Joey Basmaji, l'homme derrière la réussite de Jacob

Publié le 21/06/2010 à 11:00

Joey Basmaji, l'homme derrière la réussite de Jacob

Publié le 21/06/2010 à 11:00

Par Marie-Claude Morin

Joey Basmaji. Photo : Rachel Côté

Le fondateur de la chaîne de vêtements Jacob, Joey Basmaji, explique dans une rare entrevue comment il entend donner un souffle nouveau à ses commerces et assurer sa succession.

Joey Basmaji évite les projecteurs, préférant laisser toute la place à ses magasins. À tel point que la plupart des consommateurs oublient que sa femme Odette et lui ont créé la chaîne Jacob à partir de la mercerie paternelle de Sorel en 1977.

PLUS : Jacob devient adulte

« Bien des gens pensent que nous sommes une entreprise américaine ou même européenne », reconnaît d'emblée le président et unique propriétaire de Jacob, lorsqu'il nous reçoit au siège social de l'entreprise, situé dans l'arrondissement Saint-Laurent, à Montréal. Il est accompagné de Cristelle, sa fille unique, revenue dans l'entreprise familiale l'an dernier à titre de directrice des communications.

L'homme d'affaires de 57 ans brandit pourtant avec fierté l'identitié de sa chaîne, nommée en souvenir de son père. « En tant qu'organisation canadienne et québécoise, nous n'avons rien à envier à personne : nous fabriquons des produits aussi bons, sinon meilleurs, que n'importe qui dans le monde », dit-il d'un ton posé, lors d'une rare entrevue.

Pas question pour autant de se lancer à la conquête du monde. Si certains détaillants rêvent de conquérir le marché américain, Joey Basmaji, lui, n'a pas besoin d'aller au-delà des frontières pour rêver d'expansion.

Ce fils d'immigrant Syrien prévoit en effet ouvrir 100 commerces au Canada au cours des cinq prochaines années, tout en diversifiant son offre de produits. « Les chaînes étrangères ne viennent que dans les marchés primaires (les grands centres urbains). Or, il y a suffisamment de marchés secondaires pour que nous devenions vraiment importants au Canada », dit-il. D'ailleurs, à ses yeux, les vrais concurrents de Jacob, qui compte 2 500 employés au Canada, ne sont pas des chaînes européennes comme Zara et H&M, mais plutôt Le Château et Reitmans.

Miser sur de plus petites villes

Après s'être développée dans les grands centres, où sont établies la plupart de ses 170 localisations (220 boutiques), la chaîne cible maintenant des villes comme Granby, Rimouski ou Saskatoon. Elle compte ouvrir 100 commerces dans ces marchés secondaires d'ici 2014.

Pour Joey Basmaji, tant qu'il y a suffisamment de femmes et qu'elles sont assez bien nanties, Jacob peut percer. « Les clientes sont aussi intelligentes et adeptes de la mode dans les marchés secondaires que dans les marchés primaires », fait valoir celui qui ne cesse jamais d'observer les styles vestimentaires autour de lui, sauf lorsqu'il se promène en forêt.

John Williams, associé principal chez JC Williams, une firme d'experts-conseil en commerce de détail, estime que le style Jacob s'adresse à une cliente plutôt urbaine, ce qui limiterait l'expansion de la chaîne aux 20 plus grandes villes canadiennes. Les projets de l'entreprise ne l'inquiètent pas pour autant. « La direction de Jacob est tellement disciplinée, elle prendra de bonnes décisions », dit-il, soulignant le succès constant de la chaîne depuis plus de 30 ans.

Pour sa part, JoAnne Labrecque, professeure de marketing à HEC Montréal, aime l'idée de s'attaquer aux marchés secondaires. Les chaînes étrangères y sont peu ou pas présentes, et contrairement aux grands centres, ces marchés ne sont pas saturés, note-t-elle. « Jacob pourrait y devenir un acteur dominant. »

Marier Jacob et Jacob Connexion

Pour faciliter son entrée dans des villes de taille moyenne, le détaillant fusionne Jacob Connexion, son enseigne spécialisée dans les vêtements décontractés, à Jacob, où sont vendus les vêtements et accessoires plus classiques.

