser ainsi. Indiegogo fait des profits, mais nous tenons aussi à jouer un rôle positif dans la société. Ce qui est fascinant, c'est que notre impact ne se limite plus à notre univers. Les entrepreneurs hybrides comme moi influencent, tranquillement, les plus grandes entreprises. Prenez l'exemple d'Honest Tea, un fabricant de boissons naturelles à base de thé, qu'un professeur de Yale et son étudiant ont cofondé en 1998. En 2008, Coca-Cola a pris une participation de 40 % dans Honest Tea et, en mars 2011, elle est devenue son propriétaire unique. Même si Honest Tea est une division autonome de Coca-Cola, la direction de Coke est exposée à cette nouvelle réalité d'entrepreneuriat social. Peut-être que certaines idées infiltreront le siège social. Je pense que toute entreprise peut évoluer.

D.B. - Votre cause, c'est l'entrepreneuriat. Comment contribuerez-vous à créer de nouveaux entrepreneurs ?

S.R. - Indiegogo aide tous ceux qui ont des idées à trouver du financement pour passer à l'action. Il s'agit d'une plateforme ouverte de sociofinancement. Lorsqu'on parle de susciter des vocations d'entrepreneurs, on pense à créer des programmes et des incitatifs gouvernementaux. On oublie tout un volet : créer des produits et des services qui simplifient la vie des entrepreneurs. Il y a là des occasions d'affaires inexploitées. Square, cofondée par Jack Dorsey qui avait démarré Twitter, l'a compris. C'est un système qui permet d'accepter des paiements par carte de crédit à partir d'un téléphone mobile. Un entrepreneur a besoin de se financer et de se faire payer par ses clients. Nous aidons au financement, Square aide au paiement.

D.B. - De quelle façon le système d'éducation peut-il apporter sa contribution pour soutenir les entrepreneurs ?

S.R. - Il faut considérer l'entrepreneuriat comme une nouvelle langue que nous devons maîtriser pour réussir. On enseigne bien le mandarin en réaction à la montée de la Chine. Les qualités liées à l'entrepreneuriat sont aussi nécessaires que le mandarin pour la nouvelle génération de travailleurs, qu'ils soient employés de grandes entreprises ou dans les affaires. On devrait enseigner l'entrepreneuriat à partir du secondaire. Jusqu'au collège, chaque étudiant devrait lancer une entreprise par an. Wayne Gretzky a appris à jouer au hockey avec une rondelle ; comment voulez-vous enseigner l'entrepreneuriat dans les livres ?

D.B. - Vous voulez même mettre les garderies à contribution...

S.R. - Pourquoi pas ? Les éducatrices parlent aux petits des métiers de pompier, de médecin et d'avocat, mais jamais d'entrepreneur. Il y a du travail à faire de ce côté.

D.B. - Vous avez lancé Indiegogo en janvier 2008. Aujourd'hui, vous avez plus de 300 concurrents. En quoi votre plateforme se différencie-t-elle de celle de vos concurrents ?

S.R. - Indiegogo est la plateforme la plus ouverte. Nos sources de financement sont variées, les projets que nous affichons touchent à tous les secteurs d'activité et nous n'avons mis aucune restriction géographique.

D.B. - Qu'est-ce qui motive les gens à participer à un projet de sociofinancement ?

S.R. - Quatre raisons nous poussent à financer un projet, quel qu'il soit. Le promoteur, l'idée, la cause nous tiennent à coeur. Nous voulons les cadeaux, les avantages ou les bonis associés à notre statut d'investisseur. L'idée d'appartenir à une communauté nous sourit. Ou alors nous voulons notre part des profits. Indiegogo est une entreprise américaine, et la loi ne permet pas cette participation aux profits dans le cadre du sociofinancement.

D.B. - Quel est le chiffre magique du sociofinancement ?

S.R. - Il est de 30 à 40 %. Vous devez d'abord amasser plus du tiers de votre cible auprès de votre réseau. C'est leur engouement et leur appui qui créera l'effet d'entraînement.

D.B. - Et la règle numéro un ?

S.R. - Pour le même effort, vous amasserez de 30 à 50 % plus d'argent en ligne que dans la vraie vie. Mais attention, 30 % de zéro donnent zéro. Si vous inscrivez votre projet sur notre site et que vous vous croisez les bras, il ne se passera rien.

D.B. - Indiegogo est en croissance. Quel est son défi ?

S.R. - Nous en avons deux. D'abord, le recrutement. Nous embauchons beaucoup et souvent. Tout se passe vite. Il est facile de tenir pour acquis que les recrues comprennent bien notre vision et nos objectifs. Et l'on se rend compte ensuite que tous ne suivent pas. Et puis, il faut choisir. Certains entrepreneurs cherchent les occasions d'affaires. Nous devons plutôt apprendre à dire non.

D.B. - Vous avez démarré Indiegogo quelques mois avant la crise financière. La sagesse vous dictait de fermer vos portes, mais vous vous êtes accroché. Quelle leçon en tirez-vous ?

S.R. - On ne devrait pas choisir le moment de lancer son entreprise en fonction des conditions externes passagères. Fiez-vous plutôt à votre niveau de passion envers votre projet. Les premières années d'Indiegogo ont été difficiles. J'ai voulu tout quitter et devenir barman. Mais j'ai résisté, parce que je savais que nous tenions une bonne idée dont la société avait besoin. Faites-vous confiance, vous êtes le seul à sentir le sens du vent, à savoir s'il souffle sur votre visage ou dans votre dos.

D.B. - Vous n'êtes pas un grand partisan des plans d'affaires. Pourquoi ?

S.R. - On perd un temps précieux à rédiger le plan d'affaires parfait. Pendant ce temps-là, le marché évolue, les goûts des consommateurs et la technologie aussi. Visez plutôt à mettre votre produit dans les mains de vos clients le plus rapidement possible pour ajuster le tir.

D.B. - Et vous ne faites pas de présentation...

S.R. - Les présentations sont trompeuses. En tout cas, les miennes ne sont pas très bonnes, c'est pourquoi je m'abstiens. Mon financement, je l'ai obtenu sans présentation.

D.B. - Quelle est la qualité la plus importante d'un entrepreneur ?

S.R. - Sa capacité d'écoute. Votre idée de départ n'est jamais aussi bonne que vous ne le croyez. Comptez sur vos clients pour vous ajuster. Nous avions prévu choisir nous-mêmes les projets apparaissant sur la page d'accueil de notre site. Nos clients préféraient plus d'équité. Ils voulaient que les projets mis en vedette soient choisis selon leurs mérites, selon l'intérêt soulevé auprès des investisseurs. Nous avons donc créé un algorithme qui évalue constamment le succès des campagnes et qui effectue la rotation sur la page d'accueil.

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