Héma-Québec: Une usine pour fabriquer des tissus humains à Québec


Édition du 23 Novembre 2013

Héma-Québec: Une usine pour fabriquer des tissus humains à Québec


Édition du 23 Novembre 2013

ean De Serres, président et chef de la direction d'Héma-Québec, qui vient d'être honoré à titre de Gestionnaire 2013 aux Prix Performance du Réseau ESG UQAM.

De la peau. Des vessies. Des cellules cardiaques ou pancréatiques. C'est ce que fabriquera Héma-Québec à sa future usine de Québec, dont la construction commencera au début de l'année prochaine. Si vous croyez encore que l'organisme se spécialise dans la collecte de sang, il est temps de mettre vos connaissances à jour.

«Il n'y a encore aucun médicament issu de cellules souches sur le marché canadien, mais il va y en avoir des centaines d'ici 5 à 10 ans. Cela représente une incroyable occasion pour le Québec, et on ne veut pas la manquer», dit Jean De Serres, président et chef de la direction d'Héma-Québec, qui vient d'être honoré à titre de Gestionnaire 2013 aux Prix Performance du Réseau ESG UQAM.

«On peut développer une formidable grappe industrielle autour d'Héma-Québec», dit-il.

D'autant plus que le Québec a fait le choix particulier de ne faire fabriquer aucun matériau à base humaine par des sociétés à but lucratif.

C'est dans ce but qu'Héma-Québec entreprendra la construction à Québec de clavie, un établissement de production cellulaire. Le projet de 21,5 millions de dollars, dont 4,25 M$ seront fournis par la Ville de Québec, ouvrira ses portes au début de 2017 et créera une cinquantaine d'emplois, dans un premier temps. «Selon le succès de nos produits, ça peut devenir énorme !»

«Au début, on va se concentrer sur trois ou quatre produits, mais il n'y a presque pas de limites. Aux États-Unis, ils font déjà des trachées. Et un jour, on pourra peut-être produire des poumons à Québec, des ovaires et nombre d'organes à partir de cellules souches», précise M. De Serres.

«Il n'y aura pas plus de deux ou trois usines comme la nôtre en Amérique du Nord. De plus, personne d'autre au Canada n'est en voie de le faire. Alors, il faut prendre notre place», souligne le médecin et détenteur d'un MBA, ajoutant que la Californie est un leader dans le domaine, grâce à des investissements de 3 milliards de dollars.

Une pharmaceutique à but non lucratif

Mine de rien, Héma-Québec est l'une des plus importantes sociétés pharmaceutiques au Québec, avec 1 300 employés, des ventes de 330 M$, plus 30 M$ de subventions. Sauf qu'Héma-Québec est un organisme à but non lucratif.

Quand M. De Serres est arrivé chez Héma-Québec au début de 2011, l'organisme était reconnu comme l'un des meilleurs du monde en approvisionnement de produits sanguins, sa mission d'origine. Il aurait pu «prendre ça cool», comme on dit, mais il avait une vision plus aiguë de ce que doit devenir l'organisme.

D'abord, Héma-Québec ne distribue plus de sang total, c'est-à-dire le sang tel que prélevé chez les donneurs. En fait, dans ses deux usines actuelles de Québec et de Montréal, on en extrait des molécules ensuite utilisées comme médicaments, 45 en tout. Ces médicaments servent à traiter des cancers, l'immunodéficience, l'hémophilie, etc. Son produit vedette, ce sont les immunoglobulines, formulées en poudre ; Héma-Québec en vend pour 100 M$ par année aux hôpitaux.

Quant aux cellules souches, on peut les produire à partir de dents ou de graisse humaine et les transformer en peau pour traiter les grands brûlés ; en vessies pour en faire la greffe aux enfants à qui on l'a retirée en raison d'un cancer ; en cellules cardiaques pour remplacer celles qui meurent après un infarctus ; en cellules pancréatiques pour traiter les diabétiques ; en cellules nerveuses pour remplacer celles qui meurent après un AVC, etc.