Dès août, toute la collection d'automne et les enseignes n'arboreront que le nom Jacob. La lingerie, quant à elle, occupera un espace adjacent, mais communiquant, ou sera intégrée au magasin.

La chaîne continuera d'exploiter indépendamment Josef, son enseigne haut de gamme qui cible les femmes de plus de 35 ans. Elle prévoit ajouter au moins dix boutiques Josef aux huit déjà existantes d'ici cinq ans. Quant à Danz, qui vend des vêtements liés à la danse dans son unique magasin de Montréal, c'est un « concept à l'essai, en évolution, avec lequel [elle] joue ». La chaîne limite pour le moment les risques en n'y associant pas directement son nom.

Dans les nouveaux Jacob, les clientes retrouveront la même gamme de produits, qu'elles soient dans un magasin de 4 000 ou de 6 000 pieds carrés. Seules les quantités varieront.

Joey Basmaji assure que l'unification des deux enseignes adaptera les magasins urbains aux nouvelles habitudes des consommatrices, qui passent en moyenne 72 minutes dans un centre commercial. « Elles ne font plus du lèche-vitrine toute la journée le samedi, elles viennent acheter rapidement. »

Pour s'assurer que ces virées éclair aient lieu chez Jacob, le détaillant offrira, entre autres, des vêtements destinés aux événements spéciaux. L'entreprise bonifie aussi son site Web, où elle présente ses produits et offre des conseils de stylistes. « Les clientes magasinent toutes les collections sur le Web, puis visitent le magasin qui répond le plus à leurs désirs. »

John Williams salue le regroupement des enseignes. « Cela optimisera autant l'utilisation de l'espace que l'expérience client, puisque la clientèle est la même. »

Ces changements apporteront aussi un vent de nouveauté, qui conservera l'intérêt des clientes, commente Michèle Beaudoin, professeure à l'École supérieure de mode de Montréal, de l'UQAM. « Jacob a toujours su s'adapter aux tendances tout en préservant son identité », dit la chercheuse.

Élargir la gamme de produits

Si les clientes cherchent de tout en magasin, pourquoi ne pas leur offrir des chaussures ? Le visage de Joey Basmaji s'éclaire d'un sourire à la question. Pour cause : dès l'automne 2011, les présentoirs de Jacob en seront garnis. Au final, la direction espère tirer 10 % de ses ventes de ce créneau.

Pour y parvenir, elle s'associera à des designers, des manufacturiers ou des fournisseurs de produits clé-en-main. M. Basmaji dit ne pas envisager d'alliance avec une grande chaîne comme Aldo. « Ce n'est pas nécessaire, puisque nous pouvons nous approvisionner directement auprès des fabricants chinois », dit-il.

Le dirigeant a également les accessoires dans sa mire. Il vient de mandater une spécialiste pour accroître son offre. Il espère que ceux-ci généreront 10 % des ventes d'ici quelques années.

Évaluer les occasions d'affaires à l'extérieur du Canada

S'il priorise le Canada comme terrain de jeu, Joey Basmaji ne ferme pas la porte aux autres occasions qui se présentent. « Nous recevons tous les jours des appels pour vendre des franchises ou développer des coentreprises », affirment Joey et Cristelle Basmaji. Australie, Japon, Angleterre, Arabie saoudite... l'entreprise étudie les offres, à son rythme.

Jacob considère aussi retourner aux États-Unis, où elle a essuyé deux échecs à Boston. Cette fois-ci, la chaîne n'ouvrira pas de magasin. Elle lancera plutôt un site transactionnel, prévu pour la fin de 2011, et envisage d'intégrer des espaces-boutiques dans des chaînes américaines comme Macy's ou Bloomingdales.

« L'avantage d'être une entreprise à capital fermé, c'est que nous n'avons rien à prouver à personne », se réjouit le président, qui dit vouloir entreprendre ces projets pour les bonnes raisons. « Quand on fait pression sur une organisation, c'est sur des gens qu'on l'exerce. Et ces gens, ce sont des êtres humains, ce sont nos employés. »

 

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