Entrevue n°196: Rina Onur, cofondatrice Peak Games


Édition du 22 Mars 2014

Entrevue n°196: Rina Onur, cofondatrice Peak Games


Édition du 22 Mars 2014

Par Diane Bérard

«Dans un pays émergent, un travail honnête peut rapporter une croissance explosive» - Rina Onur, cofondatrice Peak Games

La Turque Rina Onur a 28 ans. En 2011, elle a cofondé Peak Games, devenu l'un de trois plus importants producteurs de jeux sociaux du monde. Elle était panéliste au Forum économique mondial de Davos, en janvier. Rina Onur appartient à l'autre communauté du 1 %, celle des jeunes de moins de 30 ans invités à se joindre à l'establishment de Davos.

Diane Bérard - Votre vie professionnelle a débuté par une crise. Racontez-nous.

RINA ONUR - Comme plusieurs diplômés en économie [née à Istanbul, Rina Onur a étudié à Harvard], j'ignorais ce que je voulais faire dans la vie. Deux choix s'offrent à nous : la consultation ou le secteur financier. J'ai opté pour le second, que je considérais comme plus sûr. C'était à l'été 2008... J'ai rejoint Morgan Stanley, à Londres. Après six mois, on m'a mutée à Istanbul. C'est à ce moment que la crise financière a éclaté.

D.B. - Quels souvenirs gardez-vous de l'automne 2008 ?

R.O. - Je me souviens du week-end où Lehman Brothers a déclaré faillite. Je me revois devant mon écran d'ordinateur à regarder la valeur des titres dégringoler de minute en minute, complètement dépassée par la situation. Puis, Morgan Stanley a fermé son bureau d'Istanbul et a proposé de me rapatrier à Londres. J'ai préféré démissionner. Je voulais demeurer en Turquie. J'ai rejoint Turkven, le plus vieux fonds d'investissement privé turc.

D.B. - Comment êtes-vous passée de gestionnaire de fonds à entrepreneure ?

R.O. - Turkven m'a demandé d'évaluer le potentiel du secteur Internet turc. J'ai découvert des occasions d'affaires incroyables. Et j'ai eu envie de rejoindre ce secteur plutôt que de le financer.

D.B. - Où avez-vous trouvé le financement ?

R.N. - Nous avons été chanceux. Nous avons lancé Peak Games dans un marché survolté qui nous a accueillis à bras ouverts. En 2011, la Turquie commençait à paraître dans la mire de nombreux capital-risqueurs et anges financiers. Et le secteur des jeux en ligne explosait à l'Ouest et en Extrême-Orient. Le reste du monde voulait monter dans le train. Tout était en place pour un lancement sur les chapeaux de roues. Le premier fonds à croire en nous était belge, Hummingbird. Des investisseurs allemands et un autre du Moyen-Orient ont suivi.

D.B.- Un million d'usagers par jour dès le premier mois, ce n'est pas mal...

R.N. - Oui... et trois ans plus tard, nous en avons 13 millions par jour.

D.B. - Peak Games ne nourrit aucune ambition occidentale. Expliquez-nous.

R.N. - Pourquoi est-ce que je viserais l'Occident ? L'Afrique du Nord et le Moyen-Orient comptent 1,1 milliard d'habitants. Plus de 150 millions d'entre eux sont branchés à Internet et plus de 70 millions, à Facebook. L'âge moyen est de 26 ans. Un bassin de clients de rêve. Les producteurs internationaux de jeu en ligne s'en sont rendu compte, mais ils se sont contentés de proposer leurs produits génériques. Aucun contenu ni soutien local pour les usagers turcs et arabes.

D.B. - La recette initiale du succès de Peak Games reposait sur des ingrédients locaux...

R.N. - Notre stratégie était simple : si des millions de joueurs turcs et arabes étaient prêts à jouer en ligne à des jeux qu'ils ne comprenaient qu'à moitié et pour lesquels on ne leur offrait aucun soutien technique, le marché s'ouvrirait tout grand pour des jeux culturellement signifiants. C'est ce qui est arrivé.

D.B. - Quels étaient ces ingrédients ?

R.N. - Nous avons proposé des jeux de cartes et de table propres aux pays arabes et du Moyen-Orient, comme Okey. Nous proposons aussi des versions arabes de jeux occidentaux comme Baloot, une adaptation de la belote. Nos clients connaissent ces jeux depuis toujours, ils font partie de leur héritage. L'innovation consiste à leur permettre d'y jouer en ligne avec d'autres joueurs.

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