Entrepreneuriat québécois : Je préfère les verres à moitié pleins


Édition du 08 Février 2014

Entrepreneuriat québécois : Je préfère les verres à moitié pleins


Édition du 08 Février 2014

Par Robert Dutton

Le Québec est moins entrepreneur que le reste du Canada. Chaque sondage de la Fondation de l'entrepreneurship, parmi d'autres, le rappelle : on retrouve chez les Québécois moins de propriétaires d'entreprise que chez les autres Canadiens ; moins de personnes qui affirment vouloir se lancer en affaires ; moins de personnes qui posent des gestes concrets en ce sens. Bref, les Québécois semblent avoir la fibre entrepreneuriale atrophiée par rapport à leurs concitoyens d'ailleurs.

Pareil constat renforce une idée reçue, bien intégrée dans notre psyché collective : inhibés par notre culture, voire par notre nature, nous ne serions venus aux affaires que récemment. Depuis, nous devons rattraper un retard et, pour cela, combattre notre atavisme anti-business.

Un riche héritage entrepreneurial

Le «déficit entrepreneurial» du Québec est bien réel. Je parle de «déficit», et non de «retard», car je ne suis pas sûr qu'il soit hérité de nos ancêtres. Notre histoire foisonne d'exemples trop peu connus qui contredisent l'archétype du Canadien français étranger aux affaires. Par exemple, avant d'être une chaîne d'hôtels, Radisson fut un entrepreneur d'envergure, faisant le commerce des fourrures en France, en Angleterre et en Nouvelle-Angleterre, où il recrutait des partenaires financiers. À la même époque, un François Poulin de Francheville faisait fortune comme marchand mais, surtout, lançait les Forges du Saint-Maurice, ce qui fait de lui un pionnier de l'industrie minière et métallurgique canadienne.

Qui sait qu'au 19e siècle, bien avant la création du Mouvement Desjardins, il y eut au Québec un autre Alphonse Desjardins, président de la Banque Jacques-Cartier de 1878 à 1899 ? Cette banque n'était qu'une parmi une bonne dizaine de banques commerciales «canadiennes-françaises» ayant prospéré entre 1830 et 1930 - des banques aux noms évocateurs comme Banque d'Hochelaga, Banque du Peuple, Banque de St.Hyacinthe, Banque de St-Jean ou même Banque Internationale.

Pourquoi créer à Montréal une Chambre de commerce francophone dès 1887, pourquoi créer l'école des HEC dès 1907, juste après la création des écoles de gestion de l'Université de Toronto, de McGill et de Harvard, si ce n'est pour répondre à un besoin ressenti par le milieu ? Et l'histoire reste à écrire de grands entrepreneurs et financiers canadiens francophones, des frères Rolland à Casimir Dessaules, en passant par Joseph Masson, L.-A. Senécal ou F.-L. Béique.

Notre histoire est également riche de succès éclatants, qui ont souvent dépassé nos frontières. La première Banque Nationale, qui allait fusionner avec la Banque d'Hochelaga, avait des bureaux à Paris. Le financier L.-J. Forget et son neveu Rodolphe eurent aussi pignon sur rue sur le vieux continent et participèrent à d'importants financements internationaux, en plus d'exercer un rôle déterminant dans le développement de géants de l'industrie et de la finance de Montréal.

La vérité, c'est que nous avons en héritage le goût, l'ambition et la capacité de créer et de développer des entreprises. Notre histoire foisonne en effet d'entrepreneurs méconnus - inventeurs, pionniers de l'industrie, magnats de la finance, dont certains ont eu une envergure et un poids comparables aux plus influents de leurs contemporains du Canada anglais et des États-Unis. Leur vie, leurs réalisations sont mal documentées, plus mal diffusées encore. Pareille lacune témoigne des valeurs très contemporaines de ceux qui écrivent et diffusent notre histoire, pas de ceux qui l'ont faite.

Un verre à moitié plein

Notre «déficit entrepreneurial» n'est donc pas historique. Encore moins génétique. Mais surtout, il est tout à fait relatif. Au lieu d'y voir un verre à moitié vide, je préfère voir le verre à moitié plein du dynamisme des jeunes entrepreneurs québécois ; ces entrepreneurs qu'évoquent les enquêtes de la Fondation de l'entrepreneurship ; ces entrepreneurs, marchands ou fournisseurs, que j'ai côtoyés pendant 35 ans (deux générations !) passés chez Rona ; et ces jeunes avec qui j'échange aujourd'hui à l'École d'entrepreneurship de Beauce. Tous, ils ont la passion et la flamme de l'entrepreneur ; plusieurs ont la vision et l'envergure pour réussir en affaires ; quelques-uns ont aussi un supplément d'âme qui donne à leur projet un sens et une portée qui dépassent la solidité du bilan et la seule réussite matérielle. Déficit ou pas, la culture entrepreneuriale du Québec a de profondes racines ; elle est porteuse de fruits mûrs et de bourgeons vivaces et nombreux.

De toute façon, la décision d'entreprendre appartient à des personnes. Pas à la collectivité, ni à leur culture. Celle-ci peut être plus ou moins porteuse, mais peu importe où, lancer ou reprendre une entreprise est une «traversée en solitaire». Il y a une équipe, des collaborateurs, peut-être le soutien d'une famille ou de proches, mais en dernière analyse, il y a un entrepreneur face à lui-même ; qui partagera ses succès avec tous ses collaborateurs, mais qui assumera seul la responsabilité d'un échec.

Pour cela, il faut une personnalité un peu particulière, des habiletés, un plan, beaucoup de ténacité... Mais j'anticipe. Tout cela, j'en parlerai dans mes prochaines chroniques.

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