Comment RÉANIMER l'économie ?

Publié le 01/04/2009 à 00:00

Comment RÉANIMER l'économie ?

Publié le 01/04/2009 à 00:00

Ottawa dépensera 40 milliards de dollars au cours des deux prochaines années pour stimuler l'économie. De son côté, Québec allongera 41,8 milliards de dollars entre 2008 et 2013, seulement pour redresser son réseau routier. Que valent les mesures de relance ?

"Les récessions sont comme la grippe. Si vous ne faites rien pour la guérir, elle dure sept jours. Si vous intervenez, elle dure une semaine." Ce brin de sarcasme vient du président tchèque Vaclav Klaus, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union européenne. Le volubile politicien de 67 ans s'est attiré les huées et quelques applaudissements de la part des membres du parlement européen lors d'un discours en février. Son crime : douter de l'efficacité des plans de relance mis en branle par la plupart des gouvernements européens.

Ici aussi, l'État dépense. Québec et Ottawa veulent replonger dans les déficits budgétaires pour stimuler l'économie. Selon les adeptes du keynésianisme - la doctrine de l'économiste John Keynes qui prône d'accepter les déficits budgétaires pour combattre la récession -, le gouvernement doit dépenser, et tout de suite. D'après ses détracteurs, les interventions de l'État risquent d'empirer la crise, tout en endettant les générations futures.

Un gouvernement peut-il relancer l'économie ? Comment doit-il s'y prendre ?

ÉLECTROCHOC 1 : Intervenir

Tout est dans la manière... et dans la durée

En temps de crise, les politiciens sont pressés d'agir. La solution pourrait plutôt être... de s'abstenir. "Le keynésianisme n'a jamais fonctionné, dit Pierre Lemieux, économiste à l'Université du Québec en Outaouais. Autrement, la Grande Dépression n'aurait pas traîné 15 ans, la récession du début des années 1980 n'aurait pas duré trois ans, et le Japon n'aurait pas été en récession pendant une décennie", dit-il. Pierre Lemieux n'est pas seul à remettre en cause cette doctrine. En février, il a cosigné, avec 11 économistes québécois une déclaration "antistimulus" qui dénonce le gonflement des dépenses publiques. La crise actuelle laisse à penser que l'État, loin de freiner l'hémorragie, l'aggrave, dit-il. "Plus l'État américain engloutit des milliards dans l'économie, plus les investisseurs et les consommateurs deviennent sceptiques."

Non seulement les plans de relance peuvent se révéler inefficaces, mais ils retardent la reprise économique, croit Martin Masse, consultant en politiques publiques. Même si le PIB diminuait de 3 %, 97 % de l'économie fonctionne toujours, rappelle-t-il. "Des entreprises continuent de croître. Et elles investiront si le prix des facteurs de production - comme la main-d'oeuvre ou les matériaux - baisse à la suite du ralentissement économique." Mais l'État, en stimulant artificiellement l'économie, freine ce processus, dit-il. "En lançant des projets d'infrastructures, l'État maintient à un niveau élevé le prix des ressources qu'il utilise (le ciment, les métaux, le pétrole qui alimente les véhicules, les ingénieurs, les systèmes informatiques, etc.). Ces ressources ne sont plus disponibles pour les entreprises en bonne santé. Le gouvernement empêche donc le réajustement nécessaire de l'économie et prolonge la crise", continue Martin Masse.

La non-intervention a-t-elle déjà fonctionné ? En 1921, une sévère récession frappe les États-Unis. Le chômage grimpe à 12 %. Dès 1922, les chômeurs ne représentent plus que 6,7 % de la population, puis 2,4 % l'année suivante. Comment est-ce arrivé ? Le président de l'époque, Warren Harding, a réduit les dépenses de façon importante. Il a aussi évité de mettre en oeuvre des plans de relance. "Aujourd'hui, nous pourrions subir l'équivalent de cette crise, affirme Martin Masse. Au lieu de cela, nous réagissons comme si c'était la fin du monde. Nous sommes en train de créer une dépression qui durera 10 ans."

Malgré ces bémols, les plans de relance restent la chose à faire, croit Carlos Leitao, économiste en chef à la Banque Laurentienne. "Aux États-Unis, les dépenses des consommateurs sont en chute libre. Cela entraîne une spirale négative qu'il faut stopper", dit-il. L'État est le seul à posséder les moyens d'agir. "Une fois l'économie stabilisée, le gouvernement pourra se retirer. Mais nous n'en sommes pas encore là."

ÉLECTROCHOC 2 : les baisses d'impôts

Moins efficaces que les crédits

Les baisses d'impôts suscitent peu d'enthousiasme chez les commentateurs. La raison : les gens risquent d'épargner ou de rembourser leurs dettes, au lieu de consommer. "Avec les baisses d'impôts, il faut se croiser les doigts pour que les gens consomment, et qu'ils consomment localement, dit Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke. Si les gens dépensent leurs baisses d'impôts en achetant des produits importés, ça ne mettra pas les gens du Québec au travail." Pour cette raison, il privilégie les dépenses directes, comme les projets d'infrastructures.

"Mais quand on épargne, l'argent ne se s'évapore pas, nuance Pierre Lemieux, de l'Université du Québec en Outaouais. Il est soit prêté par la banque où vous l'avez déposé, soit dépensé par vos créanciers." Il est donc réinjecté dans l'économie. En fait, l'épargne ne peut disparaître dans un trou noir que d'une seule façon : si la banque préfère acheter des obligations du gouvernement au lieu de prêter à des entreprises, comme c'est le cas aux États-Unis, dit-il.

