L'entrevue n181: Daphne Koller cofondatrice, coursera


Édition du 23 Novembre 2013

L'entrevue n181: Daphne Koller cofondatrice, coursera


Édition du 23 Novembre 2013

Par Diane Bérard

Daphne Koller cofondatrice, coursera

Il y a 18 mois, Daphne Koller et Andrew Ng, deux professeurs de l'Université Stanford, ont lancé la plateforme d'éducation en ligne Coursera. Débuté comme un projet universitaire, Coursera est une start-up vedette des cours en ligne. Time classe l'entrepreneure de 45 ans, et son partenaire d'affaires parmi les 100 personnalités les plus influentes de la planète.

Diane Bérard - Vous êtes professeur au Département d'informatique de Stanford et pourtant, vous n'aimiez pas l'école. C'est étrange, non ?

Daphne Koller - Je n'aimais pas l'école parce qu'elle est conçue pour les étudiants de la médiane. Ceux qui apprennent plus vite ou plus lentement se découragent. Les premiers s'ennuient et les seconds décrochent.

D.B. - Comment avez-vous appris à aimer l'école ?

D.K. - J'ai contourné le cursus éducatif traditionnel. À 13 ans, j'ai demandé à mon père de m'inscrire à des cours universitaires. Le directeur du Département de mathématiques de l'université hébraïque de Jérusalem a accepté de m'inscrire à l'essai. À condition que je poursuive en même temps mes études secondaires. Ce que j'ai fait. Ces cours universitaires ont été crédités une fois mon diplôme secondaire décroché.

D.B. - En quoi votre parcours a-t-il motivé le lancement de Coursera ?

D.K. - La soif de connaissances que j'ai connue, bien d'autres la vivent aussi. Il faut trouver des moyens de la combler, car elle empêche trop de gens de développer leur potentiel. Les cours en ligne font partie de la solution. Ils rendent un grand nombre de connaissances facilement accessibles gratuitement à une vaste communauté d'individus.

D.B. - Près de 5,5 millions d'étudiants dans le monde suivent les cours de la plateforme Coursera. Qui sont-ils ?

D.K. - Ils se répartissent en quatre groupes. D'abord, des étudiants qui s'ennuient à l'école et veulent fouiller certaines matières. Ensuite, des adultes qui doivent parfaire leurs connaissances parce que leur tâche évolue. Apprendre en lisant est trop solitaire. S'inscrire à une école de leur quartier, trop contraignant. Évidemment, nos cours attirent aussi les étudiants des pays pauvres où les infrastructures sont inaccessibles ou n'offrent pas suffisamment de places. Dans certains pays, des parents meurent piétinés alors que la foule se rue pour décrocher les quelques places disponibles dans les collèges et les universités. Enfin, nous comptons une nouvelle clientèle : les étudiants universitaires qui ajoutent la formation en ligne pour approfondir leurs connaissances. C'est ce qu'on appelle «la classe inversée» [flipping the classroom]. La classe devient un lieu où l'on discute en groupe de ce qu'on a appris en ligne.

D.B. - L'éducation en ligne n'est pas un concept nouveau. Pourquoi cet engouement tout à coup ?

D.K. - D'abord, parce que la technologie s'est améliorée. Vous pouvez arrêter le cours et poser des questions, par exemple. Ensuite, la société a évolué. Netflix, YouTube, Instagram, Facebook... nous nous divertissons, nous communiquons et nous nous informons de plus en plus par l'intermédiaire d'un support numérique. Apprendre en ligne s'inscrit dans ces nouvelles habitudes.

D.B. - Votre plateforme offre plus de 500 cours d'une centaine d'établissements. Pourquoi ces écoles acceptent-elles d'offrir leur contenu gratuitement ?

D.K. - Elles y gagnent une visibilité énorme. Une salle de classe accueille au plus quelques centaines d'étudiants. Un cours en ligne en rejoint des dizaines de milliers. Les collèges et les universités se battent pour attirer les meilleurs étudiants, les cours en ligne deviennent une formidable campagne de marketing. Et puis, cette nouvelle façon d'enseigner constitue un enrichissement de la tâche. Pour certains professeurs, enseigner est une portion du travail dont ils s'acquittent pour pouvoir faire de la recherche. Plus maintenant. Enseigner devient cool. L'éducation en ligne permet d'être créatif. Sans compter qu'il y a des revenus à la clé. Ces milliers d'étudiants désormais rejoints désirent des attestations. Les cours sont gratuits, mais pas les attestations.

D.B. - Les cours en salle disparaîtront-ils ?

D.K. - Non, mais les universités doivent se réinventer. Le contenu des cours devient une commodité. Les universités ne peuvent plus en faire leur valeur ajoutée. Il leur faut trouver une nouvelle proposition de valeur. Que peut offrir un campus qui transcende l'expérience en ligne ? L'interaction sociale, la recherche en laboratoire, le tutorat, l'émulation.

D.B. - Vous avez recueilli 65 M$ US au cours de deux tours de financement. Quelles sources de revenus avez-vous présentées aux investisseurs ?

D.K. - Nous leur avons présenté plusieurs modèles commerciaux, dont celui des revenus tirés des attestations aux étudiants. Mais les investisseurs sont surtout venus parce qu'ils voient un marché énorme en éducation.

D.B. - Comment un professeur peut-il noter des dizaines de milliers d'étudiants ?

D.K. - Il ne le peut pas. Les étudiants sont évalués par l'ordinateur. On trouve des programmes de plus en plus sophistiqués qui peuvent noter non seulement les réponses à choix multiples, mais aussi de courtes phrases, des expressions mathématiques et des programmes informatiques. Dans le cas d'essais ou de compositions musicales, par exemple, les étudiants se notent entre eux. Ce système fonctionne plutôt bien.

D.B. - Vous accordez des attestations. Accorderez-vous un jour des diplômes ?

D.K. - Non, nous sommes une société technologique, pas une maison d'enseignement. Mais je sais que cette tendance se dessine. En Afrique, certaines entreprises ne se contentent pas d'offrir des attestations pour leurs cours en ligne, elles décernent de véritables diplômes.

D.B. - Vous êtes d'abord professeure. Quel a été le principal défi de votre passage à l'entrepreneuriat ?

D.K. - Sur le plan personnel, la perte de contrôle sur mon horaire. Je passe beaucoup moins de temps avec ma famille. Sur le plan professionnel, m'assurer que tous les employés travaillent autour de la même mission. J'étais habituée à gérer un laboratoire. On ne s'attend pas à ce que tous les chercheurs partagent la même mission. Chacun poursuit sa voie. On ne leur demande que de performer.

twitter.com/diane_berard

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