Comment éveiller l'esprit entrepreneurial des Québécois

Publié le 12/11/2009 à 10:00

Comment éveiller l'esprit entrepreneurial des Québécois

Publié le 12/11/2009 à 10:00

Par Marc Gosselin

Les succès de Guy Laliberté, de Jean Coutu et d'Alain Bouchard, d'Alimentation Couche-Tard, entretiennent depuis longtemps le mythe voulant que les Québécois aient une fibre entrepreneuriale fort développée. Ces réussites masquent toutefois une triste réalité : le Québec occupe le dernier rang dans la plupart des indicateurs de l'entrepreneuriat au Canada.

C'est ce que démontre l'Indice entrepreneurial québécois de la Fondation de l'entrepreneurship, établi à la suite d'un vaste sondage mené par la firme Léger Marketing en janvier et février 2009 auprès de 17 000 répondants au Canada, dont un peu plus de 10 000 au Québec.

Impossible de rester indifférent devant ce constat alarmant sur la santé entrepreneuriale au Québec. Après tout, la vitalité de l'entrepreneuriat contribuera à relancer la croissance économique de la province.

Les Affaires, la Fondation de l'entrepreneurship et RSM Richter Chamberland ont récemment réuni 16 dirigeants lors des Tables Rondes PME 2009, afin de débattre des obstacles qui nuisent à la création d'entreprises dans la province et de proposer des solutions pour éveiller l'esprit entrepreneurial des Québécois.

Quatre obstacles à surmonter

Pourquoi le Québec est-il la province la moins entreprenante au pays ? Voici quatre obstacles identifiés par les participants à notre table ronde.

1 Le besoin de confort et de sécurité

" Nous vivons dans une société qui favorise la sécurité et la consommation immédiate. Nous avons une aversion collective du risque. Nos jeunes adultes souhaitent rapidement acheter leur automobile, devenir propriétaire de leur maison et voyager autour du monde. "

- Michel Côté, de CRC Sogema

Cet obstacle a retenu l'attention des participants. Plusieurs estiment que les crises économiques sont un terreau particulièrement fertile pour relancer l'entrepreneuriat.

Certains font remarquer que le gros boom de l'entrepreneuriat des années 1980 était attribuable à la crise économique de l'époque et aux restrictions budgétaires des gouvernements, qui avaient à l'époque cessé d'embaucher massivement.

" La nécessité fait en sorte qu'on n'a pas le choix. L'être humain, fondamentalement, n'est pas attiré par le risque, mais plutôt par la qualité de vie. "

2 Un marché limité par la langue

" Notre principal obstacle est historique : il s'agit de notre situation géographique. Nous sommes les seuls francophones en Amérique du Nord. "

- Pierre Marc Tremblay, président et chef de la direction de Restaurants Pacini

La langue, la situation géographique et le marché local, restreint, ont intensément alimenté les discussions. Le marché d'un entrepreneur ontarien, ce n'est pas seulement l'Ontario, mais tout le Canada, explique M. Tremblay. " Quand tu viens d'ici et que tu veux aller ailleurs au Canada - on ne parle tout de même pas d'un pays étranger- tes banquiers te disent de t'occuper d'abord de ton marché. Avec comme principale conséquence que nous sommes repliés sur nous-mêmes ", dit-il.

" Un jeune Torontois qui provient d'un milieu défavorisé, mais qui parvient à transformer une idée géniale en PME, n'a pas la barrière de la langue, car il maîtrise l'anglais. C'est une question d'ouverture sur le monde. Une PME américaine peut enregistrer un chiffre d'affaires de 50 millions de dollars. Nous sommes l'équivalent d'une PME aux États-Unis, mais on nous considère quasiment comme une grande entreprise ", souligne Christian Élie, de Pelican International, un leader mondial dans la conception et la fabrication d'embarcations de plaisance fabriquées en plastique.

André Couillard, de Procom, consultant en technologies de l'information, nuance le point de vue exprimé par ses collègues. Cet entrepreneur, qui a passé 25 ans à Toronto, voit énormément d'occasions d'affaires qui permettent à des entreprises d'ici de se développer d'abord en étant québécoise. " Nous vivons une dualité. Il y a des entreprises canadiennes qui s'implanteront partout au Canada, mais qui seront incapables de traverser la rivière des Outaouais ", dit-il.

3 Le financement

Faciliter le financement. L'expression est revenue à plusieurs reprises lors des deux rencontres. Les mécanismes de financement existent déjà, soulignent les dirigeants d'entreprise. On n'a qu'à penser à la Banque de développement du Canada, à Investissement Québec, aux institutions financières, au mouvement coopératif ou aux fonds de travailleurs.

Par contre, ces instruments financiers doivent s'adapter à certaines périodes plus critiques de la vie de l'entreprise, comme une croissance rapide ou des difficultés temporaires.

Autre obstacle : l'absence ou le manque de love money, ces prêts ou ces dons consentis par les proches de l'entrepreneur. " C'est moins ancré dans la culture d'ici. Ces dons récoltés à gauche et à droite permettent d'aller chercher de 20 à 25 000 $. Par la suite, il est beaucoup plus facile de convaincre une institution comme la Banque de développement du Canada d'embarquer dans un projet ", explique André Couillard, de Procom.

4 La difficulté d'accéder à l'appareil gouvernemental

Président et chef de la direction de CRC Sogema, une PME qui se spécialise dans la gestion de projets d'aide au développement et de coopération internationale, Michel Côté remplit des demandes de subvention depuis 30 ans. Malgré sa vaste expérience, il est renversé par la difficulté d'accès à l'appareil gouvernemental.

" Dans les trois dernières années, nos ventes ont grimpé de 75 %. Il faut se retourner de bord et obtenir du capital de risque. Or, je suis déconcerté par la complexité du financement auprès d'organismes gouvernementaux. Pourtant, je remplis des formulaires à tous les jours pour mes clients. Comment se fait-il que ces organismes soient si rigoureux pour un prêt d'un million de dollars alors que la Caisse de dépôt et placement a perdu 40 milliards de dollars l'année dernière et qu'on a de la difficulté à faire la lumière là-dessus ? " s'interroge M. Côté.

C'est sans parler des projets internationaux des PME, ajoute l'entrepreneur. L'évaluation du risque par les banques et les organismes gouvernementaux est faussée, dit-il.

" On est dans un drôle de système. La dotation de la subvention gouvernementale coûte 40 % de ce qu'elle rapporte. Par exemple, on nous parle de coûts pour fournir les documents et les preuves et effectuer un suivi du dossier ", renchérit Pierre-Marc Tremblay, de Restaurants Pacini.

Dans un tel contexte, il n'est pas surprenant que des entreprises décident de ne pas recourir à des subventions, par exemple à la R-D.

Pour d'autres entrepreneurs, l'environnement fiscal pose problème. " Les taxes, les acomptes provisionnels et les multiples déductions à la source nous enlèvent notre flux de trésorerie ", souligne Guy Bibeau, d'Abipa Canada, une PME de Laval spécialisée dans l'usinage de pièces, notamment dans le domaine de l'aéronautique.

Dans le Journal LesAffaires du 14 novembre :

-Le Québec en queue de peloton au Canada

-Trois pistes de solution pour donner un 2e souffle au Québec inc.


 

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