Le second plafond de verre


Édition du 08 Mars 2014

Le second plafond de verre


Édition du 08 Mars 2014

Par Diane Bérard

Mary Barra vient de prendre la tête de GM. Barack Obama a confié à Janet Yellen les rênes de la Réserve fédérale. On a appelé une femme, Marissa Mayer, pour sauver Yahoo. Et c'est une autre femme, Virginia Rometty, qui a pour mission de piloter la transformation du géant IBM.

Tandis que son prédécesseur était à la fois pdg et président du conseil, Mary Barra, elle, doit se contenter du rôle de pdg. Certains diront que GM a simplement profité du changement de direction pour assainir ses pratiques de gouvernance. Que séparer le rôle du pdg de celui de président du conseil relève des bonnes pratiques. C'est une explication, mais pas nécessairement la seule. Et si Mary Barra venait plutôt de frapper le second plafond de verre ?

Un phénomène connu depuis les années 1980

Le premier plafond de verre est connu depuis la fin des années 1980. L'expression «plafond de verre» apparaît pour la première fois en 1986, dans les pages du Wall Street Journal. Elle illustre le phénomène selon lequel, dans une structure hiérarchique, les niveaux supérieurs sont visibles, mais ne sont pas accessibles à certaines personnes. Le plafond de verre peut s'appliquer à toutes les catégories de travailleurs, mais l'expression est généralement employée pour parler des femmes.

Désormais, il faudrait la renommer «premier plafond de verre». Car il en existe un second, soutiennent les professeurs Maureen I. Muller-Kahle, de la Pennsylvania State University, et Eduardo Schiehll, de HEC Montréal, dans l'étude «Gaining the Ultimate Power Edge: Women in the Dual Role of CEO and Chair».

Les chercheurs se sont penchés sur la carrière de 100 pdg féminins et de 100 pdg masculins pigés dans la liste Fortune 500. Ces dirigeantes et dirigeants ont été nommés en même temps. Ils guident des entreprises de même taille et de même valeur boursière. Malgré ces similitudes, les femmes pdg de cet échantillon ne détiennent pas le même pouvoir que leurs homologues masculins. Parmi les 100 pdg masculins, 57 sont aussi présidents du conseil, tandis que seulement 37 femmes sur 100 sont à la fois pdg et présidentes du conseil de leur entreprise. Elles détiennent donc moins de pouvoir.

Trois caractéristiques incontournables

«Les femmes pdg ont moins de chance de se voir attribuer aussi le rôle de présidente du conseil, souligne Eduardo Schiehll. Et lorsqu'elles cumulent les deux postes, il leur a fallu plus de temps qu'un homme pour y parvenir.»

Certaines femmes arrivent tout de même à se voir confier le double rôle de pdg et présidente du conseil. Qu'ont-elles de plus que leurs consoeurs ? L'étude constate que ces femmes présentent une ou plusieurs des trois caractéristiques suivantes : de l'expérience en entrepreneuriat, un emploi dans une très grande entreprise ou un passage dans une école d'élite (Ivy school). La grande entreprise investit davantage dans la formation de ses cadres. Elle offre plus de soutien au développement et de possibilités de promotion.

Quant au passage dans une école d'élite, il n'a pas à être long. Un perfectionnement de quelques mois ou de quelques semaines peut suffire. «Ce passage sert à créer un réseau», explique Eduardo Schiehll. On pourrait penser qu'une femme pdg a toutes les relations dont elle a besoin. «Le capital relationnel nécessaire pour devenir président du conseil diffère de celui requis pour devenir pdg. Il faut, entre autres, avoir noué des relations dans d'autres secteurs que le sien. Des secteurs qui ont un impact sur notre entreprise. Cela se fait souvent en ayant siégé à des CA. Or, on trouve moins de femmes que d'hommes qui possèdent de l'expérience dans des conseils», répond Eduardo Schiehll. D'où la nécessité pour les femmes de se faire des amis influents ailleurs, comme dans une école d'élite.

Ce qui amène la question suivante : faut-il revoir les critères préalables au poste de président du conseil pour permettre à davantage de femmes d'y accéder ? Le nombre d'années cumulées dans des CA, par exemple.

«Je ne sais pas, répond Eduardo Schiehll. Cependant, on ne peut pas exiger d'une population des critères qui, traditionnellement, n'existent pas encore.»

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