Échouer fait mal, sauf que...


Édition du 18 Avril 2015

Échouer fait mal, sauf que...


Édition du 18 Avril 2015

Louise Guay Présidente de SmartMoov.

L'échec en affaires fait mal. Très mal. Tous les entrepreneurs que nous avons interviewés pour ce reportage en savent quelque chose. Malgré tout, ils ne regrettent pas d'avoir pris de grands risques, sans lesquels ils n'auraient pas innové. Ils ont soigné leurs plaies, appris et entament aujourd'hui un nouveau chapitre de leur vie professionnelle. Bref, ils n'ont pas peur de l'échec, un sujet encore tabou dans le milieu des affaires québécois.

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«Je crois qu'au Québec il y a beaucoup de talent, mais il faut qu'on continue de faire grandir notre audace», lance Louise Guay, qui a accepté de nous parler de son échec six ans après la faillite de Mon Mannequin Virtuel. «Je ne regrette pas une seconde d'avoir été audacieuse, enchaîne- t-elle. Oui, j'ai fait beaucoup d'erreurs, mais plein de bons coups aussi.»

Des bons coups, il va sans dire que Louise Guay en a fait plusieurs entre la création de Mon Mannequin Virtuel, en 1997, et sa faillite en 2009. Louise Guay avait démarré le projet en notant qu'il n'était pas pratique d'acheter en ligne des vêtements qu'on n'avait pas essayés. Sa solution, un mannequin virtuel affichant les mensurations du consommateur, était en avance sur son temps. Les vêtements devaient avoir été modélisés en 3D par l'entreprise, à qui cela coûtait 2 000 $ par morceau.

Ces coûts prohibitifs n'ont pas empêché Mon Mannequin Virtuel de survivre à l'éclatement de la bulle techno en 2000. Même qu'en 2005, l'entreprise, qui a franchi le cap des 300 employés, a réalisé un bénéfice sur un revenu de six millions de dollars. Au fil du temps, Louise Guay a ainsi vendu Mon Mannequin Virtuel à une vingtaine de grandes entreprises, dont Les Galeries Lafayette, H&M et Victoria's Secret.

L'ambition de Louise Guay, cependant, était beaucoup plus grande. Pour elle, Mon Mannequin Virtuel avait autant de potentiel qu'Amazon. Cette ambition l'a notamment amenée à développer une plateforme permettant de meubler une pièce virtuelle et à investir dans un moteur de recherche visuel qui n'aura finalement jamais vu le jour. «Il fallait passer à 200, puis à 400 M $, relate l'entrepreneure. Pour passer du concept à la mise en marché, ça aurait pris ces fonds-là, mais au Québec, il n'y en avait pas.»

Alors que Louise Guay est en recherche de financement, la crise financière de 2008 éclate et son onde de choc pousse la plupart des investisseurs du monde à fermer le robinet. Le dernier espoir de Louise Guay est alors dans les mains du milliardaire Edward Lampert. Son fonds de couverture a investi 6 M $ dans l'entreprise de Louise Guay et a acheté son plus important client, Sears.

Edward Lampert ne fermait pas la porte à la possibilité de doubler sa mise dans Mon Mannequin Virtuel, mais souhaitait que ses co-investisseurs québécois fassent de même : «Moi, j'étais prise au milieu de ça, j'essayais de créer un dialogue, relate Louise Guay. Les délais de réponse sont très rapides à Wall Street, mais pas au Québec. Nos investisseurs québécois prenaient leur temps, puis on a fini par manquer d'argent».

La culture de l'échec

L'aventure de Mon Mannequin Virtuel, dans laquelle quelque 40 M $ composé de capital de risque et de crédits d'impôt se sont envolés, est unique au Québec de par son ampleur. Mais dans la Silicon Valley, on ne compte pas les entrepreneurs qui ont fait perdre davantage à leurs investisseurs. Et ces pertes se font parfois beaucoup plus rapidement.

«Dans la Silicon Valley, l'échec, c'est un insigne d'honneur ; on est fier d'avoir eu un échec. On parle beaucoup des leçons qu'on en a tiré et on les mentionne même lorsqu'on se présente devant des investisseurs», explique Brian King, un professeur de HEC Montréal spécialisé en capital de risque.

Si on admet l'échec dans la Silicon Valley, c'est aussi parce que la prise de risque y est valorisée par l'industrie du capital de risque, dont la Californie est l'épicentre mondial. Les capital-risqueurs répartis le long de Sand Hill Road, comme Sequoia Capital, injectent des millions dans des entreprises en démarrage qui risquent 9 fois sur 10 de partir en fumée, et ce, dans l'espoir de financer le prochain Uber.

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