Puisque la consommation à crédit nous a menés dans cette galère, n'est-ce pas logique d'épargner et de rembourser ses dettes ? "C'est un paradoxe, dit le fiscaliste Luc Godbout. Le but du gouvernement n'est pas de désendetter les consommateurs. Il veut éviter qu'il y ait des pertes d'emploi et que l'économie tourne en deçà de sa capacité." Luc Godbout ajoute que dans leurs plans de relance, les gouvernements fédéral et provincial ont inclus une mesure qui pourrait plaire aux deux camps : le crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire. "Ce type d'incitation fiscale est ciblé, et conditionnel à ce que les gens dépensent. Il peut donc avoir plus d'impact qu'une simple baisse d'impôt."

ÉLECTROCHOC 3 : lancer des projets d'infrastructures

Une bonne idée pour le Québec

Construire une route peut-il stimuler l'économie ? Le raisonnement est le suivant : les nouveaux employés dépenseront leur salaire en mangeant au restaurant, en allant au cinéma ou en s'achetant une voiture. Bref, feront "rouler" l'économie. Seul hic : ces emplois seront temporaires. Sachant cela, les travailleurs embauchés épargneront et paieront leurs dettes - comme dans le cas des baisses d'impôts -, créant peu d'emplois indirects. "Après la première ronde de dépenses, les projets d'infrastructures auront le même impact qu'une baisse d'impôt, explique Luc Godbout. Mais au moins, cela aura évité que des entreprises fassent faillite et que des Québécois se retrouvent au chômage."

Peut-on compter sur les travaux d'infrastructures pour absorber les futurs chô-meurs ? Les métiers de la construction sont spécialisés. Qu'arrivera-t-il si les chômeurs viennent surtout des secteurs financier et des services ? Imaginez un ancien comptable fixant les poutres de soutien du nouvel échangeur Turcot ! Créera-t-on simplement une inflation dans le secteur de la construction ? Il y a peu de risques, dit l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. L'Association a expliqué à Commerce que sur un chantier routier, de 30 à 40 % de la main-d'oeuvre est composée de manoeuvres. Des travailleurs non spécialisés, que peuvent remplacer des travailleurs d'autres secteurs, comme ceux des forêts ou des mines.

Le premier avantage des projets d'infrastructures, c'est qu'ils sont temporaires et ciblés, dit Carlos Leitao, de la Banque Laurentienne. "Ces projets sont limités. Ils dureront un an ou deux, on donne tant de millions de dollars pour tel projet, ensuite c'est fini. Alors que si on lançait de nouveaux programmes sociaux, cela entraînerait des dépenses récurrentes et des déficits structurels", explique-t-il.

Le Québec profite également d'un con-texte favorable, souligne Stephen Gordon, spécialiste en macroéconomie à l'Université Laval. L'effondrement du viaduc de la Concorde, en septembre 2006, a mis en branle une série de projets d'infrastructures au Québec. "Ces projets exigent beaucoup de préparation. Il faut faire des analyses coûts-bénéfices. Au contraire des États-Unis, qui doivent en ce moment trouver des projets rapidement, la plupart de nos projets sont déjà évalués. On a même déjà creusé les terrains. De cette façon, on risque moins de gaspiller ou de choisir de mauvais projets."

ÉLECTROCHOC 4 : aider les entreprises en difficulté

Dire non aux canards boiteux

Nombre d'entreprises pourraient frapper à la porte du gouvernement au cours des prochains mois. Mais plusieurs industries en difficulté - notamment le secteur forestier du Québec - souffrent de problèmes structurels. Leurs déboires datent d'avant la crise. Il peut alors devenir hasardeux pour l'État de voler au secours de tous ceux qui réclament de l'aide.

Dans son plus récent budget, Ottawa a prévue de verser plusieurs centaines de millions de dollars au lobby des producteurs agricoles ainsi qu'à l'industrie forestière canadienne. Pour Claire Joly, directrice générale de la Ligue des contribuables du Québec, ces dépenses ne feront qu'endetter les générations futures. "Quand on prend de l'argent des secteurs en bonne santé pour le donner aux secteurs moribonds, on ne crée pas d'emploi", dit-elle. Elle rappelle que ce type de sauvetage d'entreprise a laissé de tristes souvenirs aux Québécois. "On a donné une subvention de 220 millions à GM pour moderniser l'usine de Boisbriand en 1987. Le but était de sauvegarder 3 500 emplois à l'usine, et 1 500 chez des fournisseurs québécois. L'usine a fermé ses portes en 2002, et GM n'a toujours pas remboursé ce prêt sans intérêts."

Une meilleure solution : le programme Renfort, d'Investissement Québec. Le gouvernement s'engage à prêter 250 millions aux entreprises. Il garantit également 750 millions de dollars de prêts, de façon à convaincre les banques de financer des projets. "La beauté de ce programme, c'est qu'une entreprise n'est admissible que si elle est solvable. Elle doit avoir un historique de rentabilité", dit Simon Prévost, vice-président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. "C'est mieux que les subventions ciblées, qui n'incitent pas les entreprises à revoir leurs façons de faire", ajoute-t-il.

Car pour favoriser la relance, le gouvernement doit éviter de maintenir en vie des entreprises inefficaces, dit le consultant en politiques publiques Martin Masse. Les investisseurs attendent en ce moment de voir quelles sont les entreprises solvables pour y investir. En maintenant en vie des entreprises en difficulté, les gouvernements prolongent la période d'incertitude, dit-il. "Si j'ai devant moi 10 banques, je veux savoir celles qui sont en bonne santé et celles qui ne sont plus solvables. Si l'État les maintient artificiellement en vie, je ne le saurai pas. Je vais alors garder mon argent et attendre, parce que c'est trop risqué d'investir."

david.descôteaux@transcontinental.ca

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