Le partenariat de Jürgen Engel

Publié le 01/05/2009 à 00:00

Le partenariat de Jürgen Engel

Publié le 01/05/2009 à 00:00

Æterna Zentaris abandonne un peu de contrôle et de profit, et s'allie à Sanofi-Aventis pour commercialiser un médicament jugé prometteur pour une maladie courante de la prostate.

Jürgen Engel se passionne pour la médecine depuis son plus jeune âge. Bientôt, il pourrait bien faire une contribution importante qui améliorera la vie des hommes vieillissants. Sa société, Æterna Zentaris, compte lancer un traitement novateur de l'hyperplasie (grossissement) bénigne de la prostate grâce à son médicament, le cetrorelix, qui fait l'objet d'études cliniques de phase 3.

Cependant, il manque une pièce importante au puzzle : la portion ventes et marketing. Commercialiser le cetrorelix peut facilement coûter plus de 100 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent pour cette biopharmaceutique de Québec. Mais pas assez pour empêcher Jürgen Engel de continuer. Plutôt que de baisser les bras ou de prendre un risque excessif, le dirigeant opte pour une troisième voie : la création d'un partenariat. Il s'est tourné vers la pharmaceutique fran-çaise Sanofi-Aventis.

Les deux entreprises ont signé un partenariat de développement, de commercialisation et de licence pour le cetrorelix aux États-Unis. Au départ, Æterna reçoit 30 millions de dollars américains et ses droits peuvent atteindre 135 millions en paiements additionnels. La multinationale fran-çaise s'occupe de la commercialisation américaine et peut mener des études supplémentaires sur le produit. Æterna conserve des droits de copromotion et s'attend à des redevances croissantes sur les ventes.

La stratégie d'affaires est des plus intéressantes, car elle s'inscrit dans une vague de changement pour l'industrie pharmaceutique dans laquelle Æterna Zentaris entend bien prendre sa place à titre de biopharmaceu-tique intégrée.

"Heureusement, ou malheureusement, nous ne verrons plus les produits dominants d'autrefois, mais plutôt de la médecine personnalisée, prédit Jürgen Engel. L'approche sera plus ciblée pour le développement clinique. Dans cette veine, nous traitons les symptômes d'hyperplasie bénigne de la prostate au lieu d'attaquer la maladie elle-même. Cela deviendra important, car pré-venir des complications est plus efficace, notamment en raison de coûts réduits."

Le grossissement de la prostate, le symptôme au-quels'intéresseÆterna, nuit à la fonction urinaire, ce qui peut mener à la chirurgie. "Nous aurons la preuve que le cetrorelix, si ça se confirme en phase 3, est un agent modificateur, affirme le gestionnaire. Il réduit ou con-trôle le grossissement de la prostate. Le deuxième point est spéculatif, mais le cetrorelix pourrait avoir des effets bénéfiques sur l'inflammation de l'organe. Selon la Texas University à Dallas, l'inflammation chronique fait partie des symptômes de la maladie."

Lepotentieldecetraitementest énorme : la taille du marché serait de 200 à 500 millions de dollars américains par an aux États-Unis, et de près de trois milliards dans les pays les plus développés d'Amérique du Nord et d'Europe. C'est sans compter les marchés émergents, qui deviendront le principal espoir des pharmaceutiques d'ici 2020 si les prévisions de la firme Price-Waterhouse se réalisent.

Jürgen Engel croit que l'approche ciblée prendra aussi toute son importance dans le traitement du cancer, une maladie visée par quatre autres produits en développement chez Æterna. "Nous connaissons maintenant mieux les mécanismes de la prolifération des cellules cancéreuses ainsi que leurs récepteurs, ce qui permet de mieux les attaquer."

Il reste que l'entente de commercialisation du cetrorelix vise à pallier le manque de personnel de ventes et marketing. "Le marketing coûte très cher, déplore le PDG. En moyenne, les coûts de lancement équivalent environ à ceux de la R-D. Le marché qui nous intéresse est très vaste. Il nous faut un personnel de vente bien établi. Bâtir cela à partir de zéro est trop dangereux. Il serait très risqué de commencer le travail nous-mêmes immédiatement, avec un nouveau produit et une nouvelle équipe sur le terrain. Nous avons donc choisi Sanofi-Aventis afin de conserver le droit de copromotion avec eux, une fois le lancement réussi, et d'avoir une bonne chance de participer aux profits."

