Le défi de la croissance porte un nom : les scale-up


Édition du 19 Novembre 2016

Le défi de la croissance porte un nom : les scale-up


Édition du 19 Novembre 2016

Par Alain McKenna

Sylvain Carle, associé du fonds montréalais Real Ventures.

La Banque du Canada sonne l'alarme : depuis 15 ans, une seule PME sur 1 000 au pays a pu atteindre la marque des 100 employés. C'est très peu. Et c'est la moitié moins qu'il y a 15 ans (0,18 %). Pour corriger cette situation, ça prendra plus que de l'argent.

Dans le secteur technologique, le problème est bien connu. À force d'insister sur l'amorçage et le démarrage, on a déplacé le problème de la création de nouvelles entreprises vers la traversée de cette période de forte croissance qui vient tout de suite après.

Quand une entreprise atteint les premières étapes de la commercialisation, et que la demande s'emballe, il peut arriver un moment où il ne faut plus seulement trouver du financement pour soutenir cette croissance effrénée ; il faut trouver des employés aguerris et des partenaires commerciaux d'expérience pour répondre efficacement à cet engouement.

En un mot, cette entreprise a atteint le statut de scale-up, un terme utilisé en entrepreneuriat ces jours-ci. «On en entend de plus en plus parler, car c'est un stade crucial de la croissance des jeunes entreprises», explique Marnix Housen, qui dirige ICAB, un incubateur et accélérateur technologique établi à Bruxelles.

Créer des PME de 100 employés ou plus est un enjeu qui transcende les frontières. En Belgique, le phénomène des scale-up est pris très au sérieux, puisque la plupart des entreprises échouent à atteindre ce stade. Comme chez nous.

«La moitié des start-up ferment en moins de 3 ans. C'est un problème, car en Belgique, elles prennent souvent 4 à 5 ans avant de pouvoir obtenir un financement de série A.» Lors d'une présentation organisée dans le cadre de la Semaine numérique de Bruxelles, des représentants de l'industrie s'inquiétaient justement du fait que 38 % de ces jeunes entreprises sont classées dans cette catégorie des scale-up. Une proportion autrement plus élevée qu'à Montréal, où 3 % des start-up seulement comptent plus de 50 employés. Chez nous, la vaste majorité des quelque 400 jeunes pousses citées dans le «Portrait de l'écosystème startup montréalais» de la firme Credo, publié au début de novembre, compte moins de 10 employés.

Par conséquent, en ce moment, ce petit pays européen traverse un dur moment : 50 000 emplois y dépendent d'entreprises dont les chances de réussite semblent bien minces, en fin de compte.

«Quand ça va vite, ça va vraiment vite»

Gérer la croissance, diront plusieurs, est un beau problème. À condition de ne pas perdre le contrôle. «La particularité d'une scale-up est qu'en 2 ou 3 ans, elle subit l'équivalent d'une croissance qui s'étalerait normalement sur 5 à 10 ans, résume Sylvain Carle, associé du fonds montréalais Real Ventures. Ça met beaucoup de pression sur l'entreprise, mais aussi sur son environnement. Dans la Silicon Valley, on trouve assez d'expertise chez Google ou Facebook pour aider à passer au travers. Ailleurs, c'est plus limité.»

Au Canada, ces jeunes entreprises à croissance accélérée sont récemment devenues le point focal de l'industrie. À la fin d'octobre, le Lazaridis Institute de Waterloo a justement dévoilé le Canadian Scale-up Program. Dix entreprises de 100 employés, dont Arc4dia et Noviflow, de Montréal, recevront l'aide d'experts reconnus en gestion de la croissance.

Acquisition de talent, marchés mondiaux, design, gestion du risque... Tout y passe. «C'est un défi collectif d'assurer le succès des entreprises à ce moment clé de leur croissance», explique Carlo Chiarello, pdg de l'institut ontarien.

«C'est grave, et aborder le problème de front est une preuve de maturité», estime Sylvain Carle. Au Québec, on compte plus d'une dizaine de ces entreprises, comme Sonder (ex-Flatbook) et Breather. M. Carle ajoute Lightspeed, qui vient de franchir cette étape.

À Montréal, on lorgne du côté de la Californie et de l'Europe pour trouver l'expertise qui se démarquera. Sur le vieux continent, on regarde de ce côté-ci de l'Atlantique. Bref, ça dépasse les frontières. «D'où l'importance de miser sur un écosystème d'entreprises et d'entrepreneurs prêts à partager leurs connaissances», conclut Marnix Housen.

Sinon, les statistiques de la Banque du Canada n'iront pas en s'améliorant au cours des 15 prochaines années.

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