La cible : l'Amérique du Nord

Avec un tel plan de développement, le marché du Québec deviendra rapidement trop petit pour Héma-Québec, qui cible logiquement l'Amérique du Nord. «Et pour vendre à l'extérieur du Québec, nous devrons devenir aussi efficaces qu'une société privée, explique M. De Serres. Pour cela, il faut prendre de l'expansion.»

Et devenir plus productifs ! Mais, pour lui, productivité ne passe pas nécessairement par une baisse des salaires et par des licenciements. «Soixante pour cent des produits sanguins que nous utilisons au Québec proviennent des États-Unis. Si on rapatriait cette activité, on créerait 300 emplois chez nous. Ça intéresse grandement nos neuf syndicats et ils comprennent que, pour cela, il faut produire à des coûts qui nous permettent de vendre aux États-Unis. Je pense qu'une organisation a le syndicat qu'elle mérite ; si la direction gère intelligemment, le syndicat agira intelligemment.»

Un certain nombre de pays, dont la France, sont d'ailleurs autosuffisants en matière de produits sanguins. Attendez-vous donc à ce que le nombre de collectes de sang augmente au cours des prochaines années.

Au Québec, la demande de globules rouges de la part des hôpitaux diminue depuis quelques années (baisse de 9 % l'an dernier), grâce aux chirurgies moins invasives qui font perdre moins de sang aux patients.

Ce qui augmente, en revanche, c'est la demande de plasma (la partie liquide du sang, dans laquelle baignent les cellules et des protéines comme les immunoglobules). C'est surtout du plasma qu'on achète aux États-Unis. Et c'est pour gagner en autonomie qu'Héma-Québec ouvrira le 12 décembre un centre de collecte de plasma à Trois-Rivières.

Cette collecte s'apparente à celle de sang ordinaire, sauf qu'elle prend environ une heure.

Héma-Québec prélève aussi des cornées sur les cadavres. «Depuis deux ans, nous avons diminué la liste d'attente de cornées de 50 %, et nous prévoyons éliminer cette liste dans quelques mois», précise M. De Serres.

En outre, Héma-Québec prévoit prélever du lait maternel auprès des femmes qui viennent d'accoucher pour aider les grands prématurés à survivre.

340 $ - Les hopitaux paient 340 $ à Héma-Québec pour un sac de globules rouges, par rapport à 420 $ en Ontario.

Un véritable entrepreneur

À 53 ans, Jean De Serres a une feuille de route impressionnante. Il a pratiqué la médecine familiale pendant 14 ans et a dirigé la Direction de la santé publique en Outaouais. Il a enseigné à l'Université McGill et créé trois entreprises : Gestion BD, spécialisée en gestion de cliniques (dissoute) ; Med Discovery, une bibliothèque en oncologie établie à Genève, en Suisse ; et Biomilestones, de Montréal, qui fait de la consultation pharmaceutique. Il est toujours actionnaire des deux dernières avec sa femme Grazia Maion, directrice principale, développement des affaires et investissements chez Univalor, la société de valorisation de la recherche de l'Université de Montréal.

Les lauréats des Prix Performances 2013

Outre Jean De Serres, président et chef de la direction d'Héma-Québec, trois autres gestionnaires ont été honorés lors du Gala Prix Performance 2013 du Réseau ESG UQAM. Il s'agit de Daniel Richard, président de Groupe Vini-Quatro (Entrepreneur 2013), de Solange Fresneau, vice-présidente de TechFab (Jeune leader 2013) et de Geneviève Dumas, directrice générale du Fairmont Le Château Montebello (Coup de coeur 2013). Le jury était composé de Jean-Paul Gagné, éditeur émérite de Les Affaires, de Robert Proulx, recteur de l'UQAM, et de Stéphane Pallage, doyen de l'ESG UQAM.

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