C'est là que le bât blesse. Æterna Zentaris doit sacrifier une part de rentabilité en confiant une partie du travail à autrui.

"Il faut regarder la situation sous deux angles, ajoute le patron d'Æterna. Comme nous ne voulons pas perdre trop de con-trôle, nous demeurons responsables de tout le programme jusqu'à l'approbation réglementaire. De plus, nous formons des comités conjoints avec Sanofi-Aventis, où nous décidons s'il est nécessaire de lancer des études cliniques supplémentaires. Donc, nous n'avons pas abandonné trop de contrôle."

Si les facteurs mentionnés précédemment semblent faire du cetrorelix un traitement prometteur, l'entreprise prend quand même d'assaut un marché occupé par des leaders comme le Flomax. "C'est là qu'il est avantageux d'avoir pour partenaire une des cinq plus importantes pharmaceutiques du monde, souligne Jürgen Engel. Sanofi-Aventis est expérimentée en urologie, ce qui fait que nous n'avons pas peur des concurrents."

De plus, le médecin estime que le cetrorelix détient un avantage concurrentiel clinique. En ce moment, il y a deux groupes de produits sur le marché. Les premiers, les alphabloquants, traitent les sym-ptômes afin que le patient se sente mieux. "Toutefois, précise le PDG, ils n'ont aucune incidence sur la taille de la prostate, qui continue de croître avec le temps."

L'autretypedemédicament,baptisé "inhibiteur de la 5 alpha réductase", a un impact sur la taille de la prostate, "mais l'effet sur les symptômes n'est pas important et il faut le prendre chaque jour pendant six mois", explique Jürgen Engel.

La norme pour l'avenir serait la combinaison des deux types de produits, suppose le médecin, mais ils ont tous des effets secondaires indésirables. Plus de 10 % des patients sont affectés sur le plan sexuel, et certains d'entre eux ont besoin d'une dose orale quotidienne. "Notre traitement comporte une série d'injections faites à quelques mois d'intervalle et sans effet secondaire sur la vie sexuelle. Ce sont là des avantages importants."

Il reste à voir si les études de phase 3 mèneront à une approbation, ce qui n'est jamais garanti. Jürgen Engel le sait, mais il croit en ses chances. "Habituellement, des études en phase 3 ont 70 % de chances de réussite. La nôtre portait sur 500 personnes, ce qui ressemble plus au programme d'une grande pharmaceutique qu'à celui d'une biopharmaceutique comme la nôtre. De plus, la molécule cetrorelix existe déjà en différentes formulations depuis 1999. Nous avons traité plus de 700 000 patients avec le cetrotide (traitement pour la fertilité) dans plus de 80 pays. Le profil de sécurité est différent de celui de plusieurs produits en phase 3. On estime que les chances de réussite dépassent les 70 %."

David Martin, analyste du courtier Dundee Securities, considère que l'entente signée entre Æterna et Sanofi-Aventis semble attrayante. "Ils reçoivent de l'argent immédiatement sans que cela dilue leurs actifs, tout en trouvant un partenaire de marketing fort. Il est vrai qu'ils ne peuvent pas bâtir tout de suite une infrastructure de commercialisation eux-mêmes. C'est un gros risque à prendre, surtout quand on tient compte de l'état actuel des marchés financiers. Si le financement circulait librement, Æterna n'aurait pas à faire ce choix."

L'analyste a l'impression que la situation de cette biopharmaceutique pourrait être bien pire. "Habituellement, si une compagnie accorde une licence très tôt, elle abandonne une partie importante des profits. Æterna est probablement sur un pied d'égalité avec son partenaire. C'est un profil de risque assez équilibré."

Æterna Zentaris semble donc capable d'ouvrir une brèche dans un marché important, alors que la population vieillit. Si son plan fonctionne, Jürgen Engel souri-ra certainement à l'idée d'avoir prévenu des souffrances.

JÜRGEN ENGEL sera honoré en novembre 2009 au Gala du Commerce en compagnie des autres Audacieux. Les profits de ce gala serviront à remettre des bourses d'études.

finances@munger.ca

L'ENJEU

PERCER

un marché de trois milliards de dollars avec un traitement du grossissement de la prostate.

LA STRATÉGIE

CONFIER

une partie du travail à une multinationale afin de partager le risque financier du projet.

LE MONDE

AMÉLIORER

la qualité de vie des patients sans entraîner d'effets secondaires sur leur vie sexuelle.

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