Entrevue: Howard Warren Buffett, directeur, Fondation Howard G. Buffett

Publié le 24/12/2012 à 00:00

Entrevue: Howard Warren Buffett, directeur, Fondation Howard G. Buffett

Publié le 24/12/2012 à 00:00

Par Diane Bérard

D.B. - Les organisations caritatives «vendent» la souffrance. Selon vous, ce modèle cloche. Pourquoi ?

H.W.B. - Le modèle d'entreprises des organisations caritatives renferme une faille importante : il ne tient pas compte du fait que l'acheteur et le consommateur ne sont pas les mêmes personnes. On vise à satisfaire l'acheteur, mais on oublie le consommateur. Je m'explique. L'acheteur est le donateur. Il «achète» la cause que vous vendez en faisant un don. Le consommateur est le bénéficiaire. Mais ce n'est pas un consommateur comme les autres. En affaires, si les consommateurs n'aiment pas votre produit ou votre service, ils cessent de l'acheter. Les consommateurs des organisations caritatives, eux, ne peuvent se permettre de cesser de consommer l'aide que vous leur donnez. Ils en ont besoin. Pour cette raison, il n'y a pas de mécanisme de rétroaction ou de vérification de la satisfaction du consommateur. Donc, pas d'incitation pour améliorer le système, le service ou le produit. Et puis, l'acheteur et le consommateur communiquent rarement entre eux, ce qui perpétue les inefficacités.

D.B. - La philosophie d'investissement de votre grand-père, Warren Buffett, est devenue un modèle. Vous en inspirez-vous pour choisir les programmes auxquels la Fondation Howard G. Buffett s'associe ?

H.W.B. - Oui. Nos décisions d'investissement s'appuient sur les principes du Social Value Investing, qui eux-mêmes reposent sur ceux du Value Investing de Benjamin Graham. [Considéré comme l'un des plus grands investisseurs de tous les temps, il a enseigné à Warren Buffett à la Columbia University qui fut, paraît-il, son seul élève à décrocher la note A+. Devenu investisseur, Buffett a toujours appliqué les principes d'investissement prudents de Benjamin Graham.]

D.B. - Vous estimez que les principes du Social Value Investing (SVI) devraient guider la gestion de tous les actifs sociaux, dont l'argent des fondations phil- anthropiques. Expliquez-nous ces principes.

H.W.B. - Il y en a trois. D'abord, traitez vos bénéficiaires comme des actionnaires ou des copropriétaires du projet. Cela suppose que vous les impliquiez dans tout investissement lié à leur communauté. Sans ce lien, aucune action philanthropique ne peut se traduire par des résultats durables. Ensuite, bâtissez votre action autour d'une chaîne de valeur. Misez sur la spécialisation, les économies d'échelle et la coopétition entre ONG (coopération entre des acteurs économiques qui, par ailleurs, sont des concurrents). Finalement, investissez dans le capital humain. À l'image de Berkshire Hathaway [l'entreprise que dirige Warren Buffett], qui fait de ses gestionnaires les gardiens de son portefeuille, les fondations devraient accorder plus de pouvoir aux gestionnaires des ONG. Il faut en faire les gardiens du «capital philanthropique». Des coalitions des meilleurs gestionnaires d'ONG devraient déterminer ensemble quelles sont les meilleures approches pour obtenir les résultats sociaux désirés. Ces coalitions doivent être bâties en tenant compte de l'expertise et des qualités de gestionnaire de chacun.

D.B. - Les dirigeants des ONG se battent tous pour les mêmes dollars. Comment allez-vous les convaincre de collaborer ?

H.W.B. - Il ne s'agit pas de les convaincre de collaborer, mais bien de les y inciter. Par exemple, en récompensant la collaboration par des initiatives telles que The Collaboration Prize [thecollaborationprize.org]. Ce prix couronne les initiatives conjointes entre ONG. J'ai siégé au jury de l'édition 2011. Huit équipes finalistes ont chacune reçu 12 500 $ et l'équipe gagnante, 150 000 $.

D.B. - Avant de vous joindre la Fondation Howard G. Buffett, vous avez travaillé pour le gouvernement. Pourquoi ce détour ?

H.W.B. - Je l'ai fait pour l'expérience. On peut difficilement comprendre comment fonctionne le gouvernement, ou pourquoi il ne fonctionne pas, sans en avoir fait partie.

Est-ce une organisation aussi inefficace que l'estiment les gens d'affaires ?

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