L'économie du partage, un eldorado ?


Édition du 13 Août 2016

L'économie du partage, un eldorado ?


Édition du 13 Août 2016

[Photo : 123RF/rawpixel]

Comme vous, je me passionne pour l'actualité économique et surveille avec grand intérêt les courants et tendances qui définiront le monde entrepreneurial de demain. La consommation collaborative et la saga qui entoure les plateformes Uber et Airbnb figurent certainement parmi les sujets qui méritent notre attention.

Depuis quelques années, l'économie du partage est une déferlante qui emporte tout sur son passage. On se loue une maison de vacances sur Airbnb. On vend ou achète des articles de seconde main sur des plateformes comme Kijiji ou LesPAC. Ce qui était un créneau modeste a maintenant atteint la maturité et séduit toutes les strates de la société.

Tous les secteurs sont touchés. Selon une étude de PwC, l'économie du partage représentera un marché de 335 milliards de dollars dans 10 ans, par rapport à 15 G$ en 2013. Plus encore, 68 % des consommateurs dans le monde seraient prêts à partager ou à louer des biens, selon la firme de recherche Nielsen.

Le partage et le troc ne sont pas nouveaux. Alors, pourquoi parle-t-on de révolution collaborative ? Propulsés par les nouvelles technologies, ces services nous permettent maintenant de coordonner plus efficacement que jamais les échanges entre particuliers ou entre entreprises et utilisateurs. Les possibilités sont infinies, d'autant que cette économie parallèle intéresse de nombreux investisseurs.

Outre les coûts de développement et de gestion de la plateforme, les investissements sont généralement minimes pour les start-up de l'économie collaborative. Une fois la masse critique de transactions atteinte, chaque utilisateur additionnel vient améliorer la rentabilité de l'entreprise.

L'envers du décor

Le Bureau de la concurrence et l'Institut économique de Montréal se sont prononcés en faveur de l'arrivée de ces nouveaux acteurs.

Il est vrai que ce vent de changement peut être porteur d'innovations pour les entreprises au modèle plus traditionnel. Je me pose toutefois quelques questions.

En théorie, ces diverses plateformes permettent aux consommateurs de contourner les canaux commerciaux habituels pour faire des affaires entre eux. Mais en pratique, est-ce que la collectivité gagne vraiment au change ?

Derrière des figures de proue comme Uber et Airbnb se cache une réalité moins reluisante, tant pour les utilisateurs et que pour les autres acteurs du milieu.

Si certains consommateurs ont l'impression d'exercer une douce revanche sur les multinationales qui font des profits mirobolants sur leur dos, on oublie trop souvent qu'Airbnb et Uber sont elles aussi des entreprises milliardaires qui cherchent la rentabilité pour leurs investisseurs. Peu importe que le géant Uber s'installe à Paris, Tokyo ou Montréal, ses bénéfices vont directement dans les poches de ses actionnaires de la Silicon Valley.

Il est aussi question de concurrence déloyale, puisque ces réseaux échappent aux règles et aux lois que les institutions traditionnelles doivent respecter. Ces entreprises tirent leur épingle du jeu, car elles rivalisent avec les hôteliers, taxis et autres secteurs en occupant les infrastructures existantes, sans aucun investissement de leur part.

L'économie du partage soulève en plus des questions quant à la protection des travailleurs. Et je ne parle même pas des pratiques fiscales parfois douteuses !

Des initiatives de chez nous

L'économie de partage est ici pour rester. Toutes les industries sont configurables dans une optique de consommation collaborative !

Je crois cependant qu'il faut accompagner cette révolution, mieux réguler ce secteur pour protéger les utilisateurs et les travailleurs dont la position est affaiblie face à ces nouveaux monopoles, sans toutefois décourager l'innovation auprès des entreprises traditionnelles.

En tant que société, nous ne sommes pas obligés de laisser entrer un acteur international. Il est possible de créer nos propres systèmes, afin de stimuler la croissance de nos entreprises émergentes. Nous pouvons prendre une idée et la personnaliser en fonction de notre culture, de notre population, de notre contexte géographique et démographique...

Il n'est pas toujours facile de développer le tourisme dans certaines régions du Québec. Le manque de personnel, de restaurants et d'hôtels décourage parfois les visiteurs. Pourquoi ne pas offrir une expérience locale en s'inspirant du modèle Airbnb ? Les citoyens seraient ainsi mis à contribution dans un projet collaboratif qui avantage la collectivité dans son ensemble.

Un autre exemple éloquent ? En Corée du Sud, une municipalité a choisi d'interdire Uber, non pas pour protéger l'industrie des taxis, mais pour développer ses propres applications inspirées du concept. Pourquoi une société américaine viendrait-elle gérer les déplacements dans une ville asiatique ?

Je me réjouis de voir émerger de nombreuses petites entreprises et initiatives québécoises qui visent le partage ou l'échange de biens et de services, avec ou sans frais.

OuiShare Montréal, un organisme satellite de la communauté mondiale OuiShare, se donne pour mission de mettre en valeur les projets locaux et de favoriser l'accélération des idées liées à l'économie de partage.

L'organisme en est à ses balbutiements au Québec, mais fait sentir sa présence dans une vingtaine de pays d'Europe, d'Amérique et d'Afrique du Nord. Il rassemble des autoentrepreneurs et des mouvements citoyens.

Quelques exemples de projets locaux intéressants ? Sharing Kit et La Remise, des entreprises de prêt et de partage d'outils pour réaliser des travaux manuels sans dépenser des fortunes. La Gare, Esplanade ou Ecto, des lieux de travail collaboratif sur mesure pour les travailleurs autonomes et les jeunes entrepreneurs. Deuxième Édition, Loue1Robe et La Petite Robe Noire, des boutiques de vêtements et accessoires de seconde main ou en location triés sur le volet. Sensorica, un atelier communautaire où les entrepreneurs peuvent avoir accès à des équipements autrement coûteux, comme des logiciels libres, des imprimantes 3D ou des découpeuses au laser.

Pourquoi ne pas mettre de l'avant ces initiatives locales qui promettent d'encourager l'innovation, la créativité et la richesse de notre pays ? L'économie du partage n'est ni bonne ni mauvaise en soi. Il faut simplement l'utiliser avec jugement pour en tirer le meilleur parti.

Biographie

Danièle Henkel a fondé son entreprise en 1997, un an après avoir créé et commercialisé le gant Renaissance, distribué partout dans le monde. Mme Henkel a été plusieurs fois récompensée pour ses qualités de visionnaire et son esprit entrepreneurial. Elle a été juge dans la téléréalité à caractère entrepreneurial Dans l'oeil du dragon, diffusée à Radio-Canada.

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