Entrevue n°305 : Thierry Blandinières, directeur général, groupe coopératif InVivo


Édition du 15 Octobre 2016

Entrevue n°305 : Thierry Blandinières, directeur général, groupe coopératif InVivo


Édition du 15 Octobre 2016

Par Diane Bérard

«On ne peut pas produire que du pain bio. L'agriculture locale et nourricière doivent cohabiter» - Thierry Blandinières, directeur général, groupe coopératif InVivo.

InVivo est le premier groupe coopératif agricole français. Thierry Blandinières l'a catapulté dans le 21e siècle depuis son arrivée au poste de directeur général en 2013. Internationalisation, virage numérique, nouvelle filière du vin... Il a même lancé des accélérateurs de start-up. Thierry Blandinières était conférencier au Sommet international des coopératives, qui se tenait à Québec du 11 au 13 octobre.

Diane Bérard - InVivo est le premier groupe coopératif agricole français. Selon vous, quel est le principal enjeu de l'agriculture du 21e siècle ?

Thierry Blandinières - Comment nourrir 9 milliards d'êtres humains sur une planète fragile. On ne peut pas raisonner de manière individuelle. Si on ne produit que du blé bio destiné au pain bio, on n'arrivera pas à nourrir tout le monde. Il y aura des soulèvements et de l'instabilité. Nous devons trouver le moyen de faire cohabiter l'agriculture locale et l'agriculture nourricière. J'adore l'agriculture qu'on pratique à l'île d'Orléans. Mais on ne peut pas nourrir la planète avec ce type d'agriculture.

D.B. - Vous parlez d'agriculture de masse, mais de plus en plus de petites fermes locales sont très productives...

T.B. - En effet, c'est d'ailleurs un des nouveaux métiers d'InVivo. Notre société SMAG (smart agriculture) contribue à l'agriculture de précision, qui produit davantage au mètre carré. Nous avons créé un big data agricole qui recueille de l'information à partir de satellites aussi bien que de tracteurs. Ces données sont ensuite traitées et traduites, puis transmises aux téléphones intelligents des agriculteurs. Plus de 30 000 utilisateurs de 10 pays ont recours aux solutions Web de SMAG. Nous avons d'ailleurs fondé une société conjointe avec La Coop fédérée, au Québec, pour promouvoir cet outil au Canada.

D.B. - InVivo a pris un autre visage depuis votre arrivée en 2013. Qu'attendait-on de vous ?

T.B. - InVivo est une coopérative de coopératives. Au fil des ans, elle était devenue davantage une institution. Et ce, avec toute la lourdeur administrative que cela sous-entend. Pendant ce temps, le marché, lui, évoluait. Mon mandat était celui d'un retournement et d'un redéploiement classique : il fallait redéfinir le projet stratégique à long terme et faire évoluer le modèle économique. Choisir les métiers desquels nous allions sortir et ceux dans lesquels nous allions entrer.

D.B. - Vous avez créé quatre sociétés distinctes pour chacun de vos métiers, pourquoi ?

T.B. - Nous voulions valoriser nos actifs et ouvrir le capital aux investisseurs.

D.B. - Depuis votre entrée en poste, vos décisions ont toutes un fil conducteur, l'internationalisation.

T.B. - Nous prévoyons doubler notre taille et multiplier la rentabilité par quatre ; l'internationalisation est incontournable. Elle permet de croître tout en diversifiant notre risque. Par exemple, nous négocions désormais des matières premières étrangères en plus des productions françaises.

D.B. - Vous avez aussi resserré vos liens avec les consommateurs en élargissant vos activités de détail. Expliquez-nous.

T.B. - InVivo exploite déjà un réseau de 1 200 magasins, les jardineries Gamm vert et Delbard, qui rejoignent 9,5 millions de clients. Nous avons libéré de l'espace dans trois magasins pour installer des comptoirs «Frais d'ici» qui vendent des produits agricoles de proximité. Ces comptoirs vont profiter de l'achalandage dont nous disposons déjà. Nous croyons que la clientèle de Gamm vert et de Delbard appréciera cette diversification. Nous prévoyons ouvrir 200 comptoirs Frais d'ici au cours des trois prochaines années pour servir ceux que l'on nomme les «locavores», c'est-à-dire qui recherchent les produits locaux.

D.B. - Vous avez décidé d'ajouter le vin à vos métiers agricoles. Quelles sont vos ambitions ?

T.B. - Nous voulons fédérer le monde coopératif viticole français et créer un pôle de vin puissant. Nous voulons installer une culture forte qui produira des marques fortes. Je pense, entre autres, à celles de la maison bordelaise Cordier, acquise en 2015. Nous comptons sur notre savoir-faire d'exportateur pour développer Cordier à l'international sur le segment premium. Mais nous ne nous en tiendrons pas aux bordeaux. Nous voulons convaincre plus de viticulteurs de nous vendre leur production. À terme, Cordier Mestrezat pourrait devenir le troisième acteur français du vin, derrière les groupes Castel et Grands Chais de France. Il contribuera à la riposte française à l'offensive des vins du Nouveau Monde.

D.B. - Vous avez effectué d'autres redressements avant InVivo. Qu'est-ce qui vous plaît dans ce mandat ?

T.B. - En fait, ce n'est pas le retournement qui est stimulant, c'est le plan stratégique qui suit. Si je sens que le conseil ne partage pas mon constat de la situation et s'il n'est pas disposé à investir dans un projet de croissance, le mandat n'est pas pour moi. InVivo est consciente qu'il y a de la croissance à capter, dans les pays émergents entre autres. Et elle est disposée à investir. Notre filiale de nutrition animale, par exemple, s'avère prometteuse dans tous les États où la consommation de viande augmente.

D.B. - Quelles sont les qualités d'un bon redresseur ?

T.B. - Un bon redresseur est avant tout un bon pédagogue. Son mandat consiste à rassurer le conseil. On s'y prend en construisant un étage à la fois. Le premier pas doit être à la fois ambitieux et réaliste. J'énonce toujours clairement où je me dirige. J'effectue des mises à jour régulières. Je fournis des explications lorsque nous sommes en avance ou en retard. Et, s'il y a lieu, je dis ce que je compte faire pour m'ajuster. Un bon redresseur doit être imaginatif.

D.B. - InVivo lance trois Maisons de l'innovation cet automne. De quoi s'agit-il ?

T.B. - Ce sont des incubateurs de start-up. Ces lieux vont nous aider à garder l'esprit ouvert et nous challenger. Nous allons leur offrir du capital d'amorçage et prendre une participation de 20 % dans chacune d'elles. La première, en Bretagne, porte sur la santé animale. La seconde, à Montpellier, s'intéresse au numérique. Et la troisième, à Reims, visera les plantes.

D.B. - Le modèle coopératif a longtemps été la seule solution de rechange au modèle traditionnel. Comment la montée de l'entrepreneuriat social et de l'économie de partage vous influence-t-elle ?

T.B. - Ces nouveaux modèles posent un défi. Ils nous rappellent que pour demeurer pertinent, le mouvement coopératif doit revenir sur le terrain. C'est particulièrement vrai des grands groupes comme le nôtre. Nous devons nous rapprocher des gens, comprendre leurs intérêts. La force du mouvement coopératif par rapport aux autres modèles tient à sa proximité. Nous tirons notre pertinence de la création et de la redistribution de richesse dans les communautés. Ce qui distingue le mouvement coopératif, et qui doit continuer de le distinguer, c'est le maintien de l'activité en région.

D.B. - Le mouvement coopératif est-il attirant pour les milléniaux ?

T.B. - Je constate un paradoxe. D'un côté, les milléniaux sont très attirés par les initiatives collaboratives, comme le sociofinancement. De l'autre, ils se montrent très indépendants et individualistes. Ils savent que l'union fait la force, mais ils semblent résister aux modèles trop organisés. Le mouvement coopératif offre tout de même différentes formules, peut-être faut-il mettre davantage de l'avant cette diversité. Peut-être aussi faut-il faire évoluer certaines de ces formules pour qu'elles séduisent davantage les milléniaux